Chapitre 53

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Les années passèrent, nous étions maintenant en 2015. Il y eut encore du changement dans la famille. A l'âge de vingt neuf ans, Lucas était devenu médecin généraliste. Il travaillait dans le même cabinet médical que son père. Ce dernier venait de fêter ses soixante ans. Il était toujours amoureux de Charlotte. Marie avait vingt-et-un an, elle exerçait le métier de danseuse professionnelle. Elle avait un immense talent et elle dansait sur les plateaux de télévision. De son côté, Vincent, âgé de quarante sept ans, vivait toujours avec Benjamin. Le couple s'était marié en2013. Il travaillait toujours chez Air France. Chloé passait beaucoup de temps avec les deux hommes. Aujourd'hui, elle ne supportait plus sa mère qui continuait de haïr son père en essayant de la monter contre lui. A onze ans, Chloé ne se laissait plus influencer. Elle s'était jurée de devenir une bonne personne jusqu'à la fin de sa vie. Quant à William et à Sarah, ils vieillissaient de plus en plus. Ils se rendaient au club du troisième âge pour se passer le temps. Ils buvaient du café et jouaient à des jeux de société. Sarah avait quatre vingt sept ans et William quatre vingt. En voyant leur famille s'épanouir, ils pensaient que cette année 2015 se passerait plutôt bien. Mais malheureusement, ce ne fut pas vraiment le cas avec les attentats de Paris, le 7 janvier à Charlie Hebdo et le 13 novembre au Bataclan. Sarah n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse encore tuer des innocents après Auschwitz. Elle pleura pour ses enfants parisiens à chaque attentat. Elle fut aussi marquée par le crash de l'avion allemand dans les Alpes le 24 mars. Le copilote Andreas Lubitz s'était suicidé en entraînant avec lui le personnel et les passagers. Il y avait de quoi avoir peur dans ce monde de fou. Sarah se sentit à nouveau menacée.

- Tu es trop sur les nerfs, constata William sur un ton triste. Tu devrais te couper des médias.

- Ça ne servirait à rien, répliqua Sarah. Tout le monde en parle dans la rue.

- Alors change toi un peu les idées en lisant des bouquins.

Sarah suivit son conseil. Elle prit un livre de Marie-Bernadette Dupuy, une autrice de saga, et commença à lire les premières lignes. Elle fronça les yeux.

- Que se passe-t-il ? questionna William intrigué.

- Je ne vois plus très bien les lignes avec mes lunettes, soupira Sarah désespérée.

- Ta vue a certainement baissé.

- Oui. Je vais prendre rendez-vous vers un ophtalmologue.

Quand elle passa ses coups de téléphone, aucun cabinet ne put la prendre dans les prochains mois. Ils étaient tous surchargés. Malheureusement, Sarah ne pourra pas changer ses lunettes avant la fin de l'année 2016.

Au fur et à mesure que le temps passe, elle voyait de moins en moins les images. Ses lunettes devenaient inutiles. A cause de ses problèmes de vue, elle enchaîna les bêtises. Elle renversa des récipients, cassa de la vaisselle, trébucha sans arrêt contre le seuil de la porte et fonça dans les murs ou dans les meubles. Cela devenait très compliqué à vivre. Inquiet, William l'emmena aux urgences. Il fallait à tout prix qu'elle voit un médecin pour ses yeux. Elle eut droit bien évidemment à des examens très approfondis. Le verdict tomba, et on lui annonça une très mauvaise nouvelle. Le visage de Sarah devint très pâle, puis elle éclata en sanglots.

- Vous ne pouvez pas la guérir ? insista William épouvanté.

- Non. Elle perdra la vue, confirma le médecin. C'est l'âge qui veut ça.

Sarah ne s'arrêtait plus de pleurer. Bientôt, elle ne verrait que du noir. Elle vivrait dans un monde sans couleur. Cela serait encore pire pour elle que de revoir le camp d'Auschwitz dans les années1940. Dans le noir, elle ne pourrait plus se protéger des dangers. Elle se ferait assistée comme une handicapée. Elle aurait tout à réapprendre. Une vraie épave. Elle serait même un vrai fardeau pour William. Tout le monde la regarderait avec pitié, ses enfants seraient tout le temps en souci. Elle ferait vivre l'enfer à son entourage. Elle aurait préféré mourir directement d'une crise cardiaque. Quand elle rentra à la maison, elle s'enferma dans sa chambre. Elle ne fit que de pleurer pendant des heures. Elle eut du mal de s'alimenter les jours suivants. William l'empêcha de couler plusieurs fois, il ne la lâchait pas d'une semelle. Il avait trop peur qu'elle refasse une tentative de suicide. Il attendit que Sarah aille un peu mieux avant de faire venir David et Vincent à la maison. Lorsque ces derniers furent au courant de la situation, ils ne purent s'empêcher de pleurer dans les bras de leur mère.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant