Chapitre 40

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Un mois plus tard. Alan m'attend chez lui, il m'a demandé de venir pour passer la soirée à regarder des films et manger, comme je lui avais "promis." J'ai accepté, parce que cela fait 3 fois qu'il me demande quand est-ce que je serais disponible. Et je sais que ça lui coûte beaucoup, je trouve ça même très étonnant qu'il ait pu remettre ce sujet sur la table à trois reprises.

Je suis dans ma voiture, j'ajuste mon rétroviseur interne pour voir mon visage. Je souris une seconde pour voir ce que ça donne. Conclusion : mon visage est beaucoup trop crispé pour être l'expression physique du bonheur. Tant pis, je tape mes deux mains contre mes joues pour me donner du courage, me préparant à recevoir des paroles difficiles et à avaler des regards tout aussi aiguisés. Je quitte ma Clio pour rejoindre la grotte qu'est l'appartement à Anderson. Me retrouver chez lui m'angoisse, l'orbe qui se créée dans mon ventre ne cesse d'augmenter, et je suis sûre que cette boule peut se multiplier, tel le Rasengan de Naruto.

J'avance en essayant de mémoriser mon emplacement dans le parking. Mes Dr Martens frappent le sol humide, je tire sur quelques mèches pour desserrer mon chignon, tandis que d'autres tombent en cascade autour de mon visage. Je jette un coup d'œil à ma tenue en baissant le menton, je porte une jupe courte en daim camel, un col roulé à rayures brunes, beiges et orange, avec par dessus une veste en daim bordeaux. J'ai opté pour des couleurs assez sombres, parce que je n'apprécie pas cette impression d'être le joker face à lui : un genre de clown timbré. Je ne suis ni un clown, ni timbrée. Je ne veux pas être assimilée au personnage, bien que je sois fascinée par lui.

Je frappe à sa porte avec mollesse, Alan demeure face à moi, immobile, avec une expression furieuse, comme si je m'étais invitée chez lui. Ses yeux se baissent, il décortique ma tenue. Je savais qu'il allait faire cela, d'où l'attention particulière que je porte à mes vêtements à chaque fois avant de rencontrer Alan Anderson. Je le connais trop bien. C'est ironique bien sûr.

Il finit par se pousser afin de me laisser entrer. Je retire mes chaussures que je dépose dans le coin près de la porte, puis je le suis sagement jusqu'au salon. "Ça va mieux ?", enfin ! Je pensais qu'il n'allait jamais dire un mot. Bien qu'étrange, ça aurait été amusant de se retrouver dans la même pièce cloisonnés sans parler durant des minutes entières. "Ça va", je dis les lèvres serrées l'une contre l'autre. Alan pousse, sur la petite table au centre de la pièce, un bol débordant de bonbon à la menthe. J'en saisis un que je balance dans ma bouche.

"Vous m'avez dit de ne rien apporter à manger, qu'est-ce que vous avez prévu ?" Assit au bout du canapé, Anderson s'exprime en fixant le mur : "je ne sais pas, ça dépend de ce que vous voulez", "je ne veux rien." J'ai peut-être été un peu trop froide, un calme s'instaure entre nous, mais j'y mets fin rapidement, "vous avez des pâtes ? Du poulet ?", il acquiesce et je me lève en tapant mes paumes contre mes cuisses. "Je vais voir ce que je peux faire, en attendant mettez "the joker." Si vous ne l'avez pas encore vu, je pense que c'est le moment." Je me lève et gagne sa cuisine d'un pas hésitant, en guettant les alentours avec beaucoup d'attention. Sa décoration fait saigner mes yeux, tout est beaucoup trop clair, et il n'a que le strict nécessaire, aucun tableau, ou photo de famille. Il ne possède que peu d'ornement et de distraction dans son appartement, mais je comprends qu'il apprécie ce calme. Ses meubles beiges sont jolis, d'un style épuré et reposant. Mais je ne l'avouerai jamais à voix haute.

Il me rejoint, et s'approche, "comment je peux vous aider ?", je remue les mains vivement, puis lui fait signe de s'éloigner de moi, "vous pouvez y aller, je m'en sortirai." Il s'assied et croise les bras "j'ai songé à déménager", il semble soudain concerné par mes mots, "je voulais aller à deux ou trois heures d'ici, pour recommencer ma vie à zéro, vous savez... comme dans les séries... Mais le passé me rattrapera toujours, alors voilà..." Lorsque je porte mon regard vers Alan, il parait confus, "vous allez partir ?", "non, j'y pense mais je ne veux pas quitter la ville." Le lieutenant fronce faiblement les sourcils, "je le veux pas non plus", je hausse les épaules, "peu m'importe..."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant