Sa précieuse cible

Epilogue

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Le mistral est gagnant ce soir, au point où il m'est incapable de poser le pied à l'extérieur sans me faire plaquer au sol par ces violentes bourrasques. C'est depuis ma fenêtre que je me promène. Mon esprit est ailleurs, je me vois marcher dans le jardin où Alan m'a amené. C'est une bonne échappatoire, j'ai besoin de voir autre chose que ce gris éternel au-dessus des toits. D'ordinaire, l'amertume du ciel ne dure qu'un certain temps, mais cette fois, j'ai bien l'impression qu'il s'est confortablement installé au sein de notre commune.

Il m'est difficile de voir autre chose que de la négativité lorsqu'il fait si sombre dehors, les nuages ont encombré le ciel. Aucun rayon solaire ne daigne traverser ces épaisses et lourdes cloisons. Je suis forcée d'allumer mes lampes en plein jour, parce que je ne vois rien dans cette noirceur. Je serre entre mes doigts la lettre que mon frère à laissée, en ayant le sentiment que je ne digérais jamais toute cette période de ma vie. Des gribouillis se forment dans mon cerveau, tout est confus. Je tente de discréditer l'accusation de Nathan, puis je lui donne raison, c'est un débat éternel qui s'est installé en moi. Suis-je réellement la raison pour laquelle il s'est donné la mort ? Je n'en sais rien. Après mainte réflexion, j'ai compris que ce ne sera jamais totalement clair. Beaucoup de zones restent floues et honnêtement, je commence à perdre l'envie de porter des lunettes pour rendre tout cela plus net. Je devrais peut-être tourner la page. Anderson sait que je veux déménager, c'est décidé. Rester ici n'est pas une bonne chose pour ma santé mentale. Nous n'irons pas très loin, mais suffisamment loin pour ne pas avoir à côtoyer ces rues qui me sont un peu trop familières, nous nous marierons ici, puis nous irons vivre ailleurs. La procédure de mutation est en cours, et je n'ai pas de souci à me faire concernant mon emploi, je trouverai un job d'aide à domicile assez aisément.

"Lâche cette lettre, c'est pas bon pour toi." Alan s'approche et la feuille se dérobe sous mes doigts, il me la vole d'une fluidité surprenante. C'était peut-être un pickpocket professionnel à l'époque ? Qui sait ? Il prend place à mes côtés. "Tu va regretter cette vue hein ?", "mh... Ca va un petit peu me manquer, mais je serais débarrassé de ce trou à rats." Je lève le menton vers lui, "t'as vu le vent dehors ?" Il jette un coup d'œil à la fenêtre, "tu veux sortir ?", "je ne sais pas", je dis en haussant les épaules. Il me tend sa main, je tends alors la mienne qui est légèrement tremblante : il embrasse le dos de cette dernière. "Ça fait combien de temps que tu n'es pas sortie ? Aller viens, on va prendre l'air." Il enfile sa veste et moi je le guette avec de gros yeux, "on ira seulement dans un petit parc, juste 10 minutes. C'est tout, ne t'inquiète pas." Je m'habille puis le rejoins d'un pas hésitant.

Lorsque nous sommes dehors Alan pose ses deux mains sur mes épaules. Mes yeux sont plissés, j'ai peur de recevoir de la poussière dans les yeux. Mes cheveux sont protégés par la capuche d'Alan, il m'a proposé de porter sa veste, j'ai évidemment accepté. Nous faisons le trajet jusqu'au parc, et je m'accroche fermement au bras d'Alan. "J'ai peur de m'envoler !", lui ne réagit pas aux rafales que l'on reçoit. Il sourit en remarquant ma confusion, "quoi ??", "je te l'ai dit, t'es légère." Il reprend sa marche paisiblement, et je m'accroche à son bras en le pinçant faiblement. Je n'ai pas l'impression qu'il le sent, Alan est un robot, son corps est fait de metal, comme Alphonse Elric. "Tu me fais mal", il me dit lorsque je pince plus fort, "désolée", je murmure. Nous nous asseyons sur un banc, et l'on se laisser bercer par le sifflement aigue du vent. Il glisse son bras sur mes épaules, les environs sont vides. J'observe la verdure avec intérêt en posant ma tête contre Anderson. "Ça va ?", je réponds positivement. "Je suis certain que ça ira mieux lorsqu'on quittera la ville. C'est l'occasion de prendre un nouveau départ. Tu ne seras plus la victime d'Orcus, ni celle de Nathan. Tu seras seulement Enra", "j'aime bien être seulement Enra, j'en ai marre de toute cette merde." Il caresse affectueusement mes cheveux, "je sais. Tout ira bien. Tu ne seras que Enra Peters."