Chapitre 13

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Il était fourbu.

Pas seulement physiquement, à cela il était habitué: le corps qui pesait des tonnes, les difficultés à se mouvoir, à se lever le matin, même. La lenteur, pour s'arrimer à chaque pas, ne pas risquer de perdre l'équilibre. La tête lui tournait, souvent.

Et puis, aussi, cette fatigue mentale, cette envie de ne rien faire. Cette envie d'arrêter.

À tout cela, Yoongi était habitué maintenant.

Mais aujourd'hui, en plus, étrangement, une fatigue autre. Une fatigue du cœur.

Yoongi fit quelques pas dans la cour, sourit à la petite silhouette noire qui l'attendait sur le rebord de la fenêtre.

Un "miaou!" accusateur.

- Oui, je rentre tard, Cháos, je sais.

Il se pencha, gratouilla la petite tête derrière les oreilles.

- Allez, entre. Je t'ai ramené de la tête de poisson.

Yoongi referma soigneusement la porte derrière eux, donna son dû au chat qui miaulait de plus belle et s'assit sur l'unique chaise de l'unique pièce avec un grand soupir.

Oui, il était fourbu.

Le soleil de fin d'après-midi éclairait les autres habitations, en face, dans la cour, alors que Yoongi s'était mis à contempler le ciel par la fenêtre. Tout ce bleu avait quelque chose d'apaisant, réduisait peu à peu les vagues de son cœur.

Il en avait besoin chaque jour, maintenant, de ce bleu. Chaque jour depuis qu'il avait fait la bêtise de céder à Seokjin.

Il s'était pourtant juré de ne plus rien avoir à faire avec le pugilat, de ne plus jamais approcher le monde de la boxe de près ou de loin.

Mais Seokjin était venu le voir, puis revenu, revenu, jusqu'à ce que Yoongi cède et accepte d'entraîner un de ses élèves. Et, quelque part, Yoongi avait été heureux de cette opportunité, de sortir à nouveau.

La première fois qu'il avait remonté les marches d'un gymnase, son cœur s'était serré, il avait suffoqué. Il s'était immédiatement retrouvé 2 ans en arrière, allongé sur le sable du stade, avec cette chape obscure qui l'engloutissait peu à peu, qui ne voulait plus disparaître. Le coup avait été si violent, si mal placé que c'était un miracle qu'il ait survécu, avait dit le médecin.

Il le savait, pourtant, que cet adversaire était dangereux, qu'il combattait pour tuer. Sa réputation de monstre l'avait précédé mais Yoongi, dans l'euphorie de sa victoire aux Jeux d'Olympie, s'était cru invincible, béni des Dieux.

Les Dieux l'avaient puni pour cet orgueil. Le combat avait été une boucherie.

Yoongi se remémorait malgré lui chaque sensation, tremblait maintenant devant la fenêtre. Comme chaque jour, comme chaque fois.

La moitié de l'oreille mordue puis arrachée, l'arcade sourcilière défoncée, les dents perdues, les cicatrices partout. Et surtout, ce coup ultime, fatal, qui l'avait lié au sable. Yoongi avait crû mourir mais les Dieux en avaient décidé autrement, l'avaient laissé vivre pour expier son péché.

Vivre avec la honte.

Alors Yoongi vivait, survivait plutôt. Le marché le matin, où il aidait le propriétaire de son logement en guise de loyer. Puis, maintenant, l'entraînement.

Celui des autres, pas le sien.

Cháos se frotta contre ses jambes, miaula à nouveau.

- Qu'est ce que tu veux?

À corps perdus  [yoonminkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant