Chapitre 12

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Sarah retrouva enfin Paris. Elle marcha dans les rues en titubant, par manque de forces. Elle reconnut le policier qui s'occupait des contraventions le long de la route. Il faisait partie de ceux qui l'avaient arrêté en 1943. Elle fut alors outrée de le voir encore exercer sa profession après ce qu'il avait fait. Il avait quand même collaboré avec les allemands. Pour elle, c'était un traître. Lorsqu'elle passa devant lui, il la fixa du regard et parut étonné de la revoir avec deux trois cheveux sur la tête et à peine reconnaissable. Sa carrure squelettique faisait peine à voir.


- Vous êtes bien Mademoiselle Dreyfus ? demanda-t-il avec hésitation.


- Oui c'est bien moi, répondit Sarah sur un ton sec.


- Je suis vraiment désolé pour tout.


Sarah n'en voulait pas de ses excuses. Il était trop tard, le mal était fait. Sa vie avait été détruite à cause de lui. Il n'aurait jamais dû les arrêter. Sans lui et ses collègues, les Dreyfus n'auraient jamais connu Auschwitz. Sarah le laissa derrière elle et poursuivit son chemin. Elle s'arrêta devant son appartement les larmes aux yeux et constata que la porte était fermée à clef. De frustration, elle lui donna des coups-de-poing. Perturbé par ce vacarme, un homme finit par sortir de son appartement.


- Mais que faites vous ci ? gronda-t-il en apercevant ce squelette sur pattes.


- Je voudrais rentrer chez moi, pleura Sarah.


- Mais ce n'est pas chez vous !


Elle se retourna vers lui et le reconnut. C'était un de ses voisins.


- Bonjour Monsieur Renoir, lâcha-t-elle sur un ton faible.


Son voisin fut étonné qu'elle reconnaisse son nom.


- Qui êtes-vous ? demanda-t-il.


- Je suis Sarah Dreyfus.


Les yeux du voisin s'écarquillèrent. Il ne s'attendait pas à revoir un membre de cette famille et certainement pas avec ce physique. Il resta un moment figé sur place avant de se jeter dans les bras de la jeune fille. Il fut heureux et soulagé qu'elle soit en vie.


- Avez-vous vu mes parents et mon frère ? questionna Sarah le regard rempli d'espoir.


- Non, ils ne sont jamais revenus, répondit tristement le voisin.


- Je vais les attendre à l'appartement mais je ne peux pas y entrer.


- L'appartement a été vendu à d'autres gens.


La nouvelle frappa Sarah comme si elle venait de recevoir la foudre sur la tête. Voilà comment les allemands s'étaient débarrassés de leur appartement après la réquisition. Décidément, on leur aura vraiment tout pris. Elle n'avait plus de chez elle.


- Vous pouvez venir chez moi, proposa le voisin le regard rempli de pitié.


- Non. Je sais où aller, bégaya Sarah.


Elle disparut rapidement du champ de vision du voisin, âgé de soixante ans, puis se rendit vers l'immeuble où sa famille s'était cachée de 1942 à 1943. Puisqu'elle n'avait plus de logement, elle séjournerait dans le grenier. Elle eut un deuxième choc quand elle y arriva. On avait enlevé toutes leurs affaires. Le lit, les matelas, le meuble, la table, les chaises et le frigo avaient disparu comme si la famille Dreyfus n'avait jamais existé. La jeune fille s'effondra en larmes. Il ne lui restait plus qu'à retourner chez M. Renoir et accepter son offre, sinon elle se retrouverait à la rue sans rien. Elle rebroussa chemin et sentit les regards des gens sur elle. Ils la voyaient comme une pestiférée, un extraterrestre. Tu m'étonnes, ils n'avaient pas l'habitude de voir une dame squelettique se balader dans la rue. Certains enfants pleuraient en la voyant. Sarah se sentit vraiment affreuse. Elle arriva chez M. Renoir déprimée et épuisée. Ce dernier lui offrit une chambre et un bon repas chaud. La jeune fille eut faim, elle mangea des patates et du poulet, mais elle fut rapidement malade. A Auschwitz, à cause du manque d'alimentation, son estomac s'était rétréci et aujourd'hui, il eut du mal d'accepter ce qu'elle avalait. D'ailleurs, elle n'avait toujours pas eu ses règles. Elle se demanda aussi si son utérus n'avait pas été endommagé. M. Renoir lui conseilla d'aller voir un médecin. Ce qu'elle fit très rapidement. Le Dr Delavale l'ausculta et ne sut pas quoi penser de son état. C'était la première fois qu'il avait affaire à un cas pareil. Il lui fit faire des examens, puis vint le diagnostic.


- Il faudra du temps pour que votre estomac s'en remette, lui dit-il. Par contre, je ne peux pas vous dire si vous pourrez avoir des enfants un jour.


Sarah sortit du cabinet en larmes. Elle ne supporterait pas d'être stérile. Elle retourna chez M. Renoir. Au bout d'un mois, sa famille n'était toujours pas revenue. Elle commença à trouver le temps long. M. Renoir lui proposa de se rendre à la croix rouge pour obtenir des informations sur sa famille. Il avait appris que les gens recherchaient leurs proches un peu partout en France et que les rescapés faisaient de même. Avec chance, ils retrouveraient les Dreyfus. Sarah ne perdit pas de temps. Elle se rendit à la croix rouge, regarda les annonces et demanda des renseignements à une secrétaire aux cheveux blonds frisés et aux grosses lunettes noires qui masquaient ses yeux bleus. Cette dernière feuilleta des dossiers.


- Aucune personne portant le nom de Dreyfus ne s'est présentée à nous, informa-t-elle.


Sarah encaissa cette terrible nouvelle comme si elle venait de recevoir un coup de poignard dans le ventre. Elle perdit espoir de les retrouver.


- Mais nous pouvons faire des recherches sur vos proches pour les retrouver ou pour savoir ce qu'ils sont devenus, lui dit la secrétaire sur un ton amicale. Tout n'est pas perdu. Ne perdez pas espoir !


Sarah accepta son offre. Si elle voulait tenter toutes ses chances de les retrouver, il fallait qu'elle saisisse cette opportunité.


- On vous contactera quand on aura les informations, promit la secrétaire.


Sarah la remercia, puis rentra chez son voisin. Il lui avait fallu attendre un bon mois avant de recevoir les nouvelles de sa famille grâce aux registres entretenus par les allemands du camp d'extermination. Son frère avait été malheureusement gazé à Auschwitz dés leur arrivée en 1943. Quant à sa mère, elle avait attrapé le typhus et était sûrement morte de la forte fièvre. Son père avait sans doute péri lors de la marche de la mort puisqu'il n'y avait aucune trace de son décès à Auschwitz et qu'il n'avait pas été retrouvé dans un autre camp. Sarah fut complètement secouée et sous le choc. Elle réalisa qu'elle ne les reverrait plus et qu'elle se retrouvait seule au monde. Elle passa ses journées au lit à pleurer.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant