Sarah se leva à 5 h 30 pour avoir le temps de prendre sa douche et d'avaler un café. Ainsi, elle serait bien réveillée quand elle arriverait à l'aéroport. Après avoir bu son café, elle secoua David, encore endormi, sous la couette.
- Pourquoi faut-il se lever aussi tôt ? se plaignit-il.
- Parce qu'on doit prendre l'avion, répondit Sarah en l'embrassant sur le front.
David finit par se lever et se préparer. Tandis que Sarah rangèrent leurs dernières affaires dans leurs valises. Il était maintenant l'heure de partir. Ils quittèrent l'hôtel en remerciant l'hôtesse pour son accueil, puis ils prirent un taxi. Ils arrivèrent rapidement à l'aéroport. Une fois passés le contrôle de sécurité, ils déposèrent leurs valises sur le tapis roulant et suivirent les autres passagers jusqu'à la porte d'embarquement. Ils furent maintenant installés dans l'avion. Un couple et des enfants s'assirent devant eux, David put se faire des amis. Une heure plus tard, l'avion s'apprêta à décoller. Le commandant de bord prit le micro pour se présenter et leur souhaita un bon vol. Sarah fut en totale panique. C'était Alexander Muller qui pilotait l'avion. A tout moment, il pouvait débarquer dans la cabine. Elle ne s'était pas du tout préparée à ça. Son rythme cardiaque s'accéléra. L'avion décolla de la piste sans qu'elle ne s'en aperçoive.
Au bout d'une heure de vol, le commandant de bord sortit du cockpit. Il traversa la classe économique et croisa à nouveau le regard de la jeune femme. Tentant de l'ignorer, il continua sa route.
- Commandant ! appela-t-elle toute gênée.
Surpris, il fit demi-tour vers elle, tout en espérant qu'elle soit de bonne humeur.
- Je tenais à m'excuser de vous avoir rejeté l'autre jour, lâcha Sarah la voix toute tremblante.
- Je vous pardonne. Mais pourquoi m'avez-vous rejeté ? Parce que je suis allemand ?
- Oui désolée. Dans ma tête, je n'ai pas trop fait la différence entre un homme du peuple allemand et un nazi. Pour moi, vous étiez tous des assassins en Allemagne. Nous étions Juifs et nous avions été déportés à Auschwitz. Là-bas, nous avions vécu l'enfer. Ma famille est morte à cause des nazis. J'ai énormément souffert. J'en veux terriblement aux gens de votre pays.
Elle eut un rire hystérique.
- Pourtant je devrais aussi en vouloir aux français. Beaucoup ont collaboré avec les allemands, reprit elle.
- C'est moi qui suis désolé pour vous, répondit enfin Alexander. Je comprends parfaitement votre haine contre le peuple allemand. Moi-même, j'en ai honte. Les nazis ont fait des choses horribles dans les camps d'extermination. Mais aussi dans certaines communes. Avez-vous déjà entendu parler du massacre de Oradour-Sur-Glane ?
- Non. Pourquoi ? Que s'est-il passé ?Alexander lui raconta toute l'histoire :
- Le 10juin 1944, les Allemands arrivaient à Oradour-sur-Glane, une commune du département de la Haute-Vienne. Le garde champêtre demandait à tous les habitants de se rassembler sur la place du Champ-de-Foire située à l'intérieur du village. Ils devaient être munis de leurs papiers pour une vérification d'identité. Les SS se rendaient dans toutes les maisons, obligeant tout le monde à se rendre sur le lieu de rassemblement. Même les malades devaient y aller. Ils les menaçaient avec une arme pour les faire sortir de chez eux. Ceux qui n'obéissaient pas aux ordres, se faisaient fusiller. Une fois les habitants rassemblés, les SS les séparaient en deux groupes : d'un côté les femmes et les enfants, de l'autre les hommes. Ils emmenaient les 180 hommes de plus de quatorze ans dans les six lieux différents : granges, cours, remises. Et ils leur tiraient dans les jambes. Ils recouvraient ensuite les corps de fagots et de bottes de paille avant d'y mettre le feu. Les hommes étaient brûlés vifs. Il n'eut malheureusement que six rescapés, dont Robert Hébras. Les SS emmenaient les femmes et les enfants dans l'église. Ils essayaient de faire s'effondrer la voûte par une charge explosive, mais leur plan échouait. Ils fusillaient alors les femmes et les enfants sans vraiment les tuer. Ensuite, ils jetaient de la paille, des fagots et des chaises sur eux avant d'y mettre le feu. Les femmes et les enfants étaient brûlés vifs. Seule Marguerite Rouffanche réussissait à s'échapper de l'église. A l'extérieur, un SS lui tirait dessus. Malgré ses blessures, elle fut la seule rescapée de l'église sur les 350 femmes et enfants de moins de quatorze ans.
Un village détruit en quelques heures seulement... Il n'y avait pas de mot pour décrire l'horreur que Sarah ressentait en ce moment. Brûler vif des personnes, était un acte de barbarie commis par des créatures du Diable. Un être humain sain d'esprit n'aurait jamais eu l'idée de faire une chose pareille. Sarah versa quelques larmes. Les victimes avaient souffert avant de mourir et les survivants devaient vivre avec ces horribles souvenirs. Comment pouvait-on dormir tranquille après ça ?
- Mon père avait vu des SS brûler vif des enfants à Auschwitz, souligna Sarah. J'aurais dû m'en douter que ces assassins le faisaient aussi ailleurs.
- Je suis désolé pour votre père, lui dit Alexander en lui essuyant les larmes avec son doigt.
- Vous devriez lire le livre de ma maman, conseilla David. C'est sur la vie de son père à Auschwitz.
Sarah fut surprise qu'il ait entendu leur conversation alors qu'il discutait avec d'autres enfants.
- Ah bon ? Elle écrit ? fit Alexander impressionné.
- Oui, confirma David. Elle a écrit deux livres sur Auschwitz.
Il lui fit un résumé de son premier roman. Sarah se sentit soudainement gênée. Elle n'aurait jamais cru que son fils lui ferait de la publicité. Maintenant, cet officier la verrait comme une grande autrice. Et non comme une femme. Son cœur tambourina contre sa poitrine quand elle l'entendit questionner David sur son nom d'auteur. Il semblait vraiment s'intéresser à ses romans. Il fit même la promesse de les acheter. Sarah se mit à rougir.
- Après les avoir lus, je viendrai vous voir dans un salon pour vous réclamer un autographe, lui dit-il sur un ton très affectueux.
Il comptait la revoir, elle en fut fortement touchée. Elle eut des papillons dans le ventre et se trouva stupide de réagir comme ça alors qu'elle n'était pas amoureuse de cet homme. Dans sa tête, elle ne remplacerait jamais Lucas.
- Vous pouvez acheter ses romans dans sa librairie à Paris. Comme ça, vous vous verrez plus tôt que prévu, suggéra David sans aucune gêne.
Sarah le foudroya du regard. Décidément, elle allait devoir apprendre à son fils à s'occuper de ses affaires. Après avoir longtemps hésité, elle donna quand même le nom de sa librairie à Alexander. Ce dernier le nota dans son carnet et dut malheureusement regagner son poste. Il leur souhaita un bon retour à Paris avant de s'en aller avec regret. Vers la fin du vol, Sarah trouva le temps long. Elle avait essayé de lire, mais le manque de concentration l'avait empêché de continuer. Elle avait l'esprit ailleurs depuis le départ du pilote. Elle n'arrivait pas à se l'enlever de la tête. Cet homme attirait les gens comme des aimants. Sexy comme il était, il devait enchaîner les conquêtes féminines. Sans vraiment comprendre sa réaction, Sarah fut agacée par ce genre de pensée. Alors elle sortit une photo de Lucas de son portefeuille pour effacer l'image du pilote. Il était hors de question qu'elle l'oublie et qu'elle le remplace par quelqu'un d'autre. Personne ne pouvait rivaliser avec son défunt mari. Une hôtesse de l'air prit le micro, puis annonça la fin du vol. Les passagers devaient s'attacher. L'avion perdit de l'altitude et se dirigea vers la piste d'atterrissage. Sarah ferma les yeux, elle détestait ce moment-là. Elle préférait encore décoller. L'atterrissage se déroula sans complications, elle put enfin souffler. Les passagers sortirent de l'avion et récupérèrent leurs bagages sur le tapis roulant. David et Sarah quittèrent l'aéroport sans perdre de temps. Ils avaient hâte de rentrer chez eux pour se reposer.
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Survivre après Auschwitz
Historical FictionSarah Dreyfus, jeune juive, se fait déporter à Auschwitz après dénonciation. Dans ce camp, elle va y vivre l'enfer. Sa vie ne tient qu'à un fil et elle n'en sortira pas indemne. A sa libération, elle devra continuer à vivre avec toute cette horreur...