Chapitre 29

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L'année 1967 venait de commencer. Les passagers du vol à destination de New York franchirent le contrôle de sécurité, puis se dirigèrent vers la porte d'embarquement. Sarah et David furent les derniers à entrer dans l'avion. Ils s'installèrent sur des sièges peu confortables de la classe économique. Mais cela ne les empêcha pas d'être enthousiasmés par leurs vacances à New York, loin de l'école, de la librairie et d'Auschwitz. Le commandant de bord prit le micro pour se présenter et leur souhaita un bon vol.

- Alexander Muller, répéta David. Ce n'est pas un nom français !

- Effectivement ! confirma Sarah.

L'avion s'éloigna de la zone d'embarquement et se dirigea vers la piste pour le décollage. Tout le monde mit sa ceinture. Sarah ressentit du stress lorsque l'appareil prit de l'altitude.

- Trop bien ! fit David excité. Je vais bientôt voir la Statue de la Liberté.

Agée de trente neuf ans, Sarah eut l'impression d'être une grande froussarde. Son fils de douze ans se montrait plus courageux qu'elle. L'avion atteignit son altitude de croisière, tout le monde se détacha. Les hôtesses et les stewards servirent le petit-déjeuner aux passagers. Sarah put enfin se détendre. Elle opta pour des œufs brouillés accompagnés de saucisses. Tandis que son fils mangea des céréales. Quelques minutes plus tard, ils bouquinèrent. Sarah releva seulement la tête de son livre lorsque le commandant de bord entra dans la cabine. Leurs regards se croisèrent, la jeune femme en fut déstabilisée. Il était différent des autres hommes. Ses cheveux noirs brillants et ses yeux bleus couleur océan contrastaient avec son visage aux tons clairs. Il avait le regard pénétrant, on pouvait s'y perdre facilement si on le fixait trop longtemps. Son sourire dégageait une énergie chaleureuse et illuminait ceux qui l'entouraient. Sous son uniforme, on remarquait les courbes de ses muscles. Sarah tomba rapidement sous son charme, son cœur tambourina contre sa poitrine. Elle fit involontairement tomber son livre sur les pieds du commandant de bord.

- Oups, lâcha-t-elle toute gênée. Je suis vraiment désolée.

- Je me doute bien que vous ne l'ayez pas fait exprès, rigola le commandant de bord. Vous avez sans doute encore besoin de moi pour faire atterrir l'avion.

Il ramassa le livre et le lui rendit.

- Merci, répondit timidement Sarah.

Elle ne put s'empêcher de rougir.

- Vous êtes de quelle origine ? demanda soudainement David intrigué. Alexander n'est pas un prénom français.

- David ! protesta Sarah. Ça ne te regarde pas !

- Laissez le donc s'exprimer, supplia Alexander. Ça ne me dérange pas d'y répondre. Je suis d'origine allemande.

Le visage de Sarah blêmit. Cet homme de quarante deux ans était allemand et il osait leur adresser la parole alors que son pays avait assassiné la plupart des Juifs. Elle se montra très vite désagréable avec lui.

- Nous souhaitons être tranquilles pour lire, informa-t-elle sur un ton venimeux.

- Je vais vous laisser tranquille, lâcha Alexander surpris par ce changement d'humeur.

- Tout de suite !

A la fois déçu et blessé, Alexander les salua avant de disparaître au fond de la cabine. David ne comprit pas la réaction de sa mère et lui posa la question :

- Pourquoi l'as-tu chassé ?

- C'est un allemand ! Je refuse qu'il nous adresse la parole ! grommela Sarah. C'est déjà scandaleux qu'on le laisse piloter un avion dans une compagnie française.

David fut choqué par sa réponse.

- Mais maman ! Les allemands ne sont pas tous méchants. Ce ne sont pas tous des assassins ! Ils n'ont pas tous tué ta famille.

David avait beau lui faire la leçon de morale, sa mère refusait de revenir sur le sujet. Il ne lui adressa plus la parole jusqu'à l'atterrissage. Il lui en voulait d'avoir gâché la conversation avec le pilote.

L'avion venait d'atterrir à l'aéroport de New York. Les passagers récupérèrent leurs bagages sur le tapis roulant et traversèrent le hall du grand bâtiment. David n'avait toujours pas adressé la parole à sa mère. Lassée par cette mauvaise ambiance, elle finit par lui poser la question :

- Tu vas encore me bouder ?

- Oui, répondit David. Tu rejettes un allemand alors qu'il n'a pas assassiné ta famille. Tu es méchante et injuste. Je te signale que les nazis ont tué des familles allemandes. Donc en Allemagne, ils ne sont pas tous coupables ! Ne rejette pas une personne à cause de son origine comme les nazis l'ont fait, sinon tu deviendras un jour comme eux.

Son fils avait raison. Il était même plus intelligent qu'elle. Sarah finit par s'excuser pour son comportement et lui promit de ne plus rejeter les allemands. Soulagé, son fils décida de lui pardonner. Ils entrèrent dans la ville de New York. Ils furent impressionnés par la hauteur des gratte-ciel. Ça donnait même le tournis. Le soleil se coucha, Sarah et David se rendirent rapidement à l'hôtel. Leur chambre était spacieuse. De la moquette verte recouvrait le sol. Il y avait deux lits en bois. Les draps marrons contrastaient avec la couleur crème des murs. Chaque lit avait sa propre table de nuit où se tenait une grande lampe avec abat-jour à franches. David et Sarah mangèrent un sandwich au bacon et aux crudités qu'il savaient acheté à un stand le long de la route, puis ils se couchèrent de très bonnes heures. Ils étaient épuisés.

Ils passèrent une semaine à New York. Ils visitèrent la Statue de la Liberté. Ils se baladèrent dans Central Park et sur le pont de Brooklyn pour admirer le port. Ils montèrent aussi au sommet de l'Empire State Building. La vue offrait un panorama sur toute la ville. Et pour terminer la semaine, ils firent les boutiques, assistèrent à un match de hockey et regardèrent un spectacle de Broadway.

A l'aéroport, il eut un gros problème. Il ne restait plus qu'une place de disponible dans l'avion. Un billet en trop avait été vendu. Ne voulant pas se séparer, Sarah et David prendraient le prochain avion qui décollerait le lendemain. La jeune mère piqua quand même une grosse colère. La compagnie aérienne rattrapa son erreur en leur payant l'hébergement. Sarah et David quittèrent l'aéroport. Un taxi vint les chercher et les déposer devant l'hôtel. Ce dernier fut plus luxueux que le précédent, seuls les riches pouvaient se permettre de le fréquenter. La compagnie aérienne versait beaucoup d'argent pour se faire pardonner. Les couloirs de l'hôtel étaient immenses. Il y avait des énormes lustres au plafond. Un long tapis rouge recouvrait le sol et les murs blancs éclaircissaient toutes les pièces du bâtiment. David et Sarah entrèrent dans leur suite, comprenant une chambre, un salon et une salle de bain. Ils déposèrent leurs valises derrière la porte d'entrée, puis ils sortirent faire quelques achats dans la supérette du coin. De retour à l'hôtel, ils mangèrent des gâteaux devant la télévision. Ils se couchèrent seulement à minuit pour une courte nuit de sommeil.



Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant