Chapitre 03

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Meriem m'observe depuis son lit, tandis que je fouille dans ses affaires. Je suis passionnée par son tas de carnets et de post-it dont je ne parviens à déchiffrer l'utilité. "Mais ça sert à quoi ?", je demande sans détour. Elle me regarde, allongée sur le ventre en balançant ses jambes vers le ciel "c'est un bullet journal, c'est comme une to-do list." Je fais défiler les pages, et mes yeux brillent face à la panoplie de couleurs pétillantes qu'il y a dans ce carnet. "Mh, je vois."

"Rien de nouveau pour Nathan ?", je m'assieds sur la chaise, à quelques centimètres de son bureau. "Non. Je commence à perdre espoir... Je... J'ai vraiment peur pour lui", Meriem sourit tristement "c'est normal, mais c'est un grand garçon. Je suis sûre qu'il va bien."

Quatre interminables jours sont passés et toujours rien, toujours aucun signe de vie de mon frère. Je roule jusqu'au poste de police, en toussant à répétition. Je n'échappe jamais aux rhumes d'hiver. Mes défenses immunitaires sont moindres, quasi inexistantes. Je pénètre l'enceinte de l'établissement en me mouchant le nez. Je balance le mouchoir usé dans la poubelle à l'entrée, en frottant énergétiquement cette partie de mon visage qui commençait à rougir à cause des frottements du tissu. Mes poings se glissent naturellement dans mes poches tandis que je me présente à l'accueil. "J'ai besoin de voir le lieutenant Anderson." La femme consulte son PC, et mâche beaucoup trop fort son chewing-gum, de loin, on croirait une vache qui broute de l'herbe. "Je n'ai pas de rendez-vous, mais il doit avoir quelques minutes pour moi. Dites-lui que c'est Madame Peters, il a dit que je pouvais venir quand je le voulais."

Elle utilise son téléphone et presse quelques touches avant de répéter mot pour mot ce que je venais de lui exprimer. Je rejoins la salle d'attente, et lis les affiches de préventions collées aux murs. Certaines évoquent les féminicides, l'ironie de la situation me fait sourire nerveusement... Une victime sur cinq avait porté plainte contre le responsable du féminicide. C'est cool la prévention sur le fait d'en parler etc, mais quand les femmes dénoncent rien ne se passe. Il faut résoudre le problème à sa racine. Je suis soudainement interrompue dans mes pensées, Anderson apparaît comme par magie. Il me salut tout doucement, parce qu'il n'a pas envie de le faire, et j'y réponds sur la même tonalité, avec quelques décibels en moins.

Je tousse à plusieurs reprises dans ma main en entrant dans son bureau. "J'avais l'intention de vous appeler aujourd'hui. Nous avons une piste, nous ne sommes pas sûre qu'elle mène à Monsieur Chevalier mais... avant j'aimerais bien savoir, quand est-ce que j'ai dis que vous pourriez venir quand vous le voulez ?" Je suis chamboulée par ce qu'il vient de m'apprendre, et il me fait perdre du temps avec des futilités. "Non, je l'ai inventé, désolée, je... c'est quoi la piste ?", j'articule à peine, sans doute trop enthousiaste. Le lieutenant remue la tête de gauche à droite, "hors de question que je divulgue ces informations. Et du peu que je sais de vous, vous vous rendrez sur le lieu à la minute où je vous donnerais l'adresse", il déclare en indiquant du menton la porte.

"Je ne peux rien vous dire, nous attendons le mandat du procureur, c'est la procédure. Il ne tardera pas à arriver. Et quand ce sera le cas, et seulement à ce moment-là, nous irons au domicile suspecté", "d...d'accord, ne me dites pas le lieu, mais est-ce que vous savez si... si Nathan est en vie ?", "non, rien n'est joué pour l'instant. Ne soyez pas trop optimiste. Il se peut que Monsieur Chevalier soit décédé depuis déjà quelques jours", ces mots me tombent sur le crâne comme un coup de massue. "Je sais, je sais... merde... vous..., je fouille dans ma poche pour sortir mon portable, je peux vous laisser mon téléphone ? Pour avoir des nouvelles dès que vous serez là-bas ?" Il saisit un post-it et je commence à lui dicter les chiffres qui lui permettront de me joindre. "Merci...", je lève les yeux vers lui, "quel est votre avis par rapport à tout ça ?"

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant