Chapitre 60

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"On va faire le tour ensemble." Il me guide jusqu'à sa cuisine qui est une pièce simple, mais très grande. Ses meubles sont beiges et il y a de nombreuses trace de brun sur certains élements décoratifs. "Ça m'énerve de savoir que tu cuisines jamais dans une cuisine pareille, on peut échanger ?", "oui." Je souris, mais il parait très sérieux. Je crois que si je lui demandais, Alan accepterait d'échanger son appartement avec le miens. J'entre dans la pièce et glisse mes doigts sur toutes les surfaces. Une drôle de tasse repose sur le plan de travail, "c'est celle du bureau non ?", "non, j'en avais acheté deux." Je quitte la cuisine, longe le couloir pour atterrir face à une porte close, je suppose que c'est sa salle de bain. Il me fait signe d'entrer. Je constate que toute la décoration est encore dans des tons beige et marron. C'est très spacieux, comme le reste de son appartement. C'est joli, mais ça, je ne l'avouerais jamais à voix haute. Il a une baignoire, et je lui fais immédiatement remarquer, "tu te souviens quand je t'avais dit que tu devrais prendre un bain au lieu de me faire chier ? Je savais que t'avais une baignoire, tu as une tête à avoir une baignoire", j'explique comme si c'était une évidence en le pointant outrageusement du doigt. Il sourit, et je me surprends à l'imiter comme une écervelée. Nous n'avons pas besoin d'en dire davantage pour nous comprendre.

Je m'approche d'un petit miroir ovale, dont la partie extérieure est faite d'ornements dorées. "Mais il est trop joli ! Pourquoi est-ce que t'as ça ? C'est si différent du reste de ta décoration", il hausse les épaules et m'indique la sortie d'un bref mouvement de tête, "on va voir ma chambre." Je patiente dans le couloir, légèrement sceptique, "on n'est pas obligé d'entrer ici tu sais..." Il pousse la porte, et fait complètement abstraction de ma remarque. Tout son appartement est exagérément propre, c'est comme s'il attendait constamment des invités, des invités d'un rang royal. J'avance à petit pas jusqu'à son grand lit, et je m'y assieds. Je bondis sur le matelas à plusieurs reprises, "il est confortable, ça se sent." Mes yeux se portent immédiatement sur une lampe à fleurs posée à son chevet. Je couvre ma bouche de surprise, "c'est... c'est trop beau..." La lampe est en forme de fleur, c'est le genre de pièce époustouflante que je n'aurais jamais cru voir chez Alan. "C'est... je peux l'allumer ? Elle fonctionne ?" Il répond positivement, je presse le bouton et m'extasie face à tant de beauté, je suis émerveillée. "Elle... elle est magnifique Alan, où est-ce que tu l'as acheté ?", "sur un site, mais attends, je te la donne."

Il s'abaisse pour débrancher la lampe, je l'arrête instantanément, "non ! Garde là, je vais l'acheter. Comme ça toi t'en a une, et moi aussi. Je la mettrai dans ma chambre, ça nous fera un nouveau point commun." Il s'assied sur son lit, à mes côtés. "Je sais pas si c'est de l'égocentrisme, mais ces petits éléments de décoration me font penser à ce que j'ai chez moi." "Ils me font penser à toi, c'est la raison pour laquelle j'ai posé ces trucs dans toutes les pièces. De cette manière, tu es un peu partout chez moi." Je tapote nerveusement mes mains contre mes cuisses, "je vois... Mais ça date de quand ?", "j'ai acheté ces objets quand j'ai compris que je ne pourrais pas tenir ma promesse." Je plisse les yeux, et m'apprête à lui demander de quelle promesse il s'agit, puis je me souviens : il m'a promis le mariage. La verité me tombe sur la tête d'une douloureuse violence. Il ne pourra pas tenir sa promesse... Je me souviens dorénavant du sombre contexte dans lequel on se tient compagnie ce soir.

"Je pense que je vais y aller, je n'aurai pas dû venir", "non, tu restes." Je remue la tête en reculant, "non non je dois y aller." Je ne veux pas lui faire encore plus de mal. Je me presse pour rejoindre l'entrée, mais il agrippe mon avant-bras. "Enra ?", il cherche à attirer mon regard, mais j'enfouis le menton dans mon sternum. "Je viens alors que je sais que ce sera la dernière fois, ça ne sert à rien. C'était une erreur ok ? On va se contenter d'oublier et de faire comme si ça n'avait jamais eu lieu", "ce n'était pas une erreur. Enra ? Tu m'entends ?", "oui", "ce n'était pas une erreur." Une longue pause s'en suit. Alan prend ma main dans la sienne puis me tire, je ne me laisse pas faire et demeure droite comme une statue. Mes pieds sont cloués au sol. "Enra, s'il te plaît." Il glisse son autre main dans mon dos, "viens, on va regarder un film." Je finis par céder, parce qu'il m'a regardé avec des yeux doux et je n'ai pas pu refuser sa proposition. Je le suis avec méfiance, puis nous nous asseyons sur son canapé. "Est-ce que tu as mangé ?", "oui." Il s'en va et revient avec de la glace, et deux tasses de thé. Je mets en marche la télévision. Nous passons le reste du temps à regarder le film sans prononcer un seul mot. Je pense que c'est mieux comme ça. Lorsque celui-ci se termine, je tripote mes mains, angoissée par comment vont se dérouler les nouveaux adieux. Il allume la lampe, alors je le questionne : "tu veux dormir ?", il répond négativement. "Il est 2 heures du matin, quand est-ce que tu comptes dormir si demain tu travailles ?" Il se rassied avec nonchalance, "je n'ai pas l'habitude de dormir très tôt, donc tu peux rester. Et toi, tu es libre demain ?", "non, je travaille. Mais ce n'est que quelques ridicules heures de sommeil."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant