Chapitre 34

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Il s'accroupit face à moi, j'arrive à le sentir, des dizaines de centimètre nous séparent. "Pourquoi vous pensez que ça pourrait être lui ?" Je ne quitte pas des yeux le sol beige, qui me rassure d'une étrange façon, et me conforte dans mes idées. "Le jour où j'ai trouvé la... enfin bref, ce jour-là, j'avais une chanson en tête. Je l'avais en tête depuis plusieurs jours à cause de mon frère, c'est lui qui fredonnait constamment cet air. La chanson est "les mots bleus", aujourd'hui, il l'a à nouveau chanté, je me suis souvenue que la boîte était bleue, et j'ai fait le lien entre les paroles et ce qu'il a laissé à ma porte."

Lorsque je le regarde, ses sourcils sont froncés, il ne comprend pas. "Ça dit : je lui dirais les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux, parler me semble ridicule, et ainsi de suite. Qu'est-ce que vous en pensez ? J'exagère ?" Il me regarde avec une compassion exagérée dans les pupilles, il sait que si j'accuse mon frère, c'est qu'il est coupable. Depuis le début, je n'ai jamais osé faire le lien malgré tous les signaux d'alerte et les mises en garde d'Alan, maintenant je vois. "Enra, vous pensez qu'il pourrait..." Je me lève et place une longue distance entre nous, en rejoignant l'autre extrémité de mon salon. "Bien sûr que non, je ne le pense pas capable de ça mais... j'ai des doutes... il... je sais pas", je finis par conclure, la tête contre le mur. "Ce serait une coïncidence trop immense, les paroles et... le fait qu'il fredonne cette chanson... C'est une ancienne musique, les chances qu'il la chante par pur hasard sont minimes. Ce n'est pas comme si on parlait d'un titre récent, ou un rythme à la mode que tout le monde chantonne."

"Je suis désolé pour vous, si c'est réellement votre frère qui est derrière tout ça... Je suis désolé , malheureusement, ce que vous me dîtes n'est pas une preuve recevable aux yeux du juge, pas suffisante pour l'arrêter ou pour procéder à une fouille de son domicile. Je pourrais le garder seulement 48 heures en garde à vue, il se méfierait et se débarrasserait de toutes les preuves existantes." Anderson s'approche de moi, et cherche mes yeux. "Ce qui serait le plus favorable à son inculpation serait de chercher un maximum d'élément, pendant qu'il ne se doute de rien. Néanmoins, ça signifie que vous serez à sa merci durant cette période... C'est... c'est beaucoup trop risqué." Je glisse jusqu'à ce que mes fesses touchent le sol, "ce n'est peut-être pas lui, vous allez trop vite. On parle de mon frère là..." Je ne parviens pas à avoir une opinion fixe.

"Votre frère a peut-être massacré toutes ces femmes et enfants, le moindre doute que ce soit lui devrait l'amener en prison. Écoutez Enra... je sais que vous tenez beaucoup à lui, mais il faut que vous nous aidiez à éclaircir les choses. Vous le connaissez par cœur, vous remarquerez forcément des éléments qu'on ne voit pas." La tête vers le sol, j'ai envie de pleurer... Je ne veux pas y croire. "Je suis vraiment désolé que toute cette merde tombe sur vous..." Il s'assied près de moi, sur le sol, dos au mur, et nous fixons nos pieds comme deux imbéciles. Si c'est réellement mon frère je... non, je ne peux pas continuer à penser ça de lui. Ce n'est pas une accusation de vol dont il s'agit là. On ne parle pas de trafic de drogue, Orcus est un monstre, qui mériterait de mourir, on ne peut laisser vivre ce genre d'énergumène. Il est beaucoup trop dangereux. Et s'il perpétue son idéologie macabre en prison ? Et qu'il influence des personnes trop faibles d'esprit ? Je tremble à l'idée que cet être puisse gracier de sursis, sa peine pourrait être commuée. Rien n'est impossible en France.

Mon frère, mon meilleur ami, il est toute ma vie comment est-ce qu'il aurait pu me faire ça ? Alan me guette, je le sens me fixer. Je l'interromps en levant les yeux vers lui. "Nathan ne... il ne peut pas... me faire ça à moi, je... je suis sa petite soeur, c'est..." Il ressent de la pitié, pour une fois, je parviens à décrypter et à lire facilement les lignes de son visage, un peu comme s'il était un livre ouvert. Je plonge ma tête entre mes bras, et respire à peine. Mes poumons sont emplis par toute cette pression, cette chute me fend le cœur, et remet en cause toute mon existence. Nathan un cannibale qui décapite des enfants ? Non... impossible, c'est impossible... "Peut-être que si vous n'avez trouvé aucune autre empreinte que celle de mon frère dans la maison c'est... parce qu'il n'y avait que lui..."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant