— Alors ?
Jimin tentait de réfléchir.
Il tentait de faire abstraction de la voix qui pressait, du sourire pourtant bienveillant en face de lui. C'était difficile. Il était en mauvaise posture, à deux doigts de perdre la partie de petteia.
Devant lui s'étendait le plateau quadrillé, sur lequel s'affrontaient les pions.
Les siens, les rares pions blancs qui restaient, étaient entourés de pions noirs. Il fallait faire quelque chose pour éviter d'en perdre encore un au coup suivant, réfléchir à se sortir de ce mauvais pas, au moins pour un coup. Mais il était presque impossible à Jimin d'ordonner ses pensées, sous ce regard pesant.
Face à lui.
Périclès.
Face à celui qu'il devait désormais voir en père. Mais qu'il ne réussissait pas encore à nommer.
"Père". Quel mot étrange à prononcer. Quel mot étrange à penser.
C'était leur deuxième après-midi passé ensemble et Jimin, même s'il était moins anxieux que la première fois, ne réussissait pas encore à se départir de ce malaise, de ce stress à vouloir tout faire parfaitement devant lui.
Or il perdait à ce fichu jeu de petteia, et d'une manière magistrale.
Il aurait tant voulu gagner, réussir ce test. Montrer à Périclès qu'il pouvait être fier de lui, que lui aussi maîtrisait la stratégie. Mais Jimin n'avait jamais été féru de ce type de jeux, et devant ce regard...
— Je te laisse 10 secondes pour bouger un pion, sinon je considère avoir gagné.
Jimin gémit sous le petit rire de Périclès, avança finalement un pion selon une tactique assez incertaine, puis leva la tête pour observer le résultat dans les yeux de son adversaire.
Périclès semblait surpris. Il plissa les yeux, créant encore plus de ridules sur son visage buriné, porta la main à sa barbe et commença à la triturer, dans un geste que Jimin avait déjà repéré comme signe de réflexion.
Jimin s'adossa à sa chaise, satisfait un instant. Il avait réussi à le déstabiliser. À déstabiliser le grand Périclès, un des plus grands stratèges de guerre que le monde grec ait jamais connu.
Cette simple évocation donnait le tournis, empêchait Jimin de reprendre pied dans la réalité. Un mois déjà qu'il savait, un mois qu'il tentait d'assimiler l'information : Périclès, l'homme redouté par la Grèce entière, l'homme que Taehyung admirait tant, ce Périclès se disait son père. À lui, Jimin.
Et cet homme de guerre, cet homme de politique, était aussi un homme qui savait sourire, qui savait rire, parfois. Un homme qui regardait sa mère Aspasie avec des yeux tendres, un homme qui la rendait instantanément plus gaie, comme Jimin en était régulièrement témoin maintenant.
Un homme qui le regardait, lui, avec bienveillance. Sans jugement, sans mépris pour sa défaite lamentable aux Jeux ou pour tout ce que Jimin n'était pas.
Jimin aimait cela, même s'il avait encore du mal à le croire. Il lui semblait que le miracle allait cesser un jour, que ce serait le retour au rien. Le miracle était trop grand.
Avoir un père.
Enfin.
Avoir un père qui existait, qu'on pouvait écouter, regarder. Sentir ou toucher même, lorsque Périclès, parfois, lui pressait l'épaule ou lui tendait la main pour le saluer.
C'était si étrange.
La rancune de l'absence, la rancune du mensonge et des souffrances engendrées était étouffée par le plaisir ressenti en sa compagnie, par l'impatience qu'il éprouvait chaque semaine à le retrouver, à découvrir un peu plus de cet homme.
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À corps perdus [yoonminkook]
FanfictionAthènes, Ve siècle avant JC Jungkook découvre qu'il aime la boxe, même s'il déteste ceux qui en font. Jimin veut comprendre d'où il vient à force de coups de poings. Et Yoongi s'est perdu en route, après un combat de trop. Une chronique de la décou...