Chapitre 33

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N'étant plus toute jeune, Sarah vécut une grossesse plus compliquée que les précédentes. Elle eut des contractions précoces et dut être hospitalisée à plusieurs reprises. Au sixième mois, elle n'en pouvait déjà plus. Il lui arrivait même de pleurer tous les soirs. Elle s'en voulait terriblement d'être tombée enceinte. Non seulement, elle souffrait physiquement et moralement, mais aussi, elle devait affronter seule cette épreuve difficile. Elle n'avait pas revu Alexander depuis qu'elle l'avait mis à la porte. Il n'était donc pas au courant pour sa grossesse. Et s'ils venaient à se croiser dans la rue, Sarah lui ferait croire qu'elle le trompait pendant ses vols. Elle refusait que son bébé ait un père nazi. Elle avait dû mettre au courant David du passé de son ex pour qu'il arrête de le plaindre. Aujourd'hui, elle tenta de se changer les idées en travaillant à la librairie. Elle se tint plusieurs fois le ventre, son bébé n'arrêtait pas de lui donner des coups. Certains la plièrent en deux. David et Rose n'avaient jamais été aussi violents. Ce bébé devait malheureusement ressentir qu'il n'était pas le bienvenu. Sarah lâcha subitement les livres qu'elle avait dans les mains, puis s'effondra en larmes. Ce genre de réaction revenait trop souvent à son goût. Elle en avait vraiment marre.

Sarah arriva au terme de sa grossesse au mois d'août. Elle se sentait énorme, le bébé faisait quatre kilos et on aurait dit que son ventre allait éclater comme un ballon. Elle eut du mal de se déplacer dans l'appartement, par conséquent, elle resta alitée dans son lit. Elle avait vécu la même chose quand elle était enceinte de David. Et l'accouchement s'était mal déroulé, elle avait même failli mourir. Elle pria pour que ça se passe mieux cette fois-ci. Plusieurs contractions vinrent l'enquiquiner dans la matinée, elle n'en fit pas vraiment attention. Cela faisait plusieurs mois qu'elle en avait. Elle ne voyait pas l'intérêt de paniquer. David vint vers elle, l'air un peu gêné.

- As-tu besoin de moi maman ? demanda-t-il un peu stressé.

- Non pourquoi ? questionna Sarah intriguée.

- J'aimerais aller au cinéma avec Paul.

- Ben vas-y ! Ne te prive pas pour moi. Je vais sûrement faire une sieste.

David sortit de l'appartement en claquant la porte. Une demi-heure après son départ, Sarah fut prise d'une violente contraction et perdit les eaux dans son lit. Toute paniquée, elle tenta de sortir de sa chambre. Mais une deuxième contraction lui fit perdre l'équilibre et elle se retrouva au sol, pliée en deux. Elle ne put pas se relever. Elle se traîna jusqu'au téléphone, puis l'attrapa avec difficulté.

- Eli ? C'est Sarah. J'ai besoin d'aide, lâcha-t-elle faiblement.

Son ami décela une pointe de peur dans sa voix.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il inquiet.

- J'ai perdu les eaux. Je vais accoucher, expliqua Sarah.

- J'arrive tout de suite ! Ne t'inquiète pas !

Lorsqu'Eli arriva dans l'appartement, il fut terrifié par l'expression du visage de la jeune femme. Ses contractions la faisaient vraiment souffrir. Il la porta avec difficulté jusqu'à sa voiture et prit aussitôt le volant. Il conduisit aussi vite que possible au milieu de la circulation. Ils arrivèrent en vingt minutes à l'hôpital. Pris de panique, Eli entra dans le bâtiment.

- Il me faut un médecin. Mon amie va accoucher, cria-t-il.

Sarah ne put ni parler, ni marcher. Plusieurs infirmiers l'aidèrent à sortir de la voiture et l'installèrent dans un fauteuil roulant. Ils l'emmenèrent directement en salle de travail. Sarah gémit de douleur quand ils la hissèrent sur la table d'accouchement. Le gynécologue l'ausculta.

- Le bébé arrive déjà, annonça-t-il satisfait.

Sur ce, il ordonna à Sarah de pousser. Sous les yeux effrayés d'Eli, elle émit un hurlement épouvantable. La tête du bébé passa avec difficulté. Elle faillit perdre connaissance à force de pousser. Elle vécut un grand moment de torture. Le bébé fut tellement gros qu'il mit du temps à sortir complètement. Lorsqu'il fut né, Sarah n'eut plus du tout de force. Elle pleura de soulagement. Le médecin posa son fils sur son ventre avant de couper le cordon. Ce dernier avait les traits d'Alexander et les cheveux bruns de sa mère. Pour l'instant, ses yeux étaient bleus, mais cela pouvait encore changer en grandissant. Sarah l'appellerait Vincent. Le médecin coupa le cordon, et une infirmière prit le bébé pour sa toilette. On emmena Sarah dans une chambre pour qu'elle puisse se reposer. Avant de partir, Eli lui posa une question qui le perturbait depuis le début de l'accouchement :

- Où est Alexander ? C'est lui qui aurait dû t'emmener à l'hôpital.

- Il n'est pas au courant pour le bébé, expliqua Sarah. On s'est séparé avant.

- Ah bon ? Mais pourquoi ne l'as-tu pas mis au courant ? C'est quand même son fils !

- J'ai fouillé dans ses affaires en cachette. C'est un nazi ! Il a travaillé à Auschwitz. Je ne veux pas que mon bébé le connaisse. Encore en plus, le père d'Alexander était aussi SS à Auschwitz. Il s'appelait Erich Muller.

Eli ne s'attendait pas à cette réponse. Il en fut bouleversé. Alexander leur avait caché ce terrible secret depuis le départ. Il les avait trompés. Il ne pouvait pas aimer ses propres ennemis. Encore en plus, Eli avait connu son père à Auschwitz, ce dernier lui avait coupé les testicules. Il en était resté traumatisé. Il était hors de question qu'il pardonne à Erich pour cet acte de barbarie qui l'avait rendu stérile à vie. Et il mit Alexander dans le même sac que lui. Sans un mot, il sortit de l'hôpital avec un regard rempli de haine pour ce nazi qui s'était entichée de son amie Juive. Il se rendit aussitôt à son domicile. Après avoir frappé plusieurs fois à la porte, il attendit avec impatience que cet imbécile lui ouvre. Son poing gauche fut prêt à l'accueillir. Les minutes s'écoulèrent et il ne perçut aucun mouvement de l'autre côté de la porte. Alexander travaillait sûrement. Eli n'eut vraiment pas de chance. Il frappa maintenant à la porte de son voisin pour lui demander un renseignement.

- Bonjour madame, dit-il à la vieille dame qui l'accueillit.

- Bonjour monsieur. Que voulez-vous ? Si c'est pour une pub, vous pouvez partir.

- Je suis un ami d'Alexander. J'aurais voulu lui faire une surprise, mais il ne m'a pas ouvert la porte. Savez-vous quand il rentrera ?

- Bien sûr oui. On discute souvent. Il rentrera demain matin de Berlin.

- Merci beaucoup. Je repasserai demain matin. Mais ne lui dites rien. C'est une surprise !

- D'accord, je garderai le secret. Au revoir.

La porte se referma devant Eli. Il rentra chez lui, furieux de devoir repousser sa visite au lendemain. Il passa sa soirée à boire de l'alcool pour calmer ses nerfs, mais ce fut plutôt l'effet inverse qui se produisit. Il éprouva encore plus de haine contre Alexander. En regardant le fusil de chasse de son père, il eut des envies de vengeance. Sarah n'avait pas mérité de se faire manipuler et engrosser par cette ordure. Les Juifs et les autres ennemis du régime nazi n'auraient jamais dû être assassinés par les Muller. En hommage de toutes ces pauvres victimes, Eli se fit la promesse de s'occuper de ce psychopathe.

Le lendemain matin, il attendit avec impatience sa cible devant son appartement. Il avait caché le fusil derrière l'angle du mur. Alexander ne tarda pas à arriver avec sa valise. Il portait encore l'uniforme. Il fut surpris de voir Eli.

- Bonjour, lui dit-il avec le sourire.

Eli semblait bizarre. Il empestait l'alcool et son regard ne lui ressemblait pas. Alexander vit de la haine dans ses yeux.

- Sarah t'a mis au courant, conclut-il.

- Va brûler en enfer, sale nazi ! cracha Eli en sortant son fusil.

Les yeux d'Alexander s'écarquillèrent de surprise. Il n'eut pas le temps de prendre la fuite, le coup partit et la balle lui perfora le ventre. Il tomba à la renverse. Son uniforme se tâcha de sang. Il perdit rapidement connaissance. Pris de remords, Eli retourna l'arme contre lui.




Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant