Chapitre 43

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L'année 1974 commença. Le comportement d'Emma n'avait pas changé. A l'âge de quatre ans, la fillette continuait de se faire remarquer. Elle devenait même de plus en plus désobéissante à l'école et à la maison. Les punitions ne faisaient aucun effet. Emma défiait l'autorité de ses deux parents. Bien souvent, elle voyait sa mère pleurer de ses bêtises. Mais cela ne l'empêchait pas de recommencer. Elle n'éprouvait aucun remords. Elle ne ressentait rien du tout. Elle avait un cœur de pierre. Alexander aurait voulu l'envoyer dans un pensionnat disciplinaire. Il y serait parvenu si Sarah ne s'y était pas opposée. Elle refusait que sa fille soit menée à la dure et à la baguette. Elle avait peur qu'elle en soit traumatisée. Pour elle, ce genre d'établissement ressemblait à une prison comme à Auschwitz. Au grand désespoir de Vincent, âgé de six ans, le comportement de sa petite sœur ne changerait pas. Il ne la supportait plus, il la détestait. Il aimerait tant qu'elle disparaisse de leur vie. Aujourd'hui, il fut bien content de quitter la maison, loin de ces querelles familiales. Il dépassa les grilles de l'école avec le sourire au bout des lèvres. Cet endroit respirait la paix. Le petit garçon retrouva ses copains au milieu de la cour. Il sortit son sac de billes pour jouer avec eux. Lorsque la cloche retentit, les enfants se rangèrent sous le préau de l'école, ensuite, l'instituteur vint les chercher et les fit entrer dans la salle de classe. Des tables en bois reliées à des chaises occupaient l'espace. Vincent fut au premier rang. Il avait pour voisine, la petite Colette Rousseau, l'élève la plus studieuse de la classe. Une brune aux lunettes rondes. Devant eux, se dressait le grand tableau noir. En cette belle matinée ensoleillée, les élèves ouvrirent leurs livres de lecture. Chacun lut à voix haute quelques lignes d'une petite histoire sur un petit garçon qui admirait le métier de son père "pompier". Ensuite, l'instituteur leur demanda de citer celui de leurs parents. La plupart des mamans ne travaillaient pas. Elles restaient à la maison pour cuisiner, faire le ménage et élever ses enfants. Autrement, les papas étaient boulangers, chauffeurs de taxi, policiers, menuisiers, banquiers, notaires, bouchers, maçons, architectes, pharmaciens... Ce fut maintenant au tour de Vincent de parler. De sa voix timide, il donna le nom de la profession de ses parents :

- Mon papa est pilote d'avion et ma maman est vendeuse dans une librairie. Elle a écrit deux livres.

- Et sais-tu de quoi parlent les livres de ta maman ? interrogea l'instituteur intéressé.

- Oh oui ! Ils parlent de la Seconde Guerre Mondiale ! La famille de ma maman était Juive. Du coup, les allemands l'ont déportée à Auschwitz !

Malheureusement, il y eut encore de l'antisémitisme dans certains foyers. Bernard, un garçon rebelle aux cheveux blonds et aux yeux bleus, fusilla du regard son camarade. Sa famille avait toujours été d'accord avec les idées d'Hitler. Elle en avait fait son idole. Il attendit la récréation pour attaquer sauvagement Vincent dans la cour :

- Dégage d'ici, sale Juif ! insulta-t-il.

Il éparpilla les billes de son camarade dans la cour. Choqué par ses paroles et par son comportement, le petit Vincent courut jusqu'aux toilettes les larmes aux yeux. Il passa la récréation enfermé dans le cabinet. La cloche retentit. Les enfants retournèrent en classe. Vincent sortit des toilettes et regagna sa table, les yeux rougis parles larmes. L'instituteur leur fit une leçon de calcul, puis il leur donna à faire un exercice d'application. Vincent ne fut plus du tout concentré. Les deux mots "Sale Juif" résonnèrent encore dans sa tête. Une larme coula sur son cahier de calcul. Il ne méritait pas une telle insulte. Il avait toujours été gentil avec ses camarades. Il ne voyait pas en quoi cela dérangeait que sa mère soit Juive. Ce n'était pas un crime. Elle n'avait tué personne contrairement aux nazis. Bernard aurait dû le savoir. Heureusement que les autres ne savaient pas pour son papa. On l'aurait aussi traité de sale nazi ! C'était sa maman qui lui avait raconté le passé de son papa. Elle avait eu peur que Vincent l'apprenne par quelqu'un d'autre.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant