Chapitre 58

5 1 0
                                    

-

Alan a pris l'habitude de rédiger ses lettres à la main, il m'a promis qu'un jour, je pourrais toutes les avoir. Je suis pressé de pouvoir récolter ces mots plein d'amour et pouvoir les parcourir tout en sachant qu'il s'est assit, il a usé du temps, de l'encre, de l'energie, seulement pour m'écrire. Je lui envoie un message : "préviens-moi quand c'est bon pour toi." Je retrouve ma salle de bain et m'assieds sur le sol en attendant qu'il me réponde. Ça fait plus d'un mois que je n'ai pas entendu sa voix, c'est la raison pour laquelle je m'étale de la sorte à même le sol. Je sais que je vais tomber lorsque je vais devoir l'écouter me parler. Je suis plus qu'amoureuse, je ne peux pas supporter tant d'un seul coup. J'ai passé tout mon temps libre à relire les écrits d'Anderson. Je fonds comme un glaçon sous le soleil lorsque mes yeux défilent le long de mon écran. Je ne le pensais pas si doué. Il finit en permanence ses lettres en "signant" d'une façon étrange qui me fait automatiquement sourire.

Mon téléphone émet une vibration, je mets en marche le pommeau de douche, et l'impact de l'eau contre le sol résonne maintenant dans la pièce, recouvrant le son de ma voix. Je réponds d'une main tremblante. "Enra ?" Un feu d'artifice explose en mon estomac, "Alan ? Tu m'entends bien ?", je l'interroge avec l'espoir en tête qu'il ne m'entende pas, "oui ça va, et toi, tu m'entends bien ?", "oui." Je décide d'user du sarcasme pour détendre l'atmosphère, "alors comme ça t'es incarcéré ?", il soupire, "mh, c'est ça. Je me demande quand est-ce que ça va s'arrêter." Je souris tristement en collant l'arrière de ma tête contre le mur, "je me pose la même question. On vient à peine de trouver un arrangement pour être dans une sorte de relation, et regarde où on est." Je ris nerveusement et Alan m'imite. "Dans un univers parallèle, nous pourrions emménager dans une petite ville au bord de la mer, et vivre paisiblement dans un appartement tous les deux. On abandonnerait nos emplois et on disparaîtrait, loin d'Orcus. On se marierait au bord de l'eau, et la vie serait plus simple."

Après un long silence, il me pose une étrange question, "qu'est-ce qui nous empêche de faire ça ?", "notre raison. Pour commencer, on ne peut pas mettre en jeu notre stabilité et se retrouver sans emploi du jour au lendemain. Enfin... Surtout toi, pour ma part je sais que je pourrais me faire embaucher très rapidement sur un poste pour faire de l'entretien des locaux. Mais tu es lieutenant, et il me semble que tu tiens à ton petit cagibi... Il n'y aucune personne sur cette terre pour qui tu devrais céder tant. Et même si tu décidais de tout abandonner juste pour être avec moi, je ne te laisserais pas faire. Parce que ça serait de la folie, et je suis une personne sensée, je ne te suivrais pas dans ton insanité. Je te quitterais pour de bon, je m'enfuirais à l'autre bout du pays s'il le faut, mais une telle chose ne devrait vraiment pas se faire."

Il formule d'une voix très calme : "je ne comprends pas pourquoi tu en parles comme si c'était quelque chose de fou", je n'en reviens pas. Je plie mes genoux et colle mes cuisses contre ma poitrine, "je ne veux pas avoir à discuter de ce choix. C'est non. Si j'ai utilisé le terme "univers parallèle", ce n'est pas pour rien." Nous ne disons aucun mot, seul le bruit de l'eau se fait entendre à mon oreille.

"Alan, tu devrais abandonner- pour ton bien... Je ne pense pas qu'il y ai une solution à cette situation. Nous ne pouvons pas y échapper." Il semble refroidit lorsqu'il me dit : "abandonner ?", "tu finiras par t'y faire. Ce sera douloureux, mais ça ne peut pas être pire que ce qui se passe en ce moment. Nous sommes supposés nous voir, discuter, et s'aimer davantage. Mais c'est impossible, ça fait 1 mois et on est tous les deux frustrés par ces barrières. Plus ça durera, plus ce sera difficile. Et je doute qu'on puisse continuer comme ça encore très longtemps. Tu disais que j'étais soit disant ta liberté, mais c'est faux, c'est moi qui t'ai enfermé dans cette prison. Alors euh...", j'éclaircis ma gorge, "laisse tomber, pour ton bien, et pour le mien aussi. Tu perds ton temps. À l'heure qu'il est, tu devrais déjà être en train de faire connaissance avec une autre."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant