À corps perdus [yoonminkook]

Chapitre 53

Il y avait foule sur la Pnyx ce jour-là.

Au grand désespoir de Namjoon.

Lui d'habitude si sûr de lui sentait sa bouche sèche, ses mains moites et ne pouvait s'empêcher de faire craquer ses doigts, dans une vaine tentative pour s'occuper l'esprit.

Ils étaient les prochains à passer devant l'Assemblée.

Yoongi et lui.

Les prochains qui auraient 10 minutes pour tenter de convaincre les citoyens présents que le voyage de Jungkook valait la peine d'être financé. Que Jungkook pouvait remporter les Jeux d'Olympie. Qu'il pouvait apporter la gloire à la cité d'Athènes.

Namjoon sentait son cœur battre comme un fou dans sa poitrine, dans ses tempes, au point qu'il ne parvenait même pas à comprendre ce dont il était question en ce moment, sur l'estrade. Quelque chose sur une superficie de terrain agricole mais il n'en savait pas plus.

Il essayait vainement de se rappeler le discours qu'il avait passé la semaine à préparer, avec l'aide de Seokjin et de Yoongi.

C'était un beau discours. Convainquant, clair et précis. Seokjin était vraiment doué pour ce genre de chose, même s'il avait tendance à partir dans un lyrisme qui faisait rire Namjoon mais qu'il se refusait à prendre à son compte. Lui vivant, jamais il ne comparerait Jungkook à Hélios à son apogée et Olympie au monde qu'il fallait éclairer de sa gloire.

La pensée de leurs disputes incessantes cette semaine autour d'un qualificatif ou d'un autre, d'un verbe ou d'un autre, le tout sous l'œil blasé de Yoongi, lui arracha un sourire. Il se tourna vers Yoongi, tranquillement assis à écouter l'orateur au terrain agricole, puis son regard dévia sur Seokjin assis juste derrière, en pleine discussion avec un magistrat, à en juger par le plissé du manteau sur l'épaule de l'homme.

Seokjin faisait rire son interlocuteur à coups de grands gestes éloquents, dans le tintement de ses bracelets et le chatoiement de l'or qui les ornait. Namjoon s'attarda sur les mèches brunes qui retombaient négligemment sur son front, sur les boucles d'oreilles qui dansaient au rythme des hochements de tête, sur le pourpre de ce nouveau manteau qui mettait en valeur le noir de ses yeux, celui de ses cheveux et le rougeâtre naturel de ses lèvres. Toujours aussi pulpeuses, ces lèvres. Toujours aussi attirantes...

Si seulement il ne parlait pas autant. Et pas aussi fort. Et si seulement il ne voulait pas toujours avoir raison. Même s' il avait souvent raison, de fait.

Si seulement il n'était pas aussi insistant, à toujours vouloir se mêler des affaires de Namjoon.

Si seulement il n'était pas toujours là.

Si seulement il pouvait laisser le cœur de Namjoon tranquille.

Seokjin se retourna tout à coup, planta ses yeux dans ceux de Namjoon.

— Tu te repais de ma beauté pour t'apaiser avant ton discours ?

Namjoon leva les yeux au ciel, se détourna vivement. Il aperçut le petit sourire de Yoongi, tenta de l'ignorer, comme il tentait d'ignorer ses oreilles qu'il sentait brûlantes maintenant, qu'il savait plus rouges que rouges.

Si seulement Seokjin n'avait pas si souvent raison.

Il en était là, à se demander quelle réponse cinglante il aurait pu lancer à Seokjin, lorsque Yoongi lui donna un léger coup de coude.

— C'est à nous.

Et la foule revint tout à coup, le submergeant, le laissant faible et petit, perdu, presque tremblant alors qu'il montait les marches en automate à la suite de Yoongi, qu'il se plaçait devant la tribune comme Yoongi l'indiquait.