Survivre après Auschwitz

Chapitre 37

Alexander s'était réveillé sans aucune séquelle, mais il avait beaucoup pleuré lorsque le médecin lui avait annoncé pour son rein. Il aurait préféré mourir. A quoi bon vivre alors qu'il portait sur ses épaules le poids de ses erreurs. Il aurait mieux fait de tuer son père au lieu de lui obéir comme un chien et d'entrer dans la SS. De plus, il aurait dû parler à Sarah de son passé avant de se mettre en couple avec elle. Aujourd'hui, il ne lui restait plus qu'à vivre seul avec des regrets. Il tenta de dormir un peu, dans l'espoir de faire disparaître ses mauvaises pensées. Au moment de fermer les yeux, il aperçut une silhouette noire au coin de la porte. Cette dernière se matérialisa devant lui jusqu'à ce qu'il la reconnaisse. C'était Sarah avec un visage pâle et tendu. Il fut vraiment surpris de la voir. Sans dire un mot, ils s'observèrent pendant un long moment, comme s'ils se découvraient pour la première fois. Puis Alexander trouva le courage de s'excuser :

- Je suis vraiment désolé. Je n'aurais jamais dû te cacher que j'étais SS. J'ai été vraiment stupide.

- J'avoue que j'aurais préféré que tu m'en parles depuis le départ, avoua Sarah. Mais je pense que je t'aurais rejeté quand même.

- Parce que j'ai été SS.

- Oui, juste pour ce statut, sans attendre la moindre explication.

Alexander eut un air de chien battu. Il était au bord des larmes.

- Mais je me suis rendue compte grâce à ton amie Katharina que j'aurais dû te laisser parler, lui dit Sarah. On ne juge pas une personne pour ce qu'elle est, sans prendre le temps de connaître son histoire. Alors, je m'excuse à mon tour.

Alexander comprit que Katharina lui avait raconté son passé. C'était pour cette raison que la jeune femme revenait vers lui. Elle devait avoir pitié de lui.

- Tu sais, lui dit-il. On n'était pas tous des monstres dans la SS. Certains en avaient honte d'en faire partie comme moi. Et une fois engagé, on ne pouvait plus se retirer. On nous aurait fusillés pour manque de loyauté.

Il lui cita un exemple de SS, le commandant d'Auschwitz, Arthur Liebehenschel, qui avait amélioré les conditions de détention des prisonniers. Ce dernier avait même tenté d'arrêter les chambres à gaz, mais sous ordre de Berlin, il avait dû les redémarrer.

- J'avais oublié cet homme, avoua tristement Sarah. Je me souviens juste des SS les plus méchants.

- Je te comprends parfaitement. Certains SS nous auront marqués à vie pour leurs actes de cruauté.

Alexander avait vu ses camarades lancer leurs chiens sur des prisonniers pour que ces derniers les découpent en morceaux. Il avait même surpris un SS en train d'uriner sur une femme qui le suppliait de l'épargner. Un autre avait pendu un prisonnier par les deux bras et les avait écartés au maximum jusqu'à ce que les os cèdent. Le Dr Mengele avait fait des expériences atroces sur des enfants. Il avait tenté de changer la couleur de leurs yeux. Bien évidemment, il s'était retrouvé avec des morts et des aveugles. Il avait aussi rendu des jumeaux siamois en les recousant ensemble. Le père d'Alexander avait fait partie de ces nazis pervers et sadiques.

Des larmes coulèrent sur leurs deux visages. Personne n'eut le courage de reprendre la parole. Des images horribles d'Auschwitz redéfilèrent dans leur tête. Ils avaient tous les deux vécu dans la peur de mourir ; Sarah parce qu'elle était Juive et Alexander parce qu'il trahissait les siens. Profondément touchée par son chagrin, la jeune femme se rapprocha de son ex petit ami pour le prendre dans ses bras. Ils se réconfortèrent mutuellement. Alexander finit par l'embrasser sur la bouche. Prise par surprise, Sarah le repoussa un peu brusquement et se retira totalement de ses bras.

- Non ! protesta-t-elle. Nous sommes juste amis. C'est tout.

Sarah put lire de la déception et de la souffrance dans ses yeux. Elle l'avait profondément blessé. Il tourna sa tête de l'autre côté pour qu'elle ne puisse pas voir ses larmes couler. Le silence tomba une nouvelle fois dans la pièce. Sarah prit la décision de partir. Elle voyait bien que sa présence dérangeait et qu'elle allait devoir attendre un autre moment pour lui parler du bébé.

- Je repasserai demain. A bientôt, lui dit-elle.

Le silence d'Alexander glaça encore plus la jeune femme quand elle sortit de la chambre. Il n'avait peut être plus envie de la revoir. Tant pis pour lui. Qu'il le veuille ou non, elle continuera de lui rendre visite. Il finira bien par digérer leur rupture.

Après le départ de Sarah, Alexander s'effondra en larmes. Il ne savait même pas s'il avait envie de rester ami avec elle. Rien que de la revoir sans pouvoir l'embrasser, le ferait souffrir. De plus, si elle venait à retrouver quelqu'un, il savait déjà qu'il ne le supporterait pas. Il en mourrait de jalousie. Il serait peut être plus judicieux de la laisser partir, comme ça, il pourrait l'oublier et refaire sa vie avec quelqu'un d'autre. C'était à réfléchir. Une infirmière entra dans sa chambre pour faire ses premiers soins. En remarquant ses yeux rouges, elle comprit rapidement qu'il n'était pas dans son assiette. Elle ne put s'empêcher de le questionner :

- Mais qu'est-ce qu'il vous arrive ?

- Je n'ai pas trop le moral, répondit faiblement Alexander.

- A cause de votre état de santé ?

- Non.

- Ah ! Vous avez d'autres soucis....

- La femme que j'aime, ne veut plus de moi, lâcha subitement Alexander.

- Ah bon ? fit l'infirmière surprise. Je suis vraiment désolée pour vous. Mais peut être que ça s'arrangera un jour entre vous.

- Non. Je lui ai caché des choses et elle ne me le pardonnera jamais. Elle ne doit plus avoir confiance en moi.

- Aïe. Je suis vraiment désolée pour vous.

L'infirmière se répétait, mais elle ne voulait pas le blesser en lui disant qu'il n'aurait jamais dû faire ça. Que c'était la base dans un couple de tout se dire. Et qu'elle comprenait parfaitement pourquoi la femme ne voulait plus de lui.

- Que feriez-vous à ma place ? Rester ami avec elle ou l'oublier ? questionna Alexander.

La question prit au dépourvu l'infirmière. Elle n'aurait jamais cru qu'il lui demanderait son avis. Elle hésita un moment avant de lui répondre :

- A votre place, je resterais ami avec elle. J'essayerais de regagner sa confiance. Avec le temps, votre relation pourrait très bien redevenir comme avant.

Cette réponse plut énormément à Alexander. Il allait suivre son conseil.