Chapitre 44

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Les yeux d'Elisabeth sont encore rougis par les larmes, "je suis désolée pour vos fils... Le dernier, comment il va ? Il est au lycée, c'est ça ?", elle semble tout à coup émotive, "oui, c'est un élève très studieux", "j'en doute pas et..., je porte mes yeux sur Léo, tu vas bien ?" Il semble prit de court par ma question, "euh... oui ça va. Tu travailles ?", "oui, je suis aide à domicile. Et toi ?", "infirmier."

Je n'essaie pas de cacher ma joie lorsque j'apprends cela , "c'est très bien. Je savais que t'allais finir par faire ce que tu as toujours aimé." Je me lève, "je... je vais y aller. Je reprends le travail tout de suite. On pourrait peut-être se revoir à un moment où j'ai plus de temps", Elisabeth m'interroge : "déjà ! C'est dommage... Prends mon numéro de téléphone. Tu me contacteras plus facilement que via le téléphone fixe." Léo effectue quelques pas en avant, "passe moi ton téléphone, je vais y enregistrer son numéro." J'obéis, et je le laisse manœuvrer sur mon écran.

Je finis par quitter la maison, le cœur lourd de responsabilité et de culpabilité. Une part de moi a toujours pointé du doigt les deux frères pour nous avoir mis dehors. Je croyais qu'il s'agissait de jalousie, j'avais tout faux. Si seulement cette décision ne reposait que sur ce simple sentiment. Les faits me glacent le sang, parce que ça signifie qu'il a toujours eu une part d'Orcus en son être. Agression sexuelle sur un gamin de 8 ans, alors que Nathan était majeur... Il avait pleinement conscience de ses actes. Sans parler de ce qu'il a fait subir à Léo et Diégo. Des scènes tout droit sortie de mon imaginaire se succèdent maintenant en boucle dans ma tête. Et j'ai à peine connaissance de l'étendue de ses actes de barbarie. Assise au volant de ma voiture, mon crâne repose sur l'appui-tête, et mes bras retombent mollement le long de mon corps. "Merde..."

Quelques heures plus tard, je suis au pied du poste de police. Me rendre au bureau d'Anderson n'est pas une bonne idée, surtout après notre dernière étrange discussion qui m'a retourné l'estomac. J'ai passé une journée tout aussi bizarre, alors je me disais que la conclure auprès d'Alan serait assez cohérent et linéaire. Je ne l'ai pas averti de ma petite visite de courtoisie, j'espère qu'il est encore ici. Il est 19 heures passé, et je sais qu'il a tendance à rentrer tardivement chez lui. La femme à l'accueil me laisse passer sans rechigner. Le couloir de la mort ne m'avait pas vraiment manqué. Je frappe à la porte de son placard à balais. Puis lorsque je distingue un : "entrez", je passe la porte. Anderson est installé derrière son écran qui est allumé, et des tas de feuilles recouvrent l'entièreté de son bureau. Cette pièce est tellement exiguë, mais je suis certaine que ce sentiment est surtout lié au fait qu'il soit ici avec moi. Ses cheveux sont ébouriffés, comme s'il n'avait pas arrêté d'y passer les doigts furieusement.

"E...Enra ?", ça me fait tout drôle de le voir si surpris de ma visite. "C'est moi", je finis par déclarer en m'asseyant sur le siège qui se trouve de l'autre côté du meuble. "J'ai passé une journée très troublante...", "qu'est-ce qui s'est passé ?" Je souris à peine en le pointant du doigt ouvertement, "je sais que vous allez commencer à prendre des notes et ça va m'énerver. C'est pour cette raison que je ne peux rien vous dire." Il saisit avec précaution son précieux petit carnet de notes qu'il dépose en face de moi, puis il paraît attendre quelque chose de ma part. "Je ne parlerai pas. Vous allez tout retenir, si ce n'est enregistrer discrètement avec votre portable. Et ensuite vous allez tout raconter à l'autre idiot : Berquin." Il souffle, puis dit d'une voix apaisée : "vous pouvez parler Enra. Je vous le promets, je garderai ce que vous me dîtes pour moi seul."

Je pose mes deux mains à plat sur le bureau pour amortir le choc de cette révélation imminente, "Nathan a fait subir des choses aux enfants dans ma famille d'accueil, brûlure, coupure et probablement coup. Et c'est pas le pire, il a agressé sexuellement le dernier, qui avait 8 ans à l'époque. Nathan était majeur au moment des faits." Il réfléchit plusieurs secondes, de son air grave et calculateur. "La famille refuse de porter plainte ? C'est pour ça que vous ne voulez pas que j'en parle ?", "en fait je... je sais pas ce qu'ils veulent faire, j'ai à peine eu l'occasion d'échanger avec eux. Mais je n'ai pas l'impression qu'ils veuillent déposer une plainte. J'en sais rien... mais pour l'instant vous avez intérêt à ne pas évoquer cela. Tout ça c'est seulement pour dire que Nathan est un monstre depuis déjà longtemps, il nous manipulait tous, moi la première, alors qu'il avait à peine 18 ans..."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant