Chapitre 24

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Anderson a tenté de me joindre à plusieurs reprises. Il pense que je vais revenir parce que la situation m'y force, en quelque sorte. Mais ce n'est pas comme ça que je fonctionne. Après quelques jours, un flic frappe à ma porte. Je le reconnais, c'est Berquin, celui qui voulait me coller en taule parce que j'avais une bombe lacrymogène en ma possession.

Je sors sur le pas de la porte, en me tenant au cadran de celle-ci. "Qu'est-ce qui se passe ?" Il me tend mes clefs : "vous pouvez y retourner. Je sais que le Lieutenant Anderson est sur une piste, mais je ne peux pas vous donner davantage de détails. C'est tout ce que j'ai à vous dire." Je le remercie puis commence à emballer mes affaires. Je remplis ma valise la gorge serrée, les doigts fébriles. Je peux enfin quitter cette miteuse chambre d'hôtel. Les soirées ici sont très longues : c'est la raison pour laquelle j'ai alourdi mon emploi du temps. Travailler plus, pour passer moins de temps ici : voilà mon objectif. J'aurais aimé de cette même façon occuper mon esprit, néanmoins, Orcus me hante nuit et jour, où que je sois.

Nathan m'évite ces temps-ci, ce n'est pas étonnant. Je n'ai pas été sympa avec lui, je l'admets, mais cette nouvelle m'a très déçu. Je suis dépitée à l'idée que mon cher frère que j'aime de tout mon cœur, soit au fait comme tous les autres hommes. Toute femme est entourée par un homme qu'elle aime : son mari, son père, son frère, ou autre. Mais on réalise rarement que malgré l'amour qu'on leur porte et qu'ils nous portent, ils restent des hommes. Ils peuvent tromper, frapper et violer. Ils ne le feront pas forcément, mais ils peuvent le faire, ce n'est pas impossible, c'est ce qu'il faut garder en tête, pour ne pas être déçue au moment où le coup tombera.

Je retrouve mon appartement le soir même, de nombreux jours se sont écoulés depuis la réception de ces photos. Et je suis assise à l'emplacement même où j'ai ouvert cette enveloppe. Le retour à la case départ après une semaine de terreur... Je suis dos à cette fenêtre, les rayons de lumière orangés témoignent de la beauté du ciel, mais je suis trop occupée à fixer le sol, en espérant de tout cœur que ça se tasse rapidement. Je n'apprécie guère ce sentiment d'insécurité qui plane au dessus de mes épaules. Je souhaite honteusement qu'Orcus me fasse du mal, parce que la peur est pire que tout. Attendre que la sentence tombe m'est insupportable.

Mon frère, et si c'était mon frère ? Et si tout cela n'était qu'une histoire unique. Un frère et sa sœur, un tueur et sa victime, une famille sans liens biologiques qui s'arracherait jusqu'au sang. Nathan ? Le garçon avec qui j'ai grandi ? Celui que j'ai presque éduqué du haut de mes 10 ans. C'est insensé, pourtant la justification se tient. Ce serait facile pour lui d'entrer chez moi, sans n'éveiller aucun soupçon. Je frotte mon visage, en espérant m'effacer ces idées de la tête. C'est à cause d'Anderson que je doute de mon frère, Alan est la raison du malheur qui m'entoure et de la culpabilité qui dissout mon être peu à peu.

...

Je remue soigneusement la soupe à Madeleine, tandis que nous discutons de tout et de rien à la fois. Mon dos est comme brisé en deux, la douleur est omniprésente. Je commence à songer à prendre des congés, et partir quelque part loin de celle fichu ville. Parce que j'ai besoin de souffler, et de rencontrer de nouvelles contrées. Où est-ce que j'irais ? Je ne sais pas, le Mexique ? Ou encore l'Italie ? Pourquoi pas Venise ? J'ai toujours voulu m'y rendre.

Je décampe après avoir effectué mes tâches quotidiennes. Je dévale les escaliers pour enfin atteindre la terre ferme. Cette odeur récurrente de beuh m'empêche de respirer par le nez, je pince l'arête de celui-ci et slalome entre les hommes pour finalement sortir de ce trou à rat. J'inhale avec faim l'air extérieur, comme si je sortais la tête de l'eau après une noyade, puis grimpe dans mon véhicule.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant