Chapitre 18

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Jimin détachait ses cestes d'un geste nerveux.

La douleur dans sa poitrine le faisait rager, jurer contre lui-même. Ne s'était-il pas promis de ne plus se préoccuper des autres, de ne plus se consacrer qu'à la boxe ?

Alors pourquoi ce choc, pourquoi cette jalousie intense qui l'avait consumé tout à l'heure, au moment même où il avait posé le pied sur la palestre ? Au moment où il avait aperçu Yoongi et Jungkook ?

Yoongi et Jungkook qui s'entraînaient, ensemble. Qui combattaient ensemble.

Jimin en aurait hurlé. L'entraînement, après ça, avait été difficile. Il s'était renfermé dans sa bulle, avait ignoré Jungkook qui le cherchait en lui lançant des piques. Il s'amusait pourtant à nouveau à lui répondre, depuis le combat, depuis les excuses.

Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui Jimin lui en voulait.

Pourquoi Jungkook et pourquoi pas lui ? Pourquoi Jungkook, alors que Jimin était l'élève de Yoongi depuis plus longtemps ? Pourquoi Jungkook, alors que Jimin était meilleur, l'avait écrasé lors de leur combat ?

Il avait bien perçu le petit sourire triomphant de Jungkook, l'air un peu gêné de Yoongi, lorsqu'ils l'avaient vu. Ils ne l'attendaient pas.

Mais Jimin s'était encore disputé avec sa mère, là-bas, à la fabrique. Elle voulait le forcer à aller saluer tous les employés, à "faire son tour" comme elle disait. Jimin savait bien qu'elle les préparait tous à ce qu'il reprenne les rênes plus tard, malgré ce qu'il lui avait répété, malgré son aversion profonde pour cet avenir qu'elle dessinait pour lui.

Alors il était parti, avait fui pour rejoindre le seul endroit où il se sentait bien.

En arrivant au gymnase, il avait croisé Hoseok, assis à siroter son thé, en grande conversation avec un lutteur. Il s'était senti mieux, déjà, compris et respecté par son sourire, par ses mots de bienvenue. Puis il avait rejoint le vestiaire et s'était préparé fébrilement, impatient de rejoindre la palestre, de prendre part aux coups qu'il entendait déjà. Le panier qu'il avait oublié la veille était bien là mais Jimin n'y trouvait plus ses cestes. Il en avait été embêté, pas étonné. Il était habitué à ce qu'on lui prenne des choses, dès qu'il avait le malheur d'oublier quoi que ce soit au vestiaire. Les autres athlètes faisaient derrière ce qu'ils n'osaient plus faire devant depuis que Jimin était devenu boxeur, depuis qu'il les avait tous vaincus un par un. Mais ces disparitions régulières devaient être leur manière de lui rappeler qu'il n'était pas le bienvenu, qu'il restait "l'autre", le métèque.

Pourtant, ce qui l'avait surtout gêné à ce moment-là, c'était de se retrouver sans cestes, de ne pouvoir immédiatement frapper, évacuer la rage qu'il avait contre sa mère, contre ses projets toujours si loin de ses propres rêves. Il fallait en emprunter à Hoseok mais la palestre l'avait appelé, d'abord. Il voulait les voir, eux, leur dire qu'il était là, lui aussi.

Les mots étaient restés coincés dans sa gorge au spectacle.

Ils étaient là, ensemble.

Sans lui.

Jungkook avait pu, en à peine une heure seul avec Yoongi, obtenir ce dont Jimin rêvait depuis tout ce temps: l'affronter, forcer Yoongi à le voir comme un vrai boxeur.

Pas comme ces débutants que ses paroles, ses yeux leur renvoyaient tout le temps.

Ou renvoyaient à Jimin, seulement. Car Yoongi, maintenant que Jimin y réfléchissait en achevant de se passer le strigile sur le corps, Yoongi avaient toujours été plus doux avec Jungkook. Moins sec, moins exigeant. Si différent de ce qu'il était avec Jimin. Et surtout, Yoongi regardait Jungkook.

À corps perdus  [yoonminkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant