Chapitre 42

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Trois années s'étaient écoulées. Nous étions maintenant en 1973. A l'âge de quarante huit ans, Alexander s'absentait beaucoup pour son travail. Les gens voyageaient de plus en plus. Sarah se retrouvait souvent seule avec ses enfants. Elle avait maintenant quarante cinq ans. Elle avait ralenti son rythme de travail pour pouvoir s'occuper de ses deux petits derniers. Elle avait arrêté de témoigner dans les écoles. Elle ne pouvait plus se permettre de voyager dans les régions. A trois ans, Emma lui causait beaucoup de soucis. Elle était pourrie gâtée par son père et faisait vivre l'enfer à sa mère avec ses caprices. Heureusement que Vincent, âgé de cinq ans, n'était pas comme ça, sinon Sarah aurait déjà pété les plombs depuis longtemps. David l'aidait de temps en temps, mais il était pas mal pris par la fac de médecine. Il avait dix huit ans. Il grandissait trop vite. Aujourd'hui, ce fut un jour de congé pour Sarah, Vincent et Emma. Ils en profitèrent pour faire des courses dans une supérette. Fidèle à elle-même, Emma commença à faire des caprices.

- Je veux une poupée, réclama-t-elle.

- Non. Tu en as déjà plusieurs, refusa Sarah.

- Elles s'abîment à force.

- Tu n'en prends pas soin. Tu ne mérites pas une nouvelle poupée.

- Tu es méchante. Je le dirai à papa. Il me l'achètera !

Sarah fut habituée à ce genre de réponse. Elle savait très bien qu'Alexander irait chercher cette poupée quand il rentrerait à la maison. Il n'arrivait pas à lui dire non. Par conséquent, le comportement de leur fille ne s'arrangerait pas et Sarah se ferait encore passer pour la méchante. Emma provoquait souvent des disputes dans le couple. Alexander la défendait tout le temps. Il ne fallait pas dire un mot à sa petite princesse. Des fois, Sarah eut presque envie de partir en vacances avec ses fils et de les laisser seuls à la maison. Comme ça, Alexander ouvrirait enfin les yeux sur leur fille.

- Je veux des gâteaux, continua Emma imperturbable.

Sarah ignora ce caprice. Si elle répondait, elle se prendrait encore des remarques blessantes. Elle termina ses courses en vitesse sous les pleurs de la fillette. Les gens les regardèrent comme des pestiférés.

- Elle devrait mettre une gifle à sa gamine, fit remarquer une dame à son amie.

Sarah fut incapable de faire une chose pareille à sa fille. Pourtant, tous les parents l'auraient fait à sa place. Cela faisait partie de l'éducation des enfants. Mais Sarah le voyait plutôt comme un acte de violence. A Auschwitz, les prisonniers en souffraient.

- Ils partent enfin du magasin. On va être au calme, lâcha une veille dame soulagée.

Sarah ne se retourna pas. Elle se sauva en vitesse avec ses enfants et ses courses. A midi, elle servit du jambon et des haricots verts. Emma qui n'aimait pas les légumes, retourna son assiette sur la table.

- Je veux des patates, pleurnicha-t-elle.

- Tu n'auras rien d'autre, se fâcha Sarah.

- Je dirai à papa que tu ne me donnes pas à manger le midi.

Sarah finit par lui faire des patates. Si elle ne cédait pas à ce genre de caprice, Emma ne mangerait plus du tout et tomberait très malade. La mère de famille faisait quand même passer la santé de ses enfants avant le reste. Vincent regarda sa petite sœur d'un air écœuré. Il la supportait de moins en moins. Ils se chamaillaient souvent à cause des jouets. Sa petite sœur lui prenait tout.

Le restant de la journée fut un vrai désastre. Emma refit encore des siennes. Comme à chaque fois, Sarah et Vincent ne purent pas profiter de ce jour de congé. Ils avaient hâte de reprendre le travail et l'école.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant