Comme à chaque fois qu'elle travaillait, le réveil sonna à six heures. Sarah étendit son bras pour l'éteindre et sortit du lit. Il faisait encore nuit. Elle entra dans la salle de bain, puis se glissa sous la douche. Après s'être lavée, elle se sécha les cheveux et se fit une queue-de-cheval. A six heures trente, elle réveilla son fils, prépara le petit-déjeuner et mangea une tartine de beurre qu'elle accompagna avec son café. Ensuite, elle embrassa David sur la joue avant de partir à la librairie. Elle portait une robe chemisier beige avec une ceinture autour de la taille. Arrivée à la librairie vers sept heures trente, elle travailla d'arrache-pied. Elle compta sa caisse, s'occupa des livraisons et enleva la poussière sur les rayons. A huit heures trente, elle ouvrit sa boutique. Peu de temps après, deux vieilles dames s'arrachèrent un livre des mains. Elles s'insultèrent de tous les noms et Sarah dut s'interposer entre elles pour les calmer. Elles étaient à deux doigts de se taper dessus avec leur canne. Au final, personne n'acheta le livre. Sarah fut soulagée de les voir partir, sa tête devenait aussi grosse qu'une citrouille. La boutique retrouva son calme, mais juste pour quelques minutes. Une petite fille de six ans, aux cheveux blonds bouclés, fit un caprice au milieu d'un rayon. Elle hurla de colère car sa mère ne voulait pas lui prendre un deuxième livre. A bout de patience, cette dernière lui colla une gifle sur la joue. Cette fois-ci, la fillette s'effondra en larmes. Sarah encaissa leur livre. Ses deux clientes quittèrent la boutique sans lui dire au revoir.
- Je ne vais jamais tenir la journée, se dit la jeune femme désespérée.
Elle rangea les livres que les clients avaient dérangés. A la fois sérieuse et concentrée dans son travail, elle ne fit pas attention à l'homme qui se tenait derrière elle.
- Bonjour, lâcha-t-il.
Elle sursauta et fit tomber un livre sur le pied de son visiteur.
- Oups. Je suis vraiment désolée, s'excusa-t-elle embêtée.
L'inconnu éclata de rire. Elle le regarda plus attentivement et fut surprise de se retrouver nez à nez avec Alexander. Elle ne pensait pas qu'il passerait à la librairie aussi vite. Aujourd'hui, il ne portait pas son uniforme, mais il avait opté pour un pantalon blanc et une veste rouge qui lui allaient à merveille. Son magnifique sourire révéla des dents blanches parfaitement alignées. Sarah fut à nouveau sous son charme.
- Comment allez-vous ? demanda Alexander par politesse.
- Je vais bien merci, répondit Sarah. Et vous ?
- Ça va aussi, merci.
- Vous venez acheter des livres ?
- Je viens acheter vos romans, rectifia Alexander.
Sarah sourit, il avait tenu sa promesse. Elle se dirigea vers le rayon historique et empoigna ses deux romans "Du paradis à l'enfer" et "Le médecin oublié". Ensuite, elle les encaissa. Alexander régla sa note. Il n'oublia pas de lui réclamer un autographe. La jeune femme prit un stylo et écrivit un petit mot dans chaque livre.
- Merci, lui dit Alexander sur un ton joyeux. Je repasserai vous voir pour vous donner un avis sur chaque roman.
Sarah ne put s'empêcher de rougir. Elle eut des papillons dans le ventre, rien qu'à l'idée de le revoir. Son cœur palpita et ses mains tremblèrent. Il la salua, puis disparut aussi vite qu'il était venu. Tout au long de la journée, les pensées de Sarah n'arrêtèrent pas de tourner autour de cet homme. Elle tenta de l'oublier plusieurs fois en regardant la photo de Lucas. Mais en vain... Pour qu'elle y arrive, il faudrait d'abord que ce pilote ne remette plus les pieds dans sa librairie. Tant qu'elle le verrait, il occuperait ses pensées.
Elle dut attendre deux mois avant de le revoir. Alexander n'avait pas pu venir plus tôt à cause de son travail. Il s'en excusa. Sarah l'invita à s'asseoir autour d'une table pour boire un café. Une fois assis confortablement sur une chaise, il lui donna son avis sur ses romans. Il avait apprécié de les lire et il trouvait qu'elle avait beaucoup de talent. Son écriture était fluide et ses personnages l'avaient bouleversé. Il lui avoua qu'il avait versé quelques larmes. Il ne s'arrêta plus dans ses compliments, Sarah en fut très émue. Dans ses magnifiques yeux bleus, elle y voyait de l'admiration. Elle n'aurait jamais cru qu'il deviendrait son plus grand fan. Après avoir passé un moment riche en émotions, ils abordèrent d'autres sujets. Alexander était quelqu'un de très intéressant avec qui Sarah pouvait parler de tout sans se prendre la tête. Elle appréciait énormément sa compagnie. A son grand étonnement, elle lui proposa même de passer plus de temps avec elle. Ils se donnèrent alors d'autres rendez-vous.
Les mois suivants, ils mangèrent dans des restaurants, firent des parties de bowling, allèrent à la patinoire et se rendirent au cinéma. A chaque fois qu'Alexander s'absentait pour son travail pendant plusieurs jours, Sarah ressentit un énorme vide autour d'elle. Elle s'ennuyait et s'était habituée à lui. Ils se voyaient au moins trois fois par semaine. Quand elle était avec lui, elle oubliait même ses soucis. Elle passait son temps à rire. Cet homme avait de l'humour et un grand savoir-vivre. Elle ne pouvait plus se passer de lui, il était devenu très important à ses yeux. Elle se faisait toujours belle pour lui, mais elle continuait de nier ses sentiments. Et ce fut autour d'une table de restaurant, un soir de novembre, qu'Alexander lui avoua les siens. Sous la panique, Sarah abandonna son assiette et prit la fuite. Alexander tenta de la rattraper dans la rue. Malheureusement, il ne courut pas assez vite, elle réussit à s'enfiler dans le métro juste avant que les portes se referment. Il fit demi-tour, régla la note du restaurant et rentra chez lui avec le moral dans les chaussettes.
Je ne dois pas tomber amoureuse d'un autre. Je ne peux pas remplacer Lucas, se dit Sarah dans sa tête. En voulant rester fidèle à son défunt mari, elle ne se rendit même pas compte qu'elle renonçait à une seconde chance d'être heureuse en couple. Par contre, elle prit conscience qu'elle avait sans doute fait du mal à Alexander. Leur amitié pourrait bien se terminer. Des larmes coulèrent sur son visage. Elle ne supporterait pas de le perdre. Elle eut soudainement très peur. Ça ne pouvait pas se terminer comme ça entre eux. Elle décida donc de l'appeler pour au moins s'excuser. Au bout de cinq sonneries, elle perdit espoir de l'avoir au téléphone et s'apprêta à raccrocher.
- Allo? fit une voix à moitié endormie.
- Alexander ? C'est Sarah ! se récria la jeune femme le cœur emballé.
- Tu veux encore me parler ? demanda-t-il surpris.
- Bien sûr que oui. Je n'aurais jamais dû prendre la fuite. Je tiens à m'excuser.
- Je te pardonne. Ce n'est pas grave.
- C'est juste que j'ai pris peur. Je ne m'y attendais pas. C'était si soudain...
Elle n'aurait jamais pensé qu'un homme aussi séduisant que lui, puisse tomber amoureux d'une femme comme elle. Elle l'aurait plutôt vu avec une hôtesse de l'air au corps bien foutu.
- Et j'ai encore du mal de remplacer Lucas, avoua-t-elle. J'ai l'impression de le trahir.
- Je ne pense pas, répondit Alexander. Il voudrait certainement que tu refasses ta vie avec un autre homme. Tu as le droit au bonheur et à l'amour.
Lucas aurait même voulu qu'elle se remarie. Alexander avait bien cerné sa personnalité sans l'avoir rencontré dans sa vie. Alors Sarah abandonna toute résistance, puis lui avoua ses sentiments. Ils se mirent en couple et dès le lendemain matin, ils passèrent du temps à s'embrasser. Sarah eut l'impression d'être au septième ciel quand ils firent l'amour. Plus rien n'existait autour d'eux et leurs corps ne faisaient plus qu'un.
Vers la fin décembre, ils mirent au courant David de leur relation amoureuse. Le jeune garçon sauta de joie. Il adorait Alexander et passait beaucoup de temps avec lui. C'était comme si la vie lui avait offert un second père. Ce soir-là, Sarah put s'endormir comme une princesse dans les bras musclés de son petit ami, persuadée d'avoir trouvé la perle rare.
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Survivre après Auschwitz
Ficción históricaSarah Dreyfus, jeune juive, se fait déporter à Auschwitz après dénonciation. Dans ce camp, elle va y vivre l'enfer. Sa vie ne tient qu'à un fil et elle n'en sortira pas indemne. A sa libération, elle devra continuer à vivre avec toute cette horreur...