Chapitre 36

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"Allez y, dites moi pourquoi vous fuyez mes mains alors que vous venez de dire que vous accordez peu d'importance aux microbes. Vous n'êtes même pas un minimum cohérent." Il demeure muet, et ne quitte pas des yeux le sol. Je ricane, en tendant les mains vers lui. "C'est quoi ? Vous craignez l'eczéma ? J'en ai pourtant très peu. Ou c'est simplement parce que je change les protections de pauvres vieux ? Est-ce que vous êtes conscient que je porte des gants quand je fais ça ?"

Il ne me regarde pas. Je repose mon dos contre le canapé, et range mes mains sous les manches de mon sweat. "Ce n'est pas ça", il dit à voix basse. "Oui je vous crois", je prononce avec ironie. "Chassez le naturel, il revient au galop... Je vous le répète, vous n'avez pas besoin de faire semblant. Je vais bien, et votre dégoût ne me fait pas plus mal que ça, ça ne change pas de d'habitude." Je repose ma tête contre le côté du fauteuil, faisant attention à ne pas écraser la plaie sous mon pansement.

Je ne réfléchis pas beaucoup, mes yeux se ferment par instinct, et je m'assoupis. Après, un nombre inconnu de minutes, j'ouvre les yeux. J'ai l'impression de cauchemarder, quand je pense à Nathan, ou plutôt Orcus, j'ai juste envie de pleurer à nouveau. Alan Anderson arrive à me faire penser à autre chose, il est très doué pour cela, ou peut-être que c'est moi qui suis habituée à fuir la réalité et à me concentrer sur des problématiques risibles.

Il est assis près de moi, et regarde toujours ses mains. Combien de temps ai-je dormi ? Je ne sais pas. "Vous devrez y aller Anderson." Nous nous levons, mais je ne l'accompagne pas jusqu'à l'entrée. J'attends dans mon salon, qu'il s'en aille. Il s'arrête néanmoins à l'entrée de celui-ci. Anderson semble troublé, il se gratte le nez de son auriculaire, "c'est pas ça le souci avec vos mains." Je lève les épaules, "ok, au revoir", "non... Écoutez-moi, je vous dis que c'est pas ça le souci", il hésite une seconde avant de me dire "donnez moi votre main." Il me tend les siennes, et je le lorgne, il perd la tête celui-là. "Euh... je ne préfère pas m'aventurer sur ce terrain-là. Restons cordiaux." Il fait plusieurs pas vers moi, et je me sens extrêmement faible, quand il s'approche et que je suis littéralement dos au mur. Je dois lever le menton pour le regarder, et cela suffit à me faire peur. Il me tend ses deux paumes, je les regarde avec crainte et j'insiste en bougeant la tête de gauche à droite. Un sentiment étrange me prend aux tripes, c'est un homme, comme Nathan, comme tous les autres, et il aurait besoin d'une seule main pour m'étrangler. Je le repousse de toutes mes forces, alors qu'il était à deux mètres de moi. Je le bouscule plusieurs fois, mais il bouge à peine. "Sale flic de merde, je vous hais de toutes mes forces !!" Il saisit mes deux poignets d'une seule main, et m'empêche de bouger. Heureusement, mon sweat couvre toute la partie où ses doigts reposent. "Stop, vous vous comportez comme une ado, arrêtez de faire n'importe quoi." Je le guette avec mépris, "vous dites des conneries, et vous ne me laissez même pas m'expliquer et me défendre. C'est finit Enra. Je vous laisserai plus dire n'importe quoi sans réagir."

Silencieuse et désormais calme, j'attends impatiemment qu'il me lâche. Il détache doucement l'emprise qu'il avait sur mes poignets, je ne le regarde pas, je n'ai plus envie de me battre. "Je ne sais même pas pourquoi j'essaie de me justifier en face d'une gamine si entêtée, restez dans votre merde toute seule Peters, et ne m'appelez plus quand vous avez besoin d'aide. C'est ce que vous voulez non ?" Je ne dis rien, le néant sera ma réponse. Je demeure debout, immobile, la tête rivée vers le sol et les bras serrés contre ma poitrine. Je ne sais la raison pour laquelle je perds mon temps et mon énergie avec cet homme à l'esprit si borné. "Enra ?! C'est ce que vous voulez non ?", je n'apprécie pas son ton, il essaie de m'humilier et sa voix est plus imposante que la mienne, ça ne me rassure pas.

Si je réponds, il me coupera la parole et ne me laissera pas m'exprimer, si je me tais, il continuera à pester contre moi jusqu'à ce que j'ouvre la bouche. "Oui." J'inspire, le souffle court, puis continue : "je préférais crever que vous appeler quand j'ai besoin d'aide. À partir d'aujourd'hui je vais rester dans ma merde toute seule. Vous savez que Nathan est Orcus, je suis donc plus précieuse à votre enquête, je peux aller voir mon frère et lui dire la vérité toute seule. Et vous n'allez pas m'en empêcher, vous savez pourquoi ? Parce qu'il commettra un nouveau crime, qui prouvera sa culpabilité pour tout le reste. Vous pourrez donc le choper en flagrant délit. Et l'affaire sera bouclée." J'ai peur de mon frère, je suis même terrorisée, mais cet imbécile m'a tellement énervé qu'il me fait dire des choses que je regrette, mais des choses que je suis capable de faire. Mes mots dépassent mes pensées.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant