Chapitre 25

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Enra frictionne les vitres, il l'examine faire cette tache avec avidité, en espérant qu'elle ne tombe pas, car quel gâchis ça serait... Il constate que les cheveux de la jeune femme sont attachés. Elle ne porte qu'un t-shirt sur ses épaules, et semble avoir froid. Il pourrait presque distinguer la chair de poule sur sa peau. Bientôt, les frissons ne seront pas dus à la température, Enra tremblera de peur. Voir la crainte dans son regard sera l'accomplissement de beaucoup de travail. Elle n'est pas simple à opprimer, ni à asservir. Néanmoins cette partie du processus est plus que nécessaire pour un résultat parfait. L'horreur dans la pupille, et la lueur qui brille seulement quelques heures avant la mort, c'est ce qu'il veut capturer avec son appareil photo.

Enra risque de défaillir si elle continue de se pencher autant sur le rebord de la fenêtre. Il frémit en la voyant frôler la mort avec ce sourire sur les lèvres, elle est radieuse, et pourtant si près d'un possible anéantissement. Peut-être que cette force d'innocence et de courage est ce qui devrait ressortir dans ces photos. Il soupire, parce qu'elle lui fait constamment changer de plan. Mais un artiste doit savoir évoluer sur ses pratiques, ses désirs et sa manière de faire.

Enra est la muse parfaite pour son travail. D'où ce travail acharné pour la maintenir dans ce cercle vicieux. Il est debout, les bras croisés, le regard porté vers elle en espérant de tout cœur qu'elle ne tombe pas du 5ème étage. Il s'en va, lorsqu'elle referme la fenêtre. L'homme rejoint son appartement, et s'y enferme. Il récupère son album photos, et observe ses anciennes œuvres d'art. Au milieu de ces femmes souffrantes, il y a Enra, dormant paisiblement. Elle n'est pas souillée, seuls des mèches de cheveux décorent son visage. Son oreille est ornée de bijoux couleur or, et ses joues sont roses, parce qu'elle a trop dormi, comme d'habitude. C'est une très belle femme, "personne ne la mérite", il murmura en observant Enra Peters.

Le sommeil et elle, c'est une grande histoire d'amour. Enra dort énormément, d'où cette facilité à se procurer tous ces clichés. Elle dort sur son pouf, son canapé, dans sa voiture, sur le sol lorsqu'elle est très fatiguée, parfois sur sa table. Elle s'acharne beaucoup au travail.

Il défile les pages de son carnet, et voit le corps de cette jeune femme, qui faisait son footing dans la forêt. Elle était enceinte, et ce n'était pas prévu, sinon il ne l'aurait pas choisit. Orcus ne blaisse pas les femmes enceintes. Sur la photographie, elle cagole son enfant mort dans ses bras, il n'avait rarement vu quelque chose de si beau. Quelques minutes plus tôt, il l'avait forcé à enfoncer une lame dans le cœur de son nourrisson. Elle était enceinte de 9 mois, mais avait fait un déni de grossesse, c'est pour cette raison qu'il n'a pas su voir son état physique. Sur une autre photographie, on la voit passer à l'acte, tuer son enfant qui venait à peine de naître. Autour d'elle, il aperçoit le parquet en bois, qui donne un effet naturel à cette image.

Sur un énième cliché, un drap en soie blanc a été ajouté, étalé sur le sol. Prise en contre plongé, la photographie met en avant ce petit bébé. Recouvert de la chose la plus pure qui existe, le sang. Une osmose de deux entités, deux symboles. Puis enfin, s'ajoute à cette addition la mère : la représentation de l'impureté, de l'obscénité, la honte, le rejet de l'enfant. Ses yeux brillent face à ce magnifique spectacle. Le symbolisme d'Enra sera encore plus poignant, ce moment sera inoubliable. Autant pour elle que pour lui. Le sang coulera beaucoup, elle ne sera jamais aussi heureuse, il en est persuadé.

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Meriem caresse mon épaule, et me sourit de façon compatissante. "Je ne stresse pas, je sais qu'ils ne le trouveront pas là-bas... Il ne va rien faire, il va encore me faire attendre, parce que c'est un taré et que ça le fait jubiler de me voir devenir folle." Meriem fit une mine triste, "non, arrête d'être pessimiste, peut-être qu'il sera là-bas, et qu'ils l'attraperont par surprise. Il faut y croire Enra." Je la repousse doucement avec mes mains, "c'est bon, arrête. Ça va, je m'en fiche complètement, j'accepte la verité. Ce n'est pas si grave que ça."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant