Chapitre 2

458 44 17
                                    


L'épuisement rendait ses pensées opaques, ses pas hasardeux.

Jimin avait passé la matinée à s'entraîner, d'abord avec les autres sous la direction de Seokjin, puis seul sur l'heure du midi, alors que tous étaient partis déjeuner et se reposer des heures chaudes.

Tous sauf lui, et c'était le mieux ainsi. Il aimait ces heures à frapper seul le sac, à perfectionner ses coups, ses gestes, sans personne pour l'évaluer ou le juger. Sans personne pour le regarder.

Il se sentait libre alors, capable de tout. Car les yeux des autres enfermaient, les yeux des autres riaient trop.

Tous savaient, toujours, personne n'oubliait jamais.

Alors, oui, c'était astreindre son corps à un double entraînement, une double peine, mais ces temps du midi, dans la solitude du gymnase désert, étaient toujours si parfaits qu'il en redemandait. Et sentir que ses mouvements devenaient plus fluides à chaque répétition lui procurait une satisfaction qui valait bien le repas sauté, la faim qui tiraillait maintenant le ventre.

Déjà deux ans ainsi, à s'entraîner chaque matin dans ce gymnase avec le célèbre Seokjin. Lorsqu'il avait commencé, délaissant la course qu'il avait pratiquée jusqu'alors au plus haut niveau, Jimin avait sciemment choisi de ne pas rester dans le gymnase de son adolescence, pourtant le plus prestigieux de la ville. A la place, il avait préféré essayer ce petit gymnase atypique, Le Soleil d'or, à mi chemin entre une simple palestre, pour sa taille modeste, et un gymnase, pour le public adulte qui le fréquentait. Tout n'y était pas rose, mais le groupe de boxeurs y était plus restreint, l'entraîneur fantasque mais compétent, et le propriétaire bienveillant et ouvert à toute innovation.

Jimin avait fait l'essai quelques semaines, s'y était plu et était resté. Aujourd'hui, son travail et sa volonté l'avaient mené au plus haut, il était la star de la section boxe du gymnase. Cela, quoi qu'en disent ceux qui doutaient de son physique peu commun, quoi qu'en dise Namjoon, l'autre entraîneur du gymnase, qui ne daignait jamais le regarder. Jimin savait qu'en fait il aurait aimé le voler à Seokjin et cela le flattait, qu'on veuille de lui ainsi.

Autour de lui, la foule dans la rue s'était faite plus dense, il était arrivé au cœur de la cité. Instinctivement Jimin se redressa, prit une allure sûre de lui, rapide. Il laissa derrière lui la silhouette du temple d'Héphaïstos, perché sur sa colline, et ignora superbement les portiques qui menaient à l'Agora. Tout sauf risquer d'y croiser sa mère, et les amis de sa mère, encore perdus dans des débats politiques ou philosophiques sans fin.

Jimin se crispa plus encore et pressa le pas. Il lui semblait déjà sentir des regards sur lui, des murmures dans son dos. On le reconnaissait ici. Il ajusta sa tunique, la lissa sur ses jambes, cherchant à se couvrir les cuisses. Une tunique blanche, courte comme tous les jeunes de son âge, mais richement brodée, dont les fils d'or scintillaient au soleil et attrapaient l'œil. Jimin l'avait choisie pour cela, mais maintenant...

« Le fils d'Aspasie... »

Cette fois l'homme n'avait pas même fait l'effort de parler à voix basse. Jimin aurait pu se retourner et le toiser d'un regard méprisant, comme il savait si bien le faire, mais il pressa le pas et rentra la tête dans les épaules. C'était tout ce qu'il détestait, tout ce qu'il craignait.

Et encore, le mot n'avait pas encore été prononcé. Non, c'était faux. Jimin savait qu'il avait été prononcé, il ne l'avait tout simplement pas encore entendu. Car il l'entendait toujours, ce mot, partout, tout le temps. Ce mot et ses frères, un escadron meurtrier, si douloureux pour son cœur et sa fierté.

Ces mots que sa mère, elle, ne semblait pas entendre. Et cela rendait Jimin fou.



À corps perdus  [yoonminkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant