Chapitre 31

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Le bruit mat de ses pas, sous le soleil de midi.

Le panier qu'il porte, sous le bras. Le strigile, l'amphore d'huile et les linges bien cachés. Les cestes, aussi.

Jungkook est seul dans les rues, seul à avancer de son pas régulier.

Le soleil embrase.



Tout à l'heure, ce sera le combat, le dernier combat.

La finale.

La finale des Jeux d'Athènes.

Les mots sont lourds dans sa bouche, étranges, alors qu'il les murmure sans discontinuer, au rythme de sa marche.

Il a laissé le quartier derrière lui. Il a laissé sa mère, horriblement inquiète, ses sœurs, éperdues d'admiration, et son père, terriblement fier. Son père, qui tremble sur sa jambe valide, mais a tenu à se lever pour le saluer, souhaiter bonne chance à son fils.

Un palanquin a dû déjà venir le chercher pour l'emmener au stade, voir le combat. Ainsi en a décidé quelqu'un, un puissant. Jimin ou sa mère, peut-être, Jungkook ne sait pas.

Mais son père est heureux, c'est la seule chose qui compte.

Jamais Jungkook n'oubliera ces yeux dans les siens, la main sur son épaule, les mots qui font voler.

- Je suis si fier, mon fils. Tu nous fais honneur, à nous, au quartier, à la famille. Tant de monde te regarde, sois-en digne.

Puis, la voix qui se fait plus douce:

- Mais reviens-nous, ta mère t'attend.

Car, oui, tant de monde le regarde, tant de monde le porte. Jamais Jungkook n'a connu ça, avant, ces murmures admiratifs sur son passage, ces hommes inconnus qui viennent le saluer, le féliciter. Les gamins qui le suivent et s'émerveillent quand il leur répond. Et les collègues du port, ou les anciens patrons, même, qui reviennent, qui offrent un verre ou un morceau à grailler.

Jungkook sourit alors, forcé, hoche la tête et remercie. Il n'a jamais aimé les faux-semblants, les hypocrisies. Mais il faut sourire, pour son père, pour l'espoir qu'il lit dans les yeux de tous, partout.

Jamais un gars des quartiers populaires n'est arrivé si haut. Jamais un gars du port n'a eu les yeux d'Athènes fixés sur lui.

C'est fou, c'est grisant. C'est lourd, aussi. Tout cet espoir sur lui, rien que sur lui.

Alors Jungkook est parti seul, ce midi.

Il a quitté le quartier, discrètement, a emprunté ruelles et passages pour éviter la foule, éviter les encouragements, les "on compte sur toi !" criés de loin.

Il lui faut marcher.

Il lui faut sentir la ville, avant de combattre. Humer ces odeurs, se gorger de la beauté du ciel, des murs blancs qui frappent l'œil, toucher arbres et gravas, parler aux chats, aux chiens errants, aux seuls qui ne le reconnaissent pas encore.

Jungkook veut sentir, tout, une dernière fois peut-être.

Effacer cette peur qu'il tente de cacher, ce stress, qui ne fait que monter.

Car si Lion a écrasé Jimin, si Lion en a fait cette ruine à serrer le cœur, que peut-il faire de Jungkook ? Que peut-il faire de lui, qui n'a pas même un an de boxe ?

La rue et ses combats ne comptent plus, face aux fauves.

Mais Jungkook avance, assure son pas. Il va rencontrer ce qu'il sait être son destin.

À corps perdus  [yoonminkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant