Chapitre 22

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Je m'assieds face à mon frère, et le toise, en espérant cerner ses intentions. "J'espère que tu t'es fait depister. Et si ce n'est pas le cas, fait le, le plus rapidement possible. Ensuite je... j'aimerai parler de Natacha, est-ce que tu as l'intention de lui dire la vérité ?" Il baisse honteusement la tête, "oui. On en a déjà parlé et... je me suis excusé. Elle n'est pas sûre de pouvoir me pardonner, mais elle a dit qu'elle essayerait." Je fais mon maximum pour camoufler mon air ahuri, pardonner ça ? C'est comme elle veut, chacun est libre de ses choix de toute façon... "D'accord, alors euhm... ça va alors", je m'exclame en souriant nerveusement. Je coince mes mains entre mes cuisses, et me penche vers lui. Je dis à voix basse, comme si c'était un secret : "Il faut que je te raconte, il s'est passé quelque chose de fou la nuit dernière." Nathan est tout ouï, alors je retrace mon récit comme si je racontais le manga Shingeki No Kyojin. Et vient le moment tant attendu : quand je vois le lieutenant en pensant qu'il est Orcus. C'est l'équivalant du plot twist de Reiner et Bertholdt, en beaucoup moins grandiose.

Nathan est subjugué, il amène son visage entre ses mains, "tu t'es rendu à lui... comme ça, juste parce qu'il t'as menacé de s'attaquer à moi ?", "je suis désolée, mais je ne voyais pas d'autre choix. T'as pas le droit de me faire la morale, j'ai fait ce qui m'a semblé être le plus juste." Il porte son attention sur moi, en bougeant sa tête de gauche à droite : "t'es pas croyable... refais plus jamais ça. Je... Revenons à ton histoire, tu m'as dit que tu pensais qu'il était Orcus, qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?" Je croise les jambes, en reprenant le cours de mon histoire. Mon frère est impressionné, mais surtout inquiet de ce qui pourrait m'arriver. Il finit par me demander si je suis sûre qu'Alan n'est pas Orcus, et j'ai affirmé sans hésiter une seule seconde. Je ne veux plus penser ça de lui.

Nous avons ensuite atterri sur un autre sujet, un thème moins sensible que ceux que nous évoquions. Nathan me parle de son boulot de comptable, il prétend que c'est intéressant, je refuse de le croire, même si je hoche la tête avec bienveillance. Cette profession c'est mon plus grand cauchemar.

Je voulais parler avec lui de cette prostituée, la raison pour laquelle il l'a vu, mais ça risque d'être embarrassant. Nous n'avons pas l'habitude d'évoquer ces choses-là très ouvertement. Je réserve ces questions à dans cinq minutes, plus tard, ou peut-être à jamais.

J'observe à quel point son appartement est vide, et je vois qu'il le remarque. "C'est très différent de chez toi...", "en effet, c'est... je sais pas comment tu fais pour avoir cette déco comme paysage quotidien. Voir toujours ce même duo de blanc et noir me donne le tournis", je dis en posant ma paume contre mon front. Il sourit, amusé. "Les goûts et les couleurs ça ne se discute pas hein !", je m'exclame en me levant. Je fais le tour du salon en faisant glisser le bout de mes doigts sur les meubles plaqués. "Ça me fait penser à Cruella, aux tables d'échiquier..." Il ricane tandis que je reviens vers lui. "Pourquoi l'infidélité ? Qu'est-ce qui s'est passé ?" Il ne rit plus, et ses traits se sont durci. Les mains dans les poches, ses yeux bleus ne quittent plus le carrelage, "c'est Natacha elle...", il laisse sa phrase en suspens, "il n'y aucune raison qui pourrait justifier ça, qu'est-ce que Natacha a fait ? S'il y a un problème avec elle, fait ça dans les règles, quitte là. Pourquoi la tromper ?", il semble dépourvu de toute confiance, "je... je sais que c'est bas, et je suis désolé de te donner cette image de moi. J'étais censé être le frère exemplaire sérieux et irréprochable. Regarde où j'en suis aujourd'hui... Je n'ai pas d'explication Enra." Je ne peux pas le contredire, ça serait contraire à mes valeurs, alors je ne dis rien. "C'est triste, j'espère que tu réalises la gravité de ton erreur, et que tu y réfléchiras à deux fois avant de reproduire ce genre de connerie." Je n'ajoute rien, et saisis mes affaires. "Je te laisse Nathan, je dois aller bosser. On se revoit bientôt", "à bientôt. Fais attention à toi."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant