À corps perdus [yoonminkook]

Chapitre 40

Yoongi observait Jimin dévorer le plat que sa voisine avait préparé.

Les sourcils froncés de concentration, les yeux fixés à l'assiette, et cette langue rosée, qui sortait parfois attraper une goutte sur le coin de la lèvre.

Yoongi contemplait, en oubliait de manger.

C'était si intime d'avoir Jimin chez lui.

Si intime, ces après-midi partagées, à l'entraîner, à discuter. En plus d'un mois, Jimin avait repris confiance en lui, confiance en la force de son corps. En son habileté. C'était un tel plaisir de le voir arriver heureux et impatient de boxer.

Yoongi avait été particulièrement attentif à respecter son rythme, à respecter ses peurs pour mieux les effacer. Aujourd'hui, le bras droit de Jimin était presque aussi rapide qu'avant, presque aussi efficace. Il restait ce geste, ce mouvement vers l'arrière que Jimin ne pouvait plus faire qu'avec difficultés, mais qui ne serait pas utile pendant un combat.

Alors tout allait bien, se tuait-il à répéter à Jimin. Et Jimin commençait à le croire.

Le visage blême des premiers jours avait peu à peu repris des couleurs, les yeux scintillaient à nouveau. Et Yoongi voyait l'envie, lorsque Jimin arrivait. L'envie de boxer, l'envie de combattre. L'envie d'être là. Yoongi avait presque l'impression que Jimin aimait ces moments autant que lui.

Il sourit, les yeux perdus dans la chevelure de Jimin, dans ce diadème qui l'ornait toujours. Yoongi aurait voulu le redresser, il semblait sans cesse prêt à tomber.

Il retint son geste.

Le poisson avait été englouti en quelques minutes, la main de Jimin chassait maintenant la sauce à bouts de pain.

Jimin avait faim, à nouveau.

Et Yoongi aimait le voir avoir faim.

Un bref instant, Jimin releva les yeux de son plat, lui sourit d'un air interrogateur et fit immédiatement gonfler le cœur de Yoongi.

— Vous ne mangez pas ?

Yoongi aurait voulu lui dire qu'il avait mieux à faire que manger, qu'il se rassasiait des traits de son visage et de ce pli des lèvres, juste là, que Jimin faisait lorsqu'il était perplexe.

Mais il se contenta d'acquiescer, porta un morceau de poisson à sa bouche. C'était délicieux, sa voisine était excellente cuisinière. Yoongi finit par se secouer, par se mettre vraiment à manger. Le vin coulait aussi, il faisait chaud et soif en cette heure de midi.

Yoongi avait bien eu raison d'anticiper un repas aujourd'hui. Il faudrait des forces pour l'entraînement.

Surtout celui-là.

En temps normal ils se contentaient de pain et de figues, d'un morceau de fromage ramené par Jimin ou de fruits secs. Mais aujourd'hui c'était différent.

Aujourd'hui, pour la première fois, ils allaient combattre.

Au plus grand plaisir de Jimin.

Et, étrangement, Yoongi se sentait presque impatient lui aussi.

Bien sûr il restait cette peur, ce point insistant à la poitrine, à se rappeler qu'il allait devoir, une nouvelle fois, se dénuder devant Jimin. Cette peur aussi de vérifier qu'il n'était pas rouillé, qu'il n'avait pas tout oublié. Presque trois ans maintenant que Yoongi n'avait pas boxé.

Mais Yoongi avait confiance. Confiance en lui, confiance en Jimin. Confiance en ce lien qui s'était peu à peu renforcé au fil des semaines. La cour de chez Yoongi, puis aussi l'intérieur de sa maison, étaient peu à peu devenus un sanctuaire, loin des soucis de la cité, loin des soucis du quotidien.