Chapitre 52

16 2 6
                                    

-

Je passe le reste de la nuit éveillée, à remuer toutes mes pensées en espérant voir une faille quelque part. Je suis torturée par le fait que mon frère m'a fait insérer une seringue dans le but de me faire tomber enceinte, de lui. C'est un cauchemar, la simple idée qu'un fœtus se forme dans mon utérus me terrorise. Un enfant de Orcus, du frère avec qui j'ai grandi, et de l'homme qui a torturé, découpé et tué plusieurs enfants pour se nourrir d'eux n'est pas envisageable. Il m'a menacé, et je sais que ce ne sont pas des paroles en l'air, je le devine très facilement.

Mes larmes sont salées et trop nombreuses. Le plan machiavélique de Nathan me donne le tournis. Puis ajoutons à cela le fait que je sois forcée d'avoir des soupçons sur Alan... Nathan m'a suffisamment détruite, je ne saurais encaisser une trahison similaire. J'aime Anderson de tout mon cœur, il est l'épaule sur laquelle j'ai pleuré du début jusqu'à la fin de cette lamentable aventure. Je l'aime comme je n'ai aimé personne, je ne survivrais pas à cela.

Je me dirige vers le salon à reculons. Anderson tape sur le clavier de son PC, et il me remarque immédiatement. Je reste près du cadran de la porte, mes bras se balancent dans le vide. Alan se relève puis effectue quelques pas en ma direction en boitant, comme a t-il fait pour me porter hier soir si maintenant il boite ? Voilà une raison de plus de douter de lui. Je lève le doigt pour le stopper, et il obéit sans un mot. Mon cœur bat très fort, mon nez picote. Les larmes montent rien qu'à l'idée qu'Alan fasse partie de toute cette mascarade.

"Les entailles, où est-ce qu'elles sont sur ta jambe exactement ? Et comment t'as pu me porter et marcher jusqu'à ma chambre si maintenant tu boites ?", "sous le genou et le long du tibia de ma jambe droite, et comment je t'ai porté- bah je t'ai porté et j'ai marché, c'est tout, t'es légère... Je peux recommencer pour te montrer si tu veux" Je bouge la tête très lentement, "euh non, mais est-ce que ça te dérange de me les montrer ?" je demande, et excessivement calme je suis. "Pourquoi ?", "je veux voir, ça te dérange ?", "pourquoi Enra ? Dis-moi pourquoi tu veux voir les entailles ?"

Je serre tellement fort le poing que mes phalanges sont aussi blanches qu'une colombe, je n'aime pas ce que je ressens tout de suite. "Pourquoi tu ne veux pas me les montrer ?" Il retourne s'asseoir sur le fauteuil toujours en boitant, ensuite, il soulève lentement son pantalon. Je ne détourne pas le regard, je fais un pas en avant en constatant que des pansements recouvrent toute cette partie de sa jambe.

Il déroule le tissu blanc et dévoile son genou, puis son tibia ainsi que son mollet. Sa peau est rouge vif, et il me faut quelques secondes pour réaliser qu'il ne s'agit pas seulement d'entailles, on lui a arraché la peau. C'est comme si son épiderme s'était atrophié. Une grande partie de la peau qui entoure son mollet et son tibia n'existe plus, cette zone est entièrement rouge, on repère à peine les entailles qui recouvrent le peu de peau qui lui reste. Je plisse les yeux pour voir à quel point celles-ci sont profondes. Sous son genou est inscrit "ORCUS".

Il m'a menti. Alan n'a jamais parlé du fait qu'on avait épluché sa peau comme si c'était une fichu pomme de terre. Lorsqu'il enroule le pansement nos yeux se croisent durant une fraction de seconde. "Pourquoi tu voulais voir ?", "je suis désolée, je... je deviens parano en ce moment et... je me suis souvenu que j'avais jamais vu ce qu'il t'a fait." Il pose son dos contre le canapé, et mord l'intérieur de sa bouche. "Tu croyais que j'avais inventé ça ?", "je suis désolée, pourquoi tu ne m'as pas dit qu'il t'avait..." Il me coupe la parole : "parce que, dis moi pourquoi tu t'es mise à penser ça de moi ?" Je pose ma tempe contre le cadre de l'entrée, "parce que Nathan m'a fait comprendre qu'il y avait d'autres personnes qui étaient prête à prendre le relais, l'homme qui nous a fait ça n'était qu'un pion..."

Ses yeux noisette semblent noirs, il regarde ses mains sans un mot. "Je suis désolée, tu n'imagines pas à quel point ça me fait mal de t'imaginer être du côté de Nathan... Tu n'imagine pas comme ça me blesse de douter de toi. Ce n'est pas une partie de plaisir pour moi, je te jure. Je suis désolée", "c'est pas grave, je comprends."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant