Chapitre 23

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Assise sur ma chaise, près de la fenêtre, je respire à peine. Mes poumons sont figés, et mon cœur paralysé, parce que c'est encore une enveloppe de lui que je tiens entre mes doigts. Les rayons du coucher du soleil traversent la glace, et mes membres sont comme enfouis dans la neige. Je n'arrive plus à bouger, je suis pétrifiée car je sais ce qui m'attend : un rendez-vous, un réel, cette fois-ci. Le terme plus approprié serait plutôt : guet-apens. Est-ce que je vais informer qui que ce soit ? Alan Anderson par exemple ? Je ne suis pas sûre qu'il puisse m'aider d'une quelconque manière, c'est qu'un pauvre homme, qui se croit plus fort que la moyenne mais ce n'est pas le cas. C'est écrit sur son front, le lieutenant ne ferait pas de mal à une mouche, même s'il peut parfois être dur avec moi.

Je glisse mon index le long de cette enveloppe, ils n'ont rien trouvé concernant son identité, c'est quand même incroyable. Il est doué, ce monstre est malin, en plus d'être une pourriture. Je déchire le papier, déballe le tout sur mes cuisses, et constate que ce sont des photographies de moi, dans mon lit, en train de dormir. Je ne réfléchis plus, et je ne sais plus comment respirer. Une peur immense envahit tout mon organisme, mes membres sont affreusement lourds. La main sur mon cœur, j'ai la sensation de mourir. Les palpitations sont brusques et ne me laissent pas l'occasion d'inspirer suffisamment d'air dans mes poumons. Après avoir avalé la grandeur de cette information, je sors de ce qui est censé être "chez moi." Je ne veux plus revenir ici, pas tant que je n'ai pas changé la serrure. Je ne prends pas la peine de m'habiller, je quitte mon appartement d'un pas hâtif. Je descends les marches d'escalier sans faire attention, j'ai même failli chuter à maintes reprises. J'arrive saine et sauve à ma voiture, je verrouille toutes les portières les mains tremblantes et frêles.

Je passe la seconde vitesse en appelant Anderson. Il décroche assez rapidement, et je lui serai à jamais reconnaissante pour cela, car j'ai vraiment besoin d'aide. "Anderson ?", "oui, qu'est-ce qui se passe ?", "il est entré chez moi, il... Orcus, est entré chez moi, vous devriez venir voir s'il y a des empreintes ou quelque chose, j'en sais rien moi je..." Il m'interrompt alors que mes yeux se remplissent de larmes. "Écoutez-moi Enra, ca va ? Vous n'avez rien ? Où est-ce que vous êtes ?", "oui ça va. Je conduis, j'ai quitté l'appartement avec les photos. Vous êtes au bureau ?", "non, mais j'y suis dans quelques minutes. Vous y serez avant moi, allez-y, je vais dire à Joshua de vous laisser y entrer, vous pouvez m'attendre là-bas ? Est-ce que ça vous convient ?" Mes doigts sont serrés sur le volant, et mes phalanges sont blanches comme la neige, je chuchote "oui." Il souffle, "parfait, alors allez y directement, pas de détour, j'arrive dans quelques minutes."

Je mets fin à l'appel, et passe la manche de mon sweat sous mes yeux. Les photos sur le siège passager attirent mon œil, je suis terrorisée à chaque fois que j'y pose le regard. Il est entré chez moi au beau milieu de la journée, et il m'a prise en photo pendant que je dormais, mais il ne m'a pas blessée. Comment est-ce possible ? Il y a trop de choses troublantes qui m'empêchent de trouver une part sensée à cette histoire.

Arrivée au poste de police, je fonce à l'intérieur, en serrant fortement contre moi la lettre. J'ai froid, mais ce n'est qu'un détail. Mes yeux sont toujours embués, ça doit cesser avant qu'Anderson n'arrive. Je ne veux pas qu'il pense que je ne suis qu'une pleurnicharde. Je hais pleurer, c'est comme avouer une défaite. Une fois au sein de l'immeuble, je ne fais pas attention au chewing-gum de l'agent d'accueil, ni au bruit insupportable que ses mâchements produisent. Aujourd'hui, je n'ai pas le temps de m'attarder sur ces choses. J'ai peur, je ne me suis jamais sentie autant en danger de toute ma vie. Je demande un certain Joshua, et il débarque immédiatement après.

Je ne le regarde pas, nous traversons cet identique couloir les pieds presque liés, je le suis comme son ombre. L'étanchéité des murs m'étrangle. Nous mettons un terme à cette balade lorsque j'entre dans le bureau et m'assieds sur le siège. Il dit des choses que je ne parviens pas à entendre, sa voix me parait lointaine, comme si j'étais sous l'eau. Seule, j'observe les murs, la simplicité de cette pièce me déprime encore plus. Je croise les jambes, et patiente en espérant qu'il arrive bientôt. Je me pose mille et une questions, mais l'une m'embête plus que les autres : où vais-je dormir ce soir ? Je ne veux mettre ni Nathan, ni Meriem en péril. Leur sécurité passe avant tout. La meilleure solution qui s'offre à moi est l'hôtel. J'y resterai le temps que la police fasse son inspection, et que le serrurier empêche, je l'espère, que cela se produise à nouveau.

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant