Chapitre 1

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Athènes, Ve siècle avant JC


Des bruits mats, répétés, sous le soleil de midi.

La sueur, qui coule le long de son dos, de ses joues, alors qu'il est seul dans les rues, seul à s'aventurer dehors à cette heure-là.

Le soleil écrase.


Le port du Pirée est derrière lui, abandonné par sa course furieuse.

Il y a passé la matinée, depuis 4 heures ce matin, à cogner sans relâche, à clouter, assembler des pièces de bois brut qui, d'ici quelques semaines, formeront un bateau. Puis ce sera d'autres planches, d'autres clous, d'autres coups. Un autre bateau. Et si ce n'est pour ce patron, celui à qui il vient de cracher au visage, ce sera pour un autre. Jungkook le sait. Son destin est ici, comme celui de son père avant lui.

Mais il court, il fuit, la nouvelle erreur, la nouvelle faute. Cracher... pourquoi ? Pour ce ton trop autoritaire ? Pour ce mépris qu'il a lu dans les yeux du patron ? Il ne sait plus.

Alors Jungkook en est là, le crachat au visage, le boulot perdu, encore. Et l'argent qui ne rentrera pas, pendant quelques jours au moins, le temps qu'il retrouve un travail. Un patron en galère qui saura passer outre sa réputation de fauteur de troubles, ou le dernier patron s'il accepte ses excuses. Car Jungkook sait qu'il en fera, fatalement, des excuses. Parce que sa mère le regardera avec ces yeux désolés, parce que son père lui parlera. Parce qu'il verra les joues creusées de ses sœurs. Il pliera. Pour quelques jours, quelques semaines, il réussira à se courber, s'écraser, avant qu'à nouveau...


Mais ces bruits mats qui percent le silence de la rue, qui creusent ses pensées jusqu'à l'atteindre.

Jungkook s'arrête, relève la tête, regarde enfin autour de lui. Il s'est perdu.

Ses pas l'ont conduit ailleurs, il a quitté la route principale. Les murs intérieurs de la cité sont tout proches, pourtant, mais il ne reconnaît pas la rue, bien plus petite, presque une ruelle. Les odeurs sont différentes, aussi. Et ces sons, encore, qui résonnent autour de lui.

Sa respiration est sifflante, l'air heurte sa bouche, sa gorge, descend douloureusement en lui. Qu'est-ce qui lui a pris de courir comme ça. Il tente de reprendre le contrôle, de freiner son souffle.

Il ferme les yeux, se concentre et écoute. Ces bruits mats, toujours, réguliers, échos plus lents des battements de son cœur. Des coups certainement. Sur quoi, sur qui ?

Il rouvre les yeux, regarde à nouveau autour de lui. Accroche enfin les colonnes sur sa droite, le bâtiment qui se devine derrière les arbres. Une inscription gravée sur le fronton du portique, qu'il déchiffre avec peine.

γυμνάσιον

Gymnasium, le gymnase.

Jungkook est surpris, curieux aussi. Un gymnase ici, dans ces faubourgs ouest d'Athènes ? Il a déjà entendu parler des trois grands gymnases de la cité, est même passé devant l'un d'entre eux, mais celui-ci semble différent. Plus petit, moins imposant. Il ne devine pas de stade derrière. Un soleil gravé d'or complète l'inscription du portique.

La curiosité se fait plus forte. S'il osait...

Il n'y a personne dans la rue, tout le monde fait la sieste. Personne non plus sous les quelques colonnes du gymnase, ni dans le vestibule qu'il aperçoit.

Pourtant, le bruit mat continue, insistant, entêtant. Il y a forcément quelqu'un, plus loin.

Jungkook a déjà franchi les colonnes qu'il a caressées d'une main, jette un coup d'œil dans la salle, avant de s'y engager.

À corps perdus  [yoonminkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant