Chapitre 57

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"Euh... Désolée. C'est juste que ça me met la pression d'activer la caméra. Tu vas me regarder, ce qui est totalement normal, mais ça va m'angoisser", "c'est pas grave." Je souffle, rien n'est jamais grave avec Alan. "D'accord. C'est pas contre toi... tu le sais", "oui, je le sais." Ses lèvres s'étirent très légèrement, et des fichus flash me frappent en pleine tête. Alan m'a embrassé, je peux encore sentir la sensation brûlante de cette étreinte, je sens sa chaleur et... "Enra ? Tu es là ?", "euh oui !", "c'était comment aujourd'hui ? Pas trop difficile le travail ?", "non ça va, et toi ?", "ça va... Mais ta nourriture m'a manqué." Je lève un sourcil, surprise par cet élan de sincerité. "Ah oui ?", "et te regarder m'a manqué, et ça me manque toujours là." Je me lève pour retrouver mon sac accroché sur la porte en riant, "tu me fais pitié, supplie moi et je ferais un effort pour allumer ma caméra." Il me montre un sourire enjoliveur afin d'appuyer sa demande, "s'il te plaît Enra, peux-tu me faire le plaisir de me laisser te voir ?" Je trouve mon baume à lèvre dans mon sac, puis fait glisser la matière grasse et rosée sur mes lèvres sèches.

Je me place face au miroir et tente d'améliorer l'état de mes cheveux. "Tu fais quoi ?", "j'essaie d'être regardable. Je n'ai pas envie de te faire peur", "allume moi cette caméra", il m'intime d'une voix autoritaire. Je glisse quelques mèches de cheveux à l'arrière de mon oreille et reprends mon portable en main. J'active la caméra les doigts tremblant. Je suis nerveuse pour si peu, c'est affolant. Lorsque mon visage apparaît en petit sur le bas de mon écran, mon sourire est un peu trop similaire à une grimace.

Je vois Anderson s'approcher suspicieusement de l'écran, "qu'est-ce tu fais ??", "rien rien, je règle un truc sur mon téléphone, ça beug, je ne te vois pas." Son petit sourire malicieux en dit long sur ses intentions. Je pose mon doigt sur l'objectif, bloquant sa vue et attend qu'il proteste. "Enlève ton doigt", "ok bah arrête de me lorgner comme ça. On se serait fixé en jouant au roi du silence si j'étais apprêtée, mais c'est pas mon jour. Écarte ton téléphone de ton visage." Il obéit sans un mot, alors je retire mon doigt. Il m'observe toujours d'une façon si particulière, je ne sais quoi en penser. Ses sourcils sont à peine froncés, et son regard dur me cloue le bec. Je ne suis plus aussi ardente et courageuse qu'auparavant, et je suis aussi amoureuse, profondément amoureuse. D'où cette perte d'audace et de consistance. Savoir que je plais à Anderson empire la situation. Une seule chose me rassure : Alan a lui aussi perdu une partie de sa ferveur, comme moi.

Nous ne sommes plus des chiens qui s'attaquent et s'arrachent la gueule constamment. C'est plus apaisé, et moins douloureux. Surtout pour moi, parce qu'il faut dire que je n'étais qu'un petit chiot. Il m'a rué de coup, et je lui ai quasiment jamais rendu ceux-ci. J'ai négligé la force des mots, surtout quand ils sortent de la bouche des personne que l'on chérit. "Enra ? Tu as rendu visite à Nathan ?", "non, pas depuis la dernière fois. Je n'ai pas l'intention de le revoir pour l'instant", "d'accord", il dit dans sa barbe.

Nos paires de yeux se rencontrent, et durant ce petit instant tous mes membres sont paralysés. "Est-ce que t'as besoin que je m'excuse pour mes mots ?" Bizarrement, je devine trop naturellement ce à quoi il fait allusion. "Quoi ?! Non ! N'importe quoi, c'est de l'histoire ancienne ça." Je balance ma main dans le vide d'un mouvement de poignée, l'air de dire "c'est rien." Ma réaction est peut-être un peu trop excessive, elle ne fait que me démentir.

"Je suis désolé, je n'ai pensé aucune de ces choses. Et je m'excuse d'être responsable d'un mal-être qui n'a pas lieu d'exister", "c'est bon, laisse tomber c'est pas..." Il me stoppe, "je le sens, n'essaie pas de me faire croire le contraire." Je remue la tête de gauche à droite, parce je n'ai plus la foi d'utiliser la parole pour le contredire. "Je suis désolé, si je le pouvais, j'aurai effacé ta mémoire pour tout recommencer depuis le début. J'aurai procédé autrement, je t'aurai dis à quel point tu me plais au lieu de crier haut et fort le contraire. Je sais qu'il y a des choses que tu n'as jamais digérées. Crois-moi Enra, tu n'as pas besoin de modifier quoi que ce soit avant de te montrer à moi. Je... je te trouve extrêmement belle. T'étais magnifique quand je t'ai retrouvé chez toi dans une flaque de sang à quelques pas de la mort, tu l'étais quand tu dormais, tu l'étais quand nous avions été séquestrés, tu l'étais quand tu a fais cette fausse couche, tu l'étais la première fois que je t'ai vu, et tu l'es maintenant. Tu es tellement plus que "belle", et j'ai pensé cela avant même de te trouver supportable... Je ne veux pas que tu ressentes le besoin de faire attention à ton apparence quand je suis là." Je prends mon visage entre mes mains, "je te crois", "si c'est vraiment le cas tant mieux, mais ces mots ne seront jamais de trop. Tu n'as pas la moindre idée d'à quel point tu es radieuse, je te le répéterai autant de fois qu'il le faudra."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant