En 1965, Sarah eut trente sept ans et son fils dix ans. Leur emploi du temps fut bien chargé entre l'école, la librairie et les voyages au camp d'extermination. Aujourd'hui, la jeune femme reçut une invitation du musée d'Auschwitz pour les 20 ans de sa libération. Tous les rescapés y seront les bienvenues. Cet événement intéressa Sarah. C'était l'occasion pour elle de rencontrer des personnes ayant traversé la même souffrance qu'elle. La veille du voyage, elle vérifia si elle n'avait rien oublié dans sa valise, puis elle déposa son fils chez son meilleur ami. Comme ça, elle était sûre qu'il s'amuserait pendant son absence. Elle l'embrassa au moins trois fois sur la joue avant de le quitter, ensuite elle regagna son domicile. Elle mangea de la salade, fit la vaisselle et se coucha rapidement dans son lit. Les heures ne passèrent pas vite, elle eut du mal de trouver le sommeil. Ceci était sûrement dû à l'excitation du voyage. Elle se voyait déjà à Auschwitz en train de partager son vécu avec d'autres rescapés. Par conséquent, elle ne ferma pas de l'œil de la nuit et se leva de très bonnes heures. Elle se prépara du café et une tartine au beurre qu'elle avala en trois bouchées. Dans la cuisine, on entendit juste le bruit de la pendule. Après avoir fait sa toilette, elle se posa dans son fauteuil avec un livre dans les mains. Il ne lui restait plus qu'à attendre l'heure de départ.
Sarah prit son train aux alentours de onze heures. Au moment de s'installer contre la vitre, une personne vint lui taper dans le dos.
- Excusez moi mademoiselle, interpella cette inconnue. Je ne voudrais pas vous déranger, mais êtes-vous bien Sarah Torrès, l'autrice du roman "Du paradis à l'enfer" ?
Surprise, Sarah se retourna pour mieux la dévisager. C'était une petite femme de forte carrure aux cheveux bruns et aux yeux marrons. Elle devait avoir tout juste cinquante ans.
- Oui, confirma Sarah.
- Enchantée, moi c'est Claudia. J'ai eu un gros coup de cœur pour votre roman. Votre histoire m'a énormément touchée. Vous avez une très belle écriture. Je suis fan de vous. Pourrais je avoir votre autographe, s'il vous plaît ?
- Enchantée Claudia. Oui bien sûr.
Sarah lui signa un autographe sur un bout de papier. L'inconnue sourit comme une fillette de cinq, puis elle disparut dans le train en sifflotant. On aurait dit qu'elle venait d'ouvrir son cadeau d'anniversaire. Pendant le voyage, Sarah piqua plusieurs fois du nez et sombra dans un profond sommeil. Elle récupéra toutes les heures qu'elles avaient perdues la nuit dernière. Voire plus. A son réveil, elle fut un peu désorientée, ne sachant plus où elle était. Puis le souvenir du train lui revint. Elle voyageait pour Auschwitz et il faisait maintenant nuit.
Lorsque le train s'arrêta, elle fut heureuse d'être à Cracovie. Elle allait enfin pouvoir se dégourdir les jambes. Elle sillonna les rues, fit les magasins et mangea un petit casse-croûte. Une fois son repas terminé, elle se présenta à son hôtel. Cinq minutes plus tard, elle fit la découverte de sa chambre aux murs éclatants. Tout était jaune à part le vieux mobilier en bois. Il y avait de quoi avoir mal aux yeux. Elle se laissa tomber sur le lit, à bout de fatigue, et s'endormit dans les bras de Morphée. Le lendemain matin, elle se rendit compte qu'elle ne s'était pas rechangée. Ses cheveux partaient dans tous les sens. Elle courut en catastrophe à la salle de bain pour se laver et se relooker. Ensuite, elle prit son petit déjeuner dans une petite salle de l'hôtel. Le buffet était garni ; pain, beurre, fromage, saucisson, jambon, pâté, confiture, miel, œufs, tomates, radis, soupe au lait avec des céréales, jus d'orange, thé et café. Après hésitation, Sarah opta pour une tartine à la confiture de cerises et un verre de jus d'orange. Elle n'eut pas énormément faim, et elle ne voulut pas s'éterniser sur ce repas. Elle avait un bus à prendre. Quand elle sortit de l'hôtel, elle fut heureuse qu'il fasse beau ce jour-là. Ils ne se feront pas rincer lors de la cérémonie de commémoration. A l'arrêt de bus, il eut pas mal de monde. Sarah observa attentivement leurs visages dans l'espoir de reconnaître au moins quelqu'un. Mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Les rescapés n'avaient déjà plus la même allure qu'à leurs sorties en 1945. Leurs cheveux avaient poussé et leurs corps s'étaient élargis. Sarah dut s'occuper autrement. Elle sortit un livre de son sac et lut quelques pages. L'attente fut moins longue, elle ne vit pas le temps passer. Le bus s'arrêta devant elle, la laissant entrer en première. Elle s'installa derrière le chauffeur. Un quart d'heure plus tard, le bus se remit en route.
Arrivés à Auschwitz, les voyageurs se rassemblèrent devant la barrière principale. Puis ils entrèrent à l'intérieur du camp et marchèrent jusqu'à la marre où se tenaient les quatre stèles en hommage des victimes. Il eut un paquet de monde. La cérémonie de commémoration commença avec un long discours sur la vie du camp, de sa création à sa fermeture, ainsi que sur les survivants et les victimes. Ce fut très émouvant. Sarah ne put s'empêcher de pleurer. Bien évidemment, on n'énuméra pas les noms de toutes les victimes, la liste était beaucoup trop longue, mais on cita ceux des survivants qui avaient fait le déplacement à Auschwitz pour ses vingt ans de libération. Sarah eut des frissons rien qu'en entendant le sien. Une fois que la cérémonie fut terminée, les gens se rassemblèrent autour d'une table pour discuter autour d'un verre. Sarah put faire la connaissance des autres rescapés qu'elle n'avait hélas jamais connus auparavant. Leur entente fut immédiate, ils se parlèrent comme s'ils étaient amis depuis toujours. Pour l'instant, ils racontèrent leur nouvelle vie après Auschwitz. Certains travaillaient dans des usines ou dans des commerces, et d'autres élevaient leurs enfants. Ensuite, ils se donnèrent rendez-vous le soir même dans un bar de Cracovie pour échanger quelques mots sur Auschwitz. Ils avaient besoin de se confier à des personnes ayant vécu la même souffrance.
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Survivre après Auschwitz
Ficção HistóricaSarah Dreyfus, jeune juive, se fait déporter à Auschwitz après dénonciation. Dans ce camp, elle va y vivre l'enfer. Sa vie ne tient qu'à un fil et elle n'en sortira pas indemne. A sa libération, elle devra continuer à vivre avec toute cette horreur...