Chapitre 55

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Je suis supposée regarder Anderson dans les yeux et lui dire que c'est finit entre nous deux ? Alors que ça n'a même pas encore commencé ? Nous avons à peine aperçu l'aurore d'une relation "normale", que le soleil s'est recouché.

Je savais que ça allait arriver, mais je ne pensais pas que je serais celle qui allait interrompre cela. Est-ce que j'ai songé en profondeur à ce choix ? Non, parce que si je le faisais, je déciderais de tout lui raconter sans oublier d'omettre la moindre information, et nous déciderions d'échanger qu'à travers un portable. Mais c'est une possbilité qui est trop éphémère, et qui sur le long terme est impossible. En fait j'y ai pensé. Pour être totalement transparente, j'ai passé la nuit à chercher la réponse à cette question. Je ne veux simplement pas prendre le risque de mettre Alan en danger. Nathan aurait pu mettre un terme à sa vie depuis bien longtemps, c'est seulement qu'il apprécie davantage le fait que je sois celle qui repousse Alan. C'est moi qui quitte Anderson, et c'est possiblement plus agréable et satisfaisant pour lui. Qui sait ? Peut-être que ça lui donne le sentiment d'être aimé, d'avoir le plein pouvoir ou je ne sais quelle autre connerie. C'est un psychopathe, tous les psychopathes ne font que cela : rechercher l'attention d'autrui à travers des ignominies qui n'ont aucun sens.

Ma valise est bouclée, je suis fin prête à déserter la ville. Où est-ce que je me rends ? Je n'en ai aucune idée. Crécher dans ma voiture ne me fera pas de mal, ça ne me fera pas aussi mal que ce que Nathan m'a fait subir. Plus rien n'a d'importance. Je veux juste que les personnes que j'aime ne soient pas impactées par la souillure putride qui me ronge, je veux qu'elles soit épargnées. Ce que la petite fille a enduré par ma faute m'empêche de fermer l'œil de la nuit, je devrais me réjouir qu'Alan soit toujours en vie. Il a quand même fait du mal à Anderson, je m'en veux et je sais que la prochaine étape sera la mort.

Je continuerais sagement à rendre visite à Orcus de temps à autre, et je ne serais pas très loin. Je veux juste suffisamment l'être pour ne pas avoir à croiser Alan à chaque coin de rue. Anderson verra par lui même qu'il ne lui est pas impossible d'aimer une autre femme, il n'aura pas d'autre choix de toute façon, il devra passer à autre chose. Je désire mettre fin à tout cela, avant que ça ne devienne fatale.

Je m'immobilise à l'entrée une dizaine de minutes ou peut-être une heure entière, je n'en sais rien. La linière de mon sac à dos est appuyée sur mon épaule, et mes mains serrent fortement les poignées de mes deux valises. Mon cœur bat très fort, je ressens cette étrange boule en moi, comme si j'allais passer le permis, ou que j'arrivais aux portes du couloir de la mort.

À l'instant où mes doigts frôlent la poignée, je discerne un léger son contre la paroi qui me sépare du seuil de la porte d'entrée. Mon souffle se coupe de façon claire et précise, car le son se répète. C'est Alan, c'est lui. Il est le seul à frapper à la porte de cette manière, en tapotant très légèrement pour ne pas me faire paniquer. Mon téléphone se met à sonner fortement, je saute sur mon sac à main et fouille violemment à l'intérieur. Une longue dizaine de secondes plus tard, j'éteins la sonnerie. Il l'a entendu, c'est évident. "Enra ?", je ne prononce pas le moindre mot, "Enra ? Je sais que t'es là, ça va ?" Je soupire, j'ai été prise la main dans le sac, et je me sens stupide. Comment vais-je échapper à son fichu interrogatoire ? Alan Anderson est un flic, il remarquera que quelque chose d'anormal se déroule en ce moment même.

"Je mets un truc et je viens t'ouvrir !", je dis avec beaucoup d'entrain. Je soulève mes valises que je camoufle dans ma chambre, j'enfile un pyjama et retourne vers l'entrée. Je sens mon pouls cogner aux extrémités de mes doigts. Mon cœur bat contre mes tempes, il heurte durement cette fine couche de peau. Je suis plus stressée que jamais, parce qu'Alan lit en moi comme dans un livre ouvert. Et je ne suis pas en mesure de subir une confrontation. Je ne le supporterais pas.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant