Prologue

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À l'extérieur, la mélodie d'un prélude d'hiver se fait entendre. Les vieux immeubles se complètent et s'assemblent comme des puzzles. Ils ne se quittent quasiment pas, distancés d'à peine quelques mètres. Dans la banlieue, ces monstres géants forment une osmose. Le sifflement du vent indique que cette nuit sera particulièrement bruyante, ce qui n'est pas rare pour cette période de l'année.

Pendant ce temps, il était comme planté sur son siège. La patience, il ne la côtoie que peu. Alors rester là, à attendre qu'elle sorte de son nid est assez pénible, peut-être même irritant. Ses ongles tranchants grattent la peau de son bras. Et ses dents sont comme des scies : elles déchiquettent sans remords sa muqueuse buccale. Il fut parcouru par un frisson glacial, car la nuit ne tardera pas à tomber, et les températures à fâcheusement dégringoler. L'homme s'emmitoufle dans son vêtement à capuche, quand il fut soudain gêné par un morceau de chair, qui espérait habiter éternellement la cavité de sa molaire gauche. Agité, il tentait tant bien que mal de retirer cet intrus de sa bouche. Il fut stoppé dans son élan, et s'immobilise machinalement lorsqu'il la voit. Elle apparaît comme une rose entourée d'orties, dans ce quartier miteux et gris. Elle portait son fidèle manteau noir, et ses cheveux bruns sont en partie détachés, comme à l'accoutumé. Le traqueur ne se permet pas de respirer, il porte toute son attention sur elle et sa singularité.

Les yeux de la jeune femme sont dirigés vers le ciel, mais le béton lui gâche la vue, elle ne voit qu'un petit morceau de la merveille qui la surplombe. Les légères lumières rosées qui frappent les fenêtres témoignent de la beauté des cieux, et ces couleurs chaudes dans ce froid abondant emplissent son cœur. Elle avance, innocente des événements qui pourraient se produire, à l'instant, alors que les rues sont vides et qu'il fantasme du pire. Sa précieuse cible mâche son chewing-gum, les dents claquantes, en pressant le pas pour rejoindre son véhicule. Ses longs cheveux virevoltent au contact de la fraîche brise, puis elle soupire, soulagée lorsqu'elle est enfin au chaud, et en sécurité.

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Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant