Chapitre 05

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Anderson observa les nombreuses photographies qui se trouvaient sous ses yeux, troublé par le caractère violent de celles-ci. Ces photos ont été retrouvées dans l'appartement du ravisseur. Elles sont toutes aussi déroutantes, mais certaines marquent particulièrement l'officier de police judiciaire. Sur l'une d'elles, nous voyons le corps d'une enfant, mutilé. Certains membres lui manquent, et d'autres sont remplacés par ceux d'adulte. On peut constater qu'un bras et une jambe de taille anormalement grande ont été négligemment cousu au fil. Il a créé une bête, un monstre qui ne ressemble plus à l'image du corps que nous avons en mémoire. Cette disproportion créée un malaise évident chez toute personne sensée. Et pour couronner le tout, la tête de l'enfant est manquante, à la place, une tête de peluche est elle aussi cousu à la peau de l'enfant. Le contraste est déroutant, Alan se demande ce que cela peut bien représenter. La jeune fille semble avoir 8 ans à peine, elle a un bras d'adulte, et l'autre lui appartient. C'est identique pour ses jambes, mais de façon asymétrique. C'est comme s'il avait essayé de créer une créature, un genre de chimère, un mix d'enfant, de femme, et de peluche.

Anderson pose la photo sur la table, le cœur serré et la gorge tout autant compressée. Ils doivent absolument retrouver ce détraqué. Il est probablement en ce même en train de vivre sa vie, normalement. Qui sait ? Il pourrait même être un père de famille ? Un pervers dont les pulsions profondes ne sont pas extériorisées dans sa vie "normale."

Nous pouvons reconnaître sur un énième cliché une matière blanchâtre. Lorsqu'il se penche sur la photographie, Alan distingue des dents. C'est l'intérieur d'une bouche, pourtant ça n'en a pas l'air. La raison ? Cette cavité est pleine d'intestins, et les boyaux en débordent même. Est-ce lui ? Ou l'une de ses victimes ?

Le lieutenant a la réponse à sa question lorsqu'il vit la prochaine photo : on y voit une femme enchaînée, dont la bouche béante déborde de boyaux humains, il le suppose, difficile d'en être sûr en raison de la quantité de sang sur son visage. L'angle est étrangement droit, comme si les photographies avaient été prises par un professionnel : la lumière, la technique, la composition, le travail des couleurs... Des mises en scène ? Non, c'est impossible. C'est seulement que l'homme qui a pris ces photos est passionné par ce domaine, il s'y connaît. C'est peut-être même l'activité professionnelle qu'il exerce. C'est un indice à ne pas négliger.

Les photographies sont de l'homme qui a kidnappé Nathan, on le devine au décor, c'est celui de la maison où Chevalier a été retrouvé, les meubles et les murs en second plan sont identiques. Anderson lance une demande de reconnaissance, ils ont seulement un visage : celui de la femme avec les boyaux. Il quitte la pièce en glissant nerveusement ses deux mains dans ses cheveux, son collègue Joshua lui propose du café pour le narguer. Alan refuse, alors il lui dit "du thé ?", et il accepte volontiers. Le café est à ses yeux un poison au goût infect, il lui est impossible de s'en abreuver.

...

Les nuages se promènent lentement dans le ciel, la pluie tombe à peine et l'air est humide. Pendant ce temps, Alan réfléchissait, assit à table au fond d'un Fast Food. Il observe les rues, au chaud, en savourant son sandwich. Ses yeux sont un puit sans fond. Les passants passent, et lui se demande si le tueur n'était pas l'un d'eux. Il suspecte chaque personne en usant de suppositions évidemment infondées. Ses cernes tombent jusqu'au cou, l'ampleur de cette affaire le noie doucement. Il se sent forcé de travailler sans relâche, l'acharnement paie, quelques fois, se disait-il. Mais pour cela, il ne peut pas se contenter de suivre gentiment ses horaires de bureau.

Appuyé contre la table, il pourrait presque s'y avachir. Il est seul, et se sent englouti par son travail. Ces affaires ne lui laissent pas une seule seconde de répit, ni même un moment où il pourrait inspirer de l'air frais, côtoyer quelque chose de différent, quelque chose d'étrangé à la mort. Il lève les yeux vers l'intérieur de l'enseigne, et remarque Mademoiselle Peters. Il n'essaie pas de se cacher, "si cette peste me voit, elle viendra, et me donnera envie de l'insulter", il pensa. C'est toujours mieux que d'être obnubilé par les membres arrachés d'une pauvre enfant, non ? Il la lorgne, se demandant si un homme était capable de la supporter au quotidien. En-tout-cas, aujourd'hui elle est seule. Lorsqu'elle cherche une table où s'installer, leurs regards se croisent. Elle se stoppe, plisse les yeux d'un air malin et s'approche. "Qu'est-ce que vous faites ici ? Vous savez, les cuisines ne sont pas aussi propre que vous le pensez." Il cesse de mâcher, merde, mais elle est répugnante ! Pourquoi se sent-elle toujours obligée de faire ce genre de remarque à vomir ? Il s'essuie la bouche avant de dire, "peu importe."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant