Chapitre 49

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Nous étions en 1994, Sarah avait maintenant soixante six ans. Elle passa quelques jours à Paris pour rendre visite à ses enfants. Vincent, âgé de vingt six ans, l'accueillit à la maison avant de reprendre son vol d'avion. Ils allèrent au cinéma et au restaurant. Ensuite, Sarah fit la connaissance de sa petite-fille Marie. Charlotte et David venaient d'avoir un bébé. Âgé de huit ans, Lucas adorait sa petite sœur. Il aidait même ses parents à s'en occuper. Ce qui arrangeait plutôt bien David. A l'âge de trente neuf ans, ce dernier devait jongler entre son rôle de père et son rôle de médecin. Sarah profita de cette petite famille avant de repartir en Franche Comté. Ce séjour lui fit énormément de bien. Elle se sentait de moins en moins déprimée au fil des années. Son psychiatre et sa famille y étaient pour quelque chose. Elle n'aurait jamais pu s'en sortir sans eux. Quand elle rentra à la maison, elle reprit rapidement une séance avec le Dr William Delcroix. Elle lui parla de ses vacances à Paris. A la fin du rendez-vous, il lui annonça la terrible nouvelle :

-Je vais déménager le mois prochain en Haute Savoie près du lac Léman. Vous serez suivie par un de mes confrères.

Sarah fut complètement secouée par la nouvelle. Elle ne voulait pas qu'il s'en aille. Mais au lieu de le supplier de rester, elle fit semblant d'accepter la situation.

- Je suis très heureuse pour vous, lâcha-t-elle en se forçant à sourire.

- Merci beaucoup, lui dit le Dr Delcroix soulagé. J'avais peur de vous le dire.

Sarah refit son hypocrite, puis elle quitta l'hôpital avec les larmes aux yeux. Elle n'envisageait pas un avenir sans la présence de ce psychiatre. Il faisait partie de sa vie depuis 1990. Il était hors de question qu'elle le remplace par un autre professionnel. De retour chez elle, elle s'installa sur le canapé et se mit à broyer du noir. Ce fut la sonnerie du téléphone qui la fit sortir de ses pensées. Elle se leva du canapé, décrocha l'appareil et le ramena à son oreille. Elle reconnut rapidement la voix de David. Ils se donnèrent quelques nouvelles de la famille, puis ils abordèrent d'autres sujets. Sarah s'effondra en larmes quand elle lui annonça le départ du Dr Delcroix. On aurait dit qu'elle venait d'enterrer quelqu'un. Choqué par sa réaction démesurée, David se demanda si sa mère n'éprouvait pas autre chose que de l'amitié pour ce psychiatre. Il lui posa directement la question afin de tranquilliser son esprit.

- Tu es complètement fou ! répliqua aussitôt Sarah. Je ne suis pas amoureuse de mon médecin.

Son ton était devenu hystérique. Cela ne rassurait pas du tout David. Il était de plus en plus convaincu qu'elle en pinçait pour son psychiatre. Elle se mentait à elle-même. David préféra écourter cette conversation avec elle que de lui tenir tête. Il ne voulait pas entrer dans un conflit. L'appel téléphonique se termina par des gentillesses et des bisous. Puis Sarah raccrocha son téléphone. Le cœur battant à cent à l'heure, elle s'interrogea à son tour sur les sentiments qu'elle éprouvait pour son psychiatre. Depuis quelques semaines, elle n'arrêtait pas de penser à lui. Elle attendait toujours ses rendez-vous avec impatience. Avec lui, elle se sentait à l'aise et en sécurité. Elle était attirée par sa personnalité et sa beauté. Son cœur battait la chamade lorsqu'il la regardait avec ses magnifiques yeux bleus. Elle rêvait même de lui quelques fois. Ça ne lui était jamais arrivé auparavant avec son autre psychiatre. Elle était sûrement tombée amoureuse du Dr William Delcroix. Elle en eut la chair de poule. Il fallait être vraiment stupide pour s'embarquer dans un amour impossible. William Delcroix ne tomberait jamais sous son charme. Un médecin ne se mettait pas en couple avec une patiente. De plus, il allait partir en Haute Savoie. Elle ne le verrait plus, donc elle devait absolument l'oublier. Elle ne voulait plus souffrir. Le lendemain matin, elle commença par annuler son dernier rendez-vous avec le Dr Delcroix. D'une part, elle ne supporterait pas les adieux, et d'autre part, elle devait rapidement le rayer de sa vie. De son côté, le psychiatre ne mit pas longtemps à comprendre que Sarah avait un problème. En temps normal, elle n'aurait jamais manqué un seul rendez-vous avec lui. Inquiet, il décida donc de se rendre à son domicile. Elle déprimait à nouveau ou bien elle lui en voulait de partir. Le cœur battant à cent à l'heure, il frappa à sa porte, tout en espérant qu'il ne lui soit rien arrivé. Il ne se le pardonnerait pas. En tant que médecin, il était censé la soigner. La porte s'ouvrit, Sarah fut surprise de le voir. Ses yeux s'écarquillèrent et sa bouche resta ouverte pendant quelques secondes. En annulant son rendez-vous, elle avait complètement loupé son coup. Elle le revoyait à son domicile.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant