Chapitre 53

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Mes cheveux sont trempés mais ça m'importe peu, je m'allonge sur mon ventre et ferme les yeux. Les heures passent, et la nuit tombe alors que je suis complètement assommée. Le mistral fait son retour, il souffle profondément, et moi je respire à peine. Mon téléphone se met à sonner à l'autre bout de l'appartement. Je me lève paresseusement pour le récupérer, puis réponds sans vérifier l'identité de l'émetteur qui se trouve à l'autre bout du fil. Je m'affale sur mon canapé. "Enra ?" C'est Anderson, évidemment... C'est comme s'il sentait toutes les fois où j'avais besoin de quelqu'un. Alan est toujours là dans les pires moments, ça ma rassure. "Mh", "qu'est-ce que tu fais ?", il me demande, et je réponds : "je dormais...", "est-ce que je t'ai réveillé ?", "non non, je viens juste de me réveiller, pourquoi ? T'as besoin de quelque chose ?" je prononce en quittant mon sofa, je fouille dans mon armoire à la recherche d'un anti-douleur. "Je suis là." Je raccroche, et avance lentement jusqu'à la porte. Anderson voudra me fuir quand il verra mon visage, je zieute mon reflet sur le chemin, et réalise que je ne devrais pas lui ouvrir si je veux qu'un jour il ait envie de moi dans sa vie. Je suis affreuse, et je ne peux rien y faire pour l'instant. L'état mental et physique dans lequel je suis ne me permet pas de focaliser mon attention sur mon apparence.

Je déverrouille la porte, et me pousse pour le laisser entrer. Il ne bouge pas, je crois qu'il a peur de moi. Je suis si effrayante que ça ? Mes longs cheveux sont mouillés et paraissent presque noirs lorsqu'ils sont humides, c'est probablement ça, précisément, qui lui fait effet. Il m'analyse de la tête au pied, je baisse le menton vers mon pyjama, il n'a rien d'étrange. Alan s'approche et prend mes deux mains. Je n'avais pas attention au fait que je saignais. "Merde..." Je murmure, et lui m'emmène directement vers la salle de bain. Je ne perds pas une seconde, et je l'arrête. "Non pas la salle de bain." Il se penche légèrement vers moi, il veut me poser un million de questions, je le sens. Toutefois, il s'abstient. "Vas manger un truc ou assied toi sur le fauteuil, fais ce que tu veux, je reviens tout de suite."

Je n'ai pas eu l'occasion de nettoyer l'intégralité du bazar dans la pièce. Des taches de sang jonchent le sol, la poignée de la porte, ainsi que le carrelage dans la douche. On croirait une scène de meurtre. Je nettoie le tout, et finis par m'occuper de mes deux mains. Je désinfecte les plaies, et couvre mes blessures les doigts tremblants. J'attache mes cheveux, je ne me regarde même pas pour peaufiner ma queue-de-cheval.

Quelques minutes plus tard, je retrouve Alan. Il est dans ma chambre, assit sur le lit. "Qu'est-ce qui se passe ?", il me demande avec un air très sérieux. "Rien, je peux savoir ce que tu fais dans ma chambre ? Ça va, je ne te dérange pas trop ??" Il croise les bras, il ne semble pas vouloir plaisanter. Je m'assied sur le bord de mon lit, à son opposé, dos à lui. "J'ai eu mes règles, et je n'ai pas nettoyé la salle de bain. C'est tout. Je ne veux pas que tu penses que je suis une fille sale, tu pourrais ne plus m'aimer après ça, qui sait ?", je ricane, mais je n'entends aucun son provenant de son côté. "Lieutenant Andersooon ?", je l'appelle d'une voix taquine, mais il demeure aussi muet qu'une tombe. Je me tourne vers lui, et lui met de faibles coups de poing sur le bras. "Qu'est-ce qu'il y a Alan ?" Il refuse de se tourner vers moi. "Est-ce que c'est indiscret de te demander pourquoi il y a un test de grossesse sur la table de la cuisine ?", je cesse de le toucher et retourne à ma position initiale. "Est-ce que je suis forcée de te dire la vérité ?", "je peux te dire mon hypothèse, et toi tu confirmes ou t'infirme. Est-ce que ça t'irais ou tu ne veux pas du tout en parler", "ça me va."

J'inhale l'air mais j'ai l'impression d'étouffer, je me prépare à la pire des suppositions, "cette nuit, il t'a violé ?", "c'est pas exactement ça..." Anderson se lève puis pose son dos contre le mur alors que son épaule est contre la paroi de mon armoire. Ses yeux me sondent, mais ne me disent strictement rien. Je n'ai aucune idée de ce qu'il pourrait penser en ce moment. "C'est pas un viol, il a utilisé une seringue pour m'injecter quelque chose, et je n'étais même pas consciente... donc ça va, ça aurait pu être pire." Je vois le retour de "Alan l'angoissé", il paraît ne pas savoir quoi faire. Ses sourcils sont froncés et son attention est portée sur mon tapis. "Je ne voulais pas te le dire pour ne pas ajouter une charge de plus à... tout ça, et tes collègues sont...", il m'interrompt, "qu'est-ce qu'il y avait dans la seringue, qu'est-ce qu'ils t'ont injecté ?" Je mords ma muqueuse buccale en cherchant mes mots, mais je ne pense pas avoir besoin de dire quoi que ce soit, il l'a comprit.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant