Prologue

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Éléa

Je ne suis pas ce que l'on peut appeler une grosse dormeuse. En général, cinq ou six heures de sommeil suffisent à mon organisme pour recharger les batteries, parfois moins. En contrepartie, je suis une vraie souche. Une fois perdue dans les bras de Morphée, plus possible de me réveiller à moins de sortir les grands moyens. C'est ce qu'essaie désespérément de faire mon père en me secouant comme un vieux prunier récalcitrant.

— Éléa ! Lève-toi, Princesse ! Allez !

Je grogne et lui balance un ou deux jurons de ma connaissance. Ok, on repassera pour le côté princesse. Je ne suis pas trop de ce genre-là. C'est ce qui arrive quand on est élevée par un biker sans figure maternelle pour contrebalancer le trop-plein de testostérone de sa tribu d'ours mal léchés. Ses frères. Mes oncles. Ma famille. Ouais, je ne suis peut-être pas une princesse de conte de fées, mais je n'échangerais ma vie pour rien au monde. Le sang des Blackwood coule dans mes veines. Je mourrai pour le club de mon père, pour MON club. Ma loyauté pour les RIP ne trouvera jamais de limites.

— Éléa Blackwood ! Bordel de merde ! Lève-toi ! Il faut que tu te casses de là ! Maintenant !

L'urgence fait vibrer un peu plus profondément son timbre rauque de fumeur. J'ouvre les paupières et fixe mes prunelles encore embrumées de sommeil aux siennes. L'étincelle de peur au fond de ses grands yeux bruns fait glisser un frisson le long de ma colonne vertébrale. Rien n'effraie jamais mon père. Rien.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Sa tête tombe en avant et ses immenses mains tremblent quand il les referme sur son abondante crinière cuivrée. Mon estomac remonte dans ma gorge.

— Je suis tellement désolé, Princesse. Tellement désolé...

Mes doigts agrippent ses larges poignets et mon front vient cogner contre le sien. Je ne sais pas comment je parviens à garder mon sang-froid face à son désarroi, mais c'est le cas. Ma voix ne trahit aucunement mon tumulte intérieur quand j'ose à nouveau demander :

— Papa... que se passe-t-il ?

Ma question à peine posée, les premiers signes de l'apocalypse se font entendre à l'extérieur. Un échange de coups de feu, une détonation plus forte que les autres, des cris... Il ne m'en faut pas plus pour comprendre. Mon timbre devient glacial quand j'oblige mon père à plonger son regard éteint dans le mien.

— Qui ? Qui nous a trahis ?

Une larme coule le long de sa joue et vient nourrir la boule de rage qui me brûle les entrailles. L'homme de fer, la montagne, le roc plie face à moi. Mon père, l'immortel, le super-vilain de mes rêves n'est plus et je jure que peu importe ce qu'il me faudra faire pour venger son honneur, je le ferais.

— Beast... Ce putain de Beast a retourné sa veste.

Ses poings se serrent, ses phalanges blanchissent et mon cœur se brise en mille morceaux. Je retombe assise sur mon lit, incapable de respirer normalement. Je ne comprends pas... Pourquoi le bras droit de mon père, son meilleur ami de toujours, mon parrain, celui-là même qui ne manquait jamais une occasion de me gâter nous aurait-il trahis ?

— Pourquoi ?

Une nouvelle salve de tirs couvre ma question à peine murmurée et sort mon père de sa léthargie passagère. Il saute sur ses pieds, me balance des vêtements et se met à remplir un sac à dos de toutes les affaires qui lui passent entre les mains.

— Une femme. Quoi d'autre ?

Sans me soucier d'une quelconque pudeur face à l'homme qui m'a élevée, je laisse tomber mon pyjama et enfile rapidement un jean et un tee-shirt. Je lace mes chaussures quand il maugrée :

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant