Chapitre 31

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Je suis bouche bée, et il m'est impossible de cacher ma déception. C'est Anderson, c'est comme s'il était contraint de dire quelque chose du genre, c'est plus fort que lui. Il n'a pas le choix, je ne suis pas sûre qu'il soit capable de contrôler ses paroles avec moi, d'où son comportement si paradoxal. Cet abruti vient de m'enfoncer un poignard dans l'estomac, mais je reste calme contre toute attente. "Je crois que j'ai besoin d'aller aux toilettes." Je fais glisser mes jambes pour descendre du lit. Il a voulu intervenir, mais je l'ai arrêté d'un geste de la main. Je me rends à la minuscule salle de bain, et ferme la porte. Ma tête est douloureuse, parce que j'ai bougé trop rapidement, je n'aurais pas dû.

Je passe de l'eau sur mon visage, et respire doucement. Mes cheveux sont en pétard, tout ébouriffés, mes yeux gonflés, mes cernes atteignent presque le sol. J'essaie d'arranger tout cela, mais je ne peux pas faire grand-chose, me coiffer serait trop douloureux. Mon crâne est comme de la braise, ainsi que mon cuir chevelu. Toucher cette zone qui entoure la plaie m'est impossible.

Lorsque j'ouvre la porte de la salle de bain, Anderson est là, à 1 mètre de moi. J'effectue plusieurs pas en arrière, et ma tête se fait à nouveau lourde. "Poussez-vous, je dois aller m'allonger." Il obéit, mais suit mes pas de très près, je le sens dans mon dos. Je m'allonge sur le lit qui grince bruyamment, et ce bruit vibre atrocement fort en moi, "je ne me sens pas bien, vous pouvez y aller. Je vais dormir un peu. Merci pour le repas." Sans plus attendre, je glisse les draps jusqu'au-dessus de ma tête. Néanmoins, il ne bouge pas, je ne perçois aucun son.

Recroquevillée sur moi-même, une main se pose sur mon épaule, ce contact à beau se faire à travers un tissu, il est tout de même trop intense et fait grinçer mes dents. Je ne bouge pas d'un poil, "Enra ?", "ça va ! Je veux juste dormir, enlevez votre main." Ma voix tremble, parce que j'ai envie de l'étrangler, mon désir de le frapper à coup de casserole devient trop intense. J'ai envie de massacrer Anderson qui passe son temps à me remettre à ma place. Je n'ai aucune fierté, je suis incapable de le haïr. Quelle honte.

Sa main repose toujours sur moi, et je suis certaine d'halluciner quand je sens son pouce me caresser. Ma gorge se noue, et mes poings se serrent. "Arrêtez tout de suite", je l'avertis d'une voix menaçante. Sa main s'en va et laisse un vide titanesque sur mon épaule. Je peux enfin respirer, mais une panique brûlante me prend lorsqu'il dégage le drap de mon visage. Je me relève brusquement, et lui, fait un pas en arrière. La douleur à ma tête est secondaire, je descends du lit, puis je fonce vers lui et envoie mon poing contre son épaule. Il ne bouge pas, il n'essai même pas de m'arrêter. "Cassez-vous ! Je ne veux plus vous revoir, sale merdeux... je soupire et pose mes mains sur mes hanches, pour dire avec moins de rage : je ne vous ai jamais forcé à rester. Partez, la porte est juste ici." Je la lui montre du doigt, mais il ne prend pas la peine de regarder la direction que je lui indique, trop occupé à me fixer avec cet air indéchiffrable. "Anderson ? Vous attendez quoi ? Je vous ordonne de partir, là !", il est imperturbable. "Vous restez pour votre travail ? Depuis quand les flics font tout ça, j'ai raté un épisode je pense." Il ne lutte pas, le silence est sa seule réponse. "Eh !! Je vous parle sale abruti ! Barrez-vous ou j'appelle la sécurité."

Il s'écarte tandis que ses yeux se noient toujours plus dans les miens, qu'est-ce que ça veut dire au juste ? Je sens un liquide chaud glisser le long de ma nuque. J'y pose mon doigt par réflexe, et constate que c'est du sang, un liquide rouge qui me donne le tournis. Il tente de réduire à néant la distance qui nous sépare, mais je lève l'index, l'amenant à s'immobiliser. "Dégagez, c'est à cause de vous. Si vous étiez partie quand je vous l'avais gentiment demandé, on n'en serait pas là." Le liquide couleur framboise glisse davantage, comme une rivière le long de ma peau. J'appuie sur le bouton pour alerter l'infirmière, et empêche Anderson d'apercevoir encore plus de sang. Il essai de me contourner mais je l'en empêche, et m'assieds, jambes croisés sur le lit. "J'ai plus envie de vous voir, partez s'il vous plaît. Si j'étais en état de le faire, je vous aurais déjà mis dehors, mais je ne peux pas, alors je vous en supplie, partez."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant