Chapitre 39

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"C'est pas moi", il prononce avec un vide immense dans les yeux. Je pose d'un geste rapide mes mains à plat sur la table, "le minimum, le stricte foutu minimum, c'est d'avouer. Pour moi, pour tous ces gens que t'as détruit, toutes ces vies volées, pour leur famille qui attendent que de comprendre pourquoi. Moi aussi je veux comprendre pourquoi, je veux comprendre pourquoi tu m'as terrorisé tout ce temps, pourquoi me voir souffrir t'amuse ? Pourquoi tu tortures et bouffes des gamines ?! Des gamines merde !!" Je hurle en frappant ma main violemment contre la surface plate qui nous sépare, parce que cette merde n'a pas l'air de comprendre mon langage. Il semble toujours aussi indifférent. Il est comme mort de l'intérieur. "Oh ?!! Je te parle, réponds moi." Il hausse légèrement les épaules, "j'ai rien à te dire." J'essaie de garder mon calme, je baisse la tête, et inspire longuement. "D'accord, alors t'as qu'à pourrir en prison. Crève, tu n'arracheras plus la vie d'innocentes. J'espère qu'on s'occupera bien de toi en prison."

Je n'avais jamais vu mon "frère" aussi stoïque, avec une expression aussi immuable et vide de vie. C'est comme s'il avait perdu son âme en chemin. Je me lève, quand il prononce à voix basse, "passe le bonjour aux sœurs à Meriem, Nina et Tina. Et fais attention à toi Enra." Je suis comme paralysée, je comprends qu'il me menace, moi et la famille à Meriem. Je le regarde, et je vois la violence dans ses yeux, je vois de quoi il est capable, je vois tout le sang de ses victimes sur ses mains, ainsi que son regard meurtrier. J'ai très très peur, j'ai tellement peur que je me sens presque défaillir. Mes jambes tremblent, des tâches noires envahissent ma vision. Je zigzague jusqu'à la porte, en m'accrochant désespérément au mur. Tout s'agite autour de moi, mais j'arrive à percevoir le son des menottes. Il bouge, Nathan essaie de se détacher pour m'égorger, moi aussi. Je caresse le mur en espérant de tout mon cœur parvenir à atteindre la sortie, mais je perçois sa voix comme un écho lointain, "Enra, Enra..."

Quelqu'un saisit mon bras, je m'agrippe à cette personne, et y mets l'entièreté de mon espoir. Mes yeux s'ouvrent, et c'est avec terreur que je constate qu'elle n'est autre que Nathan. Il semble toujours aussi morne, "ça va, je suis là Enra", la crainte fait couler mes larmes, et lui a l'air d'apprécier cette image de moi. Il caresse mes cheveux rapidement, ses doigts frottent le long de mes mèches sèchement, et descendent jusqu'à mon cou. Son index s'enfonce dans ma gorge subitement et ses autres doigts suivirent en écrasant la peau de mon cou. Je tremble, et je suis plus étouffée par ces énormes vagues de larmes que par sa main qui me comprime. Un homme en bleu l'arrache violemment pour plaquer sa tête contre le mur gris.

Je soulève difficilement mes jambes pour sortir de cette cage, la bête aurait pu trop facilement m'attaquer et déraciner mon âme. La main sur le cœur, je respire un tout petit peu, le minimum pour vivre. Je me déplace comme si j'avais fumé trop de beuh. Hors de cette salle d'interrogatoire, je zigzague en ignorant l'officier Berquin qui me raconte je ne sais quelle connerie. J'avance tête baissée, jusqu'à ce qu'une main se pose d'une délicatesse troublante sur mon épaule, me stoppant dans ma lancée.

"Enra... ?", c'est Anderson. Je remue la tête et dégage sa main pour continuer mon chemin jusqu'à ma voiture. Je veux juste fuir le plus loin possible. C'est sans compter l'intervention d'Alan qui me stoppe à nouveau en me barrant la route. "Vous devez vous asseoir, entrez 2 minutes", il m'indique du menton la porte du placard qui lui fait office de bureau. Je pousse la porte et fonce sur la chaise pour m'y avachir, la tête entre les mains je n'arrive plus à stopper ces larmes. Nathan n'est plus mon frère, et j'en ai eu la confirmation de sa propre personne. Le lieutenant approche de moi le bol qui contient les bonbons à la menthe, je ferme les yeux fort, en espérant oublier ce que je viens de voir et vivre.

Je sors la tête de l'eau, et respire lentement, en tirant sur le col de ma chemise pour camoufler mon cou. Cette crainte se dissipde, je me sens graduellement mieux. Je pense pouvoir tenir sur mes jambes, alors je me lève et dis "merci", sans quitter mes pieds des yeux. "Attendez, c'est pas une bonne idée de conduire maintenant", "alors je ne conduirai pas, je ne bouge pas du parking, mais je ne peux pas rester ici."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant