Chapitre 38

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Sarah n'avait pas dormi de la nuit. Elle n'arrêtait pas de penser à sa prochaine visite à l'hôpital. Bientôt elle parlerait du bébé à Alexander. Sa réaction lui faisait déjà peur. Sarah sentit soudainement une présence contre son corps. David avait décidé de l'embêter en lui sautant dessus.

- Debout maman ! Il est l'heure de déjeuner !

Sarah décida de se venger. Elle le chatouilla. Ce dernier ne put s'empêcher de rire, il se tortilla dans tous les sens. Pendant qu'il se débattait, Sarah repensa une nouvelle fois à sa prochaine  l'hôpital. Elle en eut la boule au ventre. David profita du fait que sa mère ait l'esprit ailleurs pour sortir du lit et courir jusqu'à la cuisine. Peu de temps après, Sarah leva Vincent, puis donna à manger à ses deux fils. Contrairement à eux, elle n'eut pas d'appétit. Elle fut même convaincue qu'elle vomirait le moindre truc qu'elle avalerait ce matin. Son muscle cardiaque se contracta, provoquant une crampe au niveau de la poitrine. Prise par surprise, Sarah s'immobilisa pendant quelques secondes, le temps que la douleur passe. Elle stressa tellement fort qu'elle eut l'impression de se retrouver à Auschwitz lors d'une sélection.

- Ça va maman ? interrogea David inquiet.

- Oui. Je suis juste un peu fatiguée. Je n'ai pas assez dormi cette nuit, mentit Sarah.

Rassuré, David quitta la cuisine en sifflotant, puis s'enferma dans la salle de bain pour faire sa toilette. Il était bientôt l'heure de l'école. Sarah fit la petite vaisselle du petit-déjeuner, rechangea Vincent et le déposa chez la voisine. Elle fit ensuite plusieurs détours pour aller à l'hôpital, retardant ce moment crucial avec Alexander. Je n'ai vraiment pas envie d'y aller, se dit-elle dans sa tête. Elle était à deux doigts de faire demi-tour. Lorsqu'elle arriva devant l'hôpital, elle se mit à vomir sur le bord du trottoir. Elle s'essuya les lèvres avec un mouchoir avant de se remettre en route. La panique grandit au fur et à mesure qu'elle avançait dans le grand couloir de l'hôpital. Sa tête tournait et tambourinait. Son corps tremblait. Elle s'arrêta brusquement devant la chambre d'Alexander. Des gouttes de sueur trempaient son front. Sarah tenta de contrôler sa respiration qui devenait de plus en plus irrégulière. Au bout d'une bonne demi-heure, elle reprit le dessus et entra dans la chambre d'Alexander. Ce dernier la fixa du regard, un peu surpris de la voir aussi tendue.

- Détends toi, je ne vais pas te manger, lui dit-il. J'ai accepté notre rupture.

Les mots eurent du mal de sortir de la bouche de Sarah. Ses mains tremblèrent de nervosité et son cœur tambourina lourdement contre sa poitrine.

- Que t-arrive-t-il ? interrogea Alexander inquiet. On dirait que tu vas t'écrouler. Tu es toute blanche.

- Je dois te dire quelque chose, lâcha Sarah les larmes aux yeux.

Alexander se sentit soudainement stressé. Il s'attendait à une très mauvaise nouvelle.

- J'ai un deuxième enfant, annonça Sarah la voix toute tremblante.

- Ah oui ? Toutes mes félicitations ! Le papa est vraiment chanceux, répondit Alexander sans prendre le temps de réfléchir.

Puis il se rendit compte du silence de Sarah et fit rapidement un calcul dans sa tête. Son visage devint pâle quand il parvint à la conclusion finale : ça ne pouvait être que lui le père. Une fois le choc passé, son teint de peau devint rouge et la colère gagna du terrain.

- Tu m'as reproché de t'avoir caché mon passé de SS, mais tu as fait la même chose avec ta grossesse. Résultat, j'ai loupé la naissance de mon enfant, constata-t-il avec dégoût.

Sarah s'en voulut terriblement de lui avoir fait ça, mais malheureusement, elle ne pouvait plus revenir en arrière. Des larmes coulèrent sur son visage. Elle s'excusa, tout en espérant qu'il lui pardonne un jour.

- Tu as simplement voulu te venger de moi parce que j'ai été SS, reprocha Alexander. Tu ne vaux pas mieux que moi.

- Non, ce n'était pas une vengeance, protesta Sarah la voix toute tremblante. Je voulais juste le protéger de toi.

Ses mots blessèrent profondément Alexander. Elle l'avait cru capable de faire du mal à son enfant. En larmes, il ne put s'empêcher de lui demander de partir. Au bout de plusieurs minutes, voyant que Sarah ne bougeait toujours pas, il se mit à lui crier dessus :

- Dégage de cette chambre ! Je ne veux plus te voir !

Sarah sursauta au ton de sa voix et sortit de sa chambre en trombe, manquant de renverser un médecin sur son passage. Les larmes dévalèrent ses joues. Alexander avait tout à fait raison, elle ne valait pas mieux que lui. Elle se haïssait. A l'avenir, elle éviterait de faire des reproches à quelqu'un et de commettre les mêmes erreurs que lui. Maintenant, pour se rattraper, elle allait devoir lui pardonner de lui avoir caché son passé. A moins qu'il ne veuille plus lui adresser la parole... Elle sécha ses larmes, puis récupéra Vincent chez la voisine avant de rentrer chez elle. Ce dernier dormait déjà profondément dans sa poussette. Elle profita de ce moment de tranquillité pour écrire une lettre à Alexander.


Mon cher Alexander,

Je t'écris cette lettre car je tenais à m'excuser encore une fois de t'avoir caché ma grossesse. Je n'ai pas fait mieux que toi. Je t'ai privé de ton enfant. Je n'acceptais pas qu'il ait un père nazi. Je suis vraiment désolée. Je n'ai jamais voulu te faire du mal. Je voulais juste protéger notre enfant de ton passé et du regard des autres. Mais je n'ai jamais pensé que tu pouvais le tuer.

Je comprendrai parfaitement que tu refuses de me parler et de me voir. Ta réaction serait tout à fait justifiée. Mais j'aimerais juste que tu me laisses une chance de me racheter en te présentant Vincent.

Je t'écris aussi cette lettre pour te dire que je te pardonne de m'avoir caché ton passé. Tu as eu tes propres raisons. Tout en réfléchissant bien, à ta place, j'aurais fait certainement la même chose que toi tout en sachant que j'étais Juive.

Je t'aime encore Alex et je t'ai toujours aimé. Ton absence est de plus en plus difficile à supporter. Tu me manques trop.

Si toi aussi, tu as encore au fond de ton cœur l'envie et l'espoir de nous retrouver, et s'il te reste encore de l'amour pour moi, je t'en prie, réponds-moi et accepte de me voir. Nous construirons ensemble un avenir dans lequel, je te le promets, nous serons heureux.

A bientôt, j'espère...

Sarah


Elle mit sa lettre sous enveloppe, ajouta l'adresse de l'hôpital dessus et la posta assez rapidement pour qu'il l'ait le plus rapidement possible. Elle savait déjà qu'elle stresserait dans les prochains jours. Ce n'était même pas sûr qu'il lui réponde. Et s'il le faisait, peut-être qu'il lui écrirait ses adieux. Rien que d'y penser, elle versa quelques larmes. Elle ne se voyait pas vivre sans Alexander. Elle se demandait même comment elle avait fait pour tenir ces derniers mois sans lui. La colère et la déception avaient dû atténuer la douleur de son absence.



Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant