Chapitre 76

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"Léo,

j'espère que tu vas bien. J'ai une tâche à te confier et je compte sur toi pour respecter mes souhaits. À l'intérieur de cette enveloppe, se trouve une lettre que j'ai écrite pour Enra. J'aimerais que tu la lui donnes seulement lorsqu'elle ira bien. Et si cela signifie que tu lui feras parvenir dans 10 ans, alors tu attendras 10 ans. Je veux qu'elle soit heureuse au moment où elle lira mes mots. Je compte sur toi petit frère, merci.

Nathan."

Je déchire l'enveloppe doucement, les yeux embués, et passe ma manche sur mes paupières pour effacer mes larmes. Léo caresse mon bras alors que je déplie la feuille, les doigts tremblants.

"Enra,

si tu lis ces mots, c'est que tu te portes bien, c'est que tes jours sont beaux et que probablement, je suis mort depuis un bon bout de temps. Je tenais à m'excuser pour le mal que je t'ai fait. Je ne cherche pas à être pardonné, je sais que ce que j'ai fait est impardonnable, mais tu dois savoir que je suis désolé de t'avoir causé tant de douleur. Je n'ai pas voulu te pousser au suicide, je n'ai jamais souhaité ta mort Enra. Je suis différent et je l'ai compris très tôt, je n'étais juste pas suffisamment courageux pour l'admettre. Je suppose que si tu es heureuse cela signifie que tu as épousé le lieutenant. Je te souhaite le bonheur Enra, je veux que tu sois heureuse et je savais que la seule manière de te rendre heureuse était de mettre fin à mes jours, alors je l'ai fait, pour te soulager, pour toi."

Je ne parviens plus à voir quoi que ce soit, ma gorge est nouée et mon corps tout entier tremble. Je ne veux pas avoir une nouvelle mort sur la conscience. Ce suicide était un coup de maître, le bouquet final pour m'anéantir. Léo me prend dans ses bras avec prudence. Je me laisse faire et pose ma tête sur son épaule. "Shh, tout va bien..." Je pleure comme un bébé contre Léo, avant de réaliser que son t-shirt est gorgé d'eau salée. Je me lève, sans lâcher la lettre puis je marche en direction du parking. "Non Enra, je ne te laisserais pas seule", "si !", "tu ne dois pas rester seule, reviens", "stop. Laisse-moi tranquille Léo. J'ai besoin d'espace là." J'ignore ce qu'il dit, mon cerveau est mis en mode off. Je ne fais qu'avancer d'une démarche robotique jusqu'à ma voiture, comme si je fonctionnais grâce à une batterie. Mes mouvements sont secs et un peu trop précis. Je roule jusqu'à mon appartement et je pousse la porte de celui-ci après plusieurs minutes de souffrance.

J'ai besoin de m'allonger sur mon fauteuil et c'est ce que je fais avec automatisme, en ignorant mimi qui frotte son museau contre ma cheville. Je m'allonge et pleure, je pleure encore, et je pleure beaucoup, beaucoup trop alors que les heures passent, sans lâcher une seule fois la lettre que je tiens toujours entre mes doigts fébriles. En position fœtale, je m'en veux, je m'en veux énormément. Nathan aurait dû mourir, mais pas de cette façon, pas parce qu'il pensait que cet acte me rendrait heureuse. Cette idée me torture, et son visage d'enfant me hante. Ces images de nous deux sont indélébiles. Je frappe mon crâne avec ma paume en espérant oublier, en vain. Rien n'y fais, le poison fait déjà effet, je n'ai plus qu'à attendre de succomber.

Je ne suis pas prête à lire le reste, c'est trop compliqué, je ne peux pas. Couverte jusqu'au-dessus de la tête, j'entends Alan frapper silencieusement à la porte. Merde. J'ai deux solutions qui se présentent à moi : nier à bloc, ne pas lui ouvrir ou alors le laisser entrer et me cajoler dans ses bras. La seconde solution est désastreuse, j'en ai marre de passer pour une victime alors je vais tout simplement l'empêcher d'entrer. Je réponds à l'appel qui fait vibrer mon téléphone sous ma hanche. "Enra ?", "mh", "laisse moi entrer", "non", "s'il te plaît", "j'ai dit non. Je n'ouvrirais pas, tu peux attendre autant de temps que tu le veux, je n'ouvrirais pas. Je vais bien, j'ai juste envie d'être seule." Il soupire, "ok, mais je resterai là toute la nuit", "je m'en fiche, je t'ai dit que je n'ouvrirais pas. Le reste n'est pas ma responsabilité, tu perds ton temps."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant