Chapitre 27

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Les rescapés d'Auschwitz se réunirent dans un bar de Cracovie. Sarah fut la première à raconter son histoire. Ils versèrent tous des larmes lorsqu'elle parla de Drancy, de sa déportation et de son séjour au camp d'extermination. Ensuite, ce fut le tour d'Hanna Berg, une femme rousse âgée de quarante cinq ans, de prendre la parole :


- Avant Auschwitz, j'ai été au camp français de Pithiviers. Nous étions répartis dans des baraques en bois. Ces dernières étaient bondées. Au moins 2 000 personnes. Certains dormaient sur des châlits à étages, recouverts de paille, et d'autres parterre, par manque de place. Nous mourrions de faim et de soif. Nous faisions nos besoins comme des bêtes. Des enfants pissaient dans leur culotte et se vomissaient dessus. La situation sanitaire était catastrophique. Des maladies contagieuses apparaissaient. Les malades étaient transférés à l'hôpital. Nous souffrions de l'isolement. Nous étions enfermés comme du bétail entre ces barbelés, surveillés par des gendarmes français. Au fil du temps, pour supporter le quotidien et s'occuper l'esprit, nous organisions des jeux et des représentations théâtrales. Mais ce qui m'avait le plus marqué dans ce camp, c'était la séparation des familles. Ils envoyaient les adultes à Auschwitz avant les enfants. Ces pauvres petits se retrouvaient seuls à Pithiviers pendant plusieurs jours. Ils se sentaient déprimés et abandonnés. J'entends toujours leurs cris de déchirement.

Ses larmes l'empêchèrent de continuer son récit. Elle n'aborda pas Auschwitz. Elle restera longtemps traumatisée par son passage à Pithiviers. Maintenant, les rescapés écoutèrent Adam Cohen, un homme de cinquante deux ans, qui avait travaillé dans le Sonderkommando.

- Je voyais d'abord les femmes et les enfants entrer dans les vestiaires de la chambre à gaz. Ils se déshabillaient sous nos ordres, de manière très calme. Ils ne pensaient pas qu'ils allaient mourir. Je donnais des coups de main aux personnes qui me le demandaient. J'avais envie de leur dire de se rebeller, mais je ne pouvais pas le faire. On allait aussi bien tous mourir. Les femmes et les enfants pouvaient s'asseoir sur un banc. Ils suspendaient leurs vêtements après des crochets. Ensuite, ils s'installaient dans la chambre à gaz. On faisait maintenant entrer les hommes dans les vestiaires. L'ordre d'entrée avait son importance. On faisait d'abord entrer les femmes et les enfants sous forme d'otages pour empêcher les hommes de se rebeller. La chambre à gaz était déjà pleine. Les chiens des SS obligeaient les dernières personnes à y entrer. Puis la porte se refermait sur ces pauvres malheureux. Les allemands attendaient qu'il fasse au moins vingt sept degré dans la chambre pour libérer le gaz. La chaleur le rendait plus efficace. La température étant atteinte, le Dr Mengele donnait le feu vert. Un SS montait sur le toit avec un masque sur le visage et versait le contenu de la boite par la trappe. J'entendais maintenant les hurlements de terreur, de désespoir et de panique de ces pauvres gens. Ils essayaient de défoncer la porte pour pouvoir sortir. C'était le grand vacarme. Ensuite le grand silence. Le Dr Mengele regardait par l'oculus de la porte et déclarait leurs morts.


Son témoignage bouleversa tout le monde. Les larmes aux yeux, Sarah se demanda comment il avait fait pour survivre à ça. Adam poursuivit son témoignage :


- On devait ramasser et fouiller les vêtements des personnes qui venaient de se faire gazer. Si on trouvait de l'argent, de l'or ou des pierres précieuses, on les remettait aux allemands. Lorsqu'on ouvrait la porte de la chambre à gaz, on découvrait une pile de cadavres. Ils étaient morts la bouche ouverte et les yeux en sang. Leurs corps étaient gonflés et couverts d'excréments. Ces pauvres gens avaient expulsé leurs organes. Leurs peaux étaient en cloque ou en sang. On enlevait les cadavres pour les emmener vers les coiffeurs et les dentistes. Les cheveux étaient rasés, les allemands les vendaient. Et les dents en or étaient arrachées. Ensuite, on emmenait les corps aux fours crématoires. On nettoyait aussi la chambre à gaz pour faire disparaître le sang, les organes et les excréments. Je ne me suis plus considéré comme un être humain. J'étais devenu complice de ce grand massacre. Depuis Auschwitz, j'ai fait plusieurs tentatives de suicide. Certains de mes camarades s'étaient même jetés dans les flammes du four crématoire.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant