Chapitre 56

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Je souris tristement, et mes yeux se remplirent de larmes. Merde... Pourquoi suis-je si mélancolique ? "Première et dernière fois...", je précise en chuchotant. Des rides se forment entre ses sourcils, il m'interroge en effleurant ma pommette, "qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi est-ce que tu pleures ?" Alan caresse mon visage en essuyant la moindre traînée de larme avec son pouce, "parce que je n'ai pas envie de te quitter." À peine ai-je terminé ma phrase qu'Alan glisse son bras avec douceur dans mon dos pour m'approcher de lui. Son autre main relève mon menton avant qu'il ne presse ses lèvres contre les miennes. Il m'embrasse comme s'il avait attendu ce moment toute sa vie, en me serrant toujours très fort, peut-être parce qu'il n'a pas envie de me laisser partir. Je suis enveloppée par l'amour et la tendresse d'Anderson, et ses bras ne me quittent pas d'un seul millimètre, comme si sa survie en dépendait. Ses muscles sont tendus et je crois sentir son cœur battre aussi violement que le mien. Ce baiser que nous échangeons est riche en plein de choses indéchiffrables : de l'amour, oui de l'amour à profusion, un amour abondant qui ne s'épuise pas. Mais il y a aussi un peu de rancune, et une rage incertaine qui se manifeste ouvertement. Je ressens ensuite encore beaucoup d'amour mêlé à de la frustration. Mes doigts s'agrippent à ses épaules, si je ne le fais pas, je serais déjà par terre. Mes jambes sont frêles et je ne supporte plus l'intensité de ce moment. Cet échange est devenu plus délicat lorsqu'Alan a réalisé que je ne fuirais pas, il s'est attendri, et ça aussi je le ressens à travers chaque parcelle de mon corps. Nos lèvres ne veulent plus se quitter.

Il se détache légèrement de moi pour me prendre dans ses bras, il m'écrase contre son torse alors que je suis encore fébrile et haletante. Je sens la vitesse de son pouls me traverser, son rythme cardiaque me pénètre, et nos cœurs battent dans un rythme effrené, à l'unisson. Est-ce un rêve ? J'en suis persuadée. Je perds la tête, ça ne m'étonnerait pas de savoir que je prends mes rêves pour la réalité.

"Tu n'iras nulle part Enra", il murmure dans mon cou. "Je ne te laisserais pas partir. On fera en sorte d'être discret. Nathan n'en saura rien, mais je ne te laisserais pas partir. Et si je dois te menotter pour te retenir, je le ferai." Je le repousse de toutes mes forces, et m'éloigne un maximum de lui. C'est en vacillant que je rejoins l'autre extrémité du salon. Je tente tant bien que mal de dissimuler l'effet que cette déchirure entre nous deux a sur moi, ainsi que les conséquences flagrantes de ce premier baiser, dont mes joues qui sont en feu. La vitesse à laquelle je me suis habituée à sa chaleur me trouble, j'ai eu froid dès que je ne l'ai plus sentis contre moi.

"Tu ne m'en empêcheras pas, tu... tu ne m'en empêchera pas !", je le menace en le pointant du doigt, "tu sais parfaitement que je le peux. Et tu sais qu'il y a d'autres solutions. Si c'est ce que tu veux, on peut communiquer qu'à travers nos téléphones, je peux faire ça. Il ne le saura jamais. Pas besoin d'être si extrême. Il suffisait de m'en parler, je comprends ta position... Et je comprends pourquoi tu as réagis de cette manière, ça te dépasse, et tu essaies de faire au mieux, mais moi je suis là pour t'aider à faire le bon choix. Et si tu restes sur ta décision, j'ai des menottes quelque part sur moi, je peux te maîtriser aisément et lier nos deux poignets en quelques secondes. Bien que j'ai très envie d'être près de toi, je n'apprécie pas vraiment l'idée de te contraindre physiquement et sans ton consentement de cette manière, alors s'il te plaît..." Je frotte mes cuisses nerveusement, "tu me menaces ?! Très bien, je retourne dormir. Je ne suis même pas sûre d'être vraiment réveillé, mais j'ai pris en note ce que tu m'as dit et demain je te répondrai, parce que là je... je n'ai plus d'energie."

Je m'apprête à quitter le salon, et je l'entends me dire : "j'ai l'intention de rester éveillé, pour être certain que tu ne partes pas dans la nuit." Je m'arrête, les mains sur la taille, "dors, je ne partirais pas", "je suis censé te faire confiance Enra ?" Cette triste vérité me frappe en pleine face, j'avale péniblement ma salive. "Voilà où on en arrive par ta faute. Je vais dormir parce que je suis fatigué, mais j'ai le sommeil léger, un seul de tes pas suffira à me réveiller." Je retrouve ma chambre et ferme la porte. Mes mains sont moites et mes yeux un peu trop humides. Je savais que voir Anderson n'était pas une bonne idée. Je ne devrais pas lui en vouloir, mais je lui en veux quand même. Il est censé comprendre mon point de vue non ? Il est supposé me soutenir dans mes choix, même si ceux-ci ne lui plaisent pas.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant