Chapitre 2-2

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Son ton me fit plus mal que ses mots et c'est la démarche un peu raide que je me dirigeai à mon tour vers la porte.

— Si tu ne veux pas venir, il est encore temps de le dire à Jude. Mais quoi que tu décides, moi j'irais.

Je sentis sa main sur mon poignet à l'instant où mes doigts touchaient le métal de la poignée.

— Tu sais très bien que ce n'est pas ça le problème, expira-t-il dans un soupir en m'attirant doucement à lui. Si j'étais cent pour cent sûr de mes informations, j'aurais été le premier à proposer ce raid, mais le risque...

— Le risque ne sera jamais nul. Cela ne l'a jamais été, tu es bien placé pour le savoir, tu es flic.

— J'étais... flic...

— Le risque et le danger ne t'ont jamais arrêté pourtant !

— Tu as raison, mais c'était avant...

— Avant que quoi ?

— Avant que toutes les instances gouvernementales du pays ne nous traquent et que ta tête ne soit mise à prix. Tu sais que s'ils t'aperçoivent, ils tireront à vue.

— C'est valable pour nous tous et les autres ne restent pas planqués dans leur coin.

— Les autres je m'en fou, grogna-t-il en m'attirant contre lui. Et ils ne sont pas aussi médiatisés que toi. Tout le monde connait ton visage. Il suffit qu'une personne te dénonce...

— Je te rappelle que j'ai aussi mes fans, dis-je d'une voix radoucie, sentant son inquiétude s'infiltrer dans mon esprit, signe que son contrôle s'évaporait. Ce n'est pas en restant caché que nous ferons avancer les choses.

— Je sais mais... je ne peux pas t'expliquer pourquoi, je ne sens pas cette mission.

— Ce que tu essaies de me dire c'est que tu voudrais que je reste ici pendant que vous prenez tous les risques ?!

Le soupir qui sortit de sa poitrine valait tous les discours.

— Cela ne m'a même pas effleuré l'esprit. J'aurais juste voulu avoir une journée, voir quelques heures de plus pour affiner les choses, c'est tout. Tu as peut-être raison, après tout, rester enfermé ici doit commencer à me taper sur les nerfs.

Je l'embrassai doucement, autant par envie et besoin de sentir ses lèvres contre les miennes que pour tenter de chasser cette anxiété dérangeante qui émanait de lui par vague.

— Ils n'auront pas besoin de nous dans les prochaines heures, non ? me susurra-t-il à l'oreille tout en ouvrant la porte et en m'entrainant dans le couloir.

Dire que notre chambre était spartiate aurait été l'euphémisme de l'année, pensai-je alors que Gabriel m'entraînait à sa suite à l'intérieur. A peine dix mètre carré, des murs de bétons et pour tout ameublement, deux lits, une commode et une chaise qui se partageaient difficilement l'espace. Cela aurait pu être vivable si nous ne partagions pas cet espace déjà restreint avec Leah, la jeune métamorphe que nous avions sauvé lors de la première attaque et qui depuis ne nous quittait plus.

— Pense à fermer à clef, haletai-je entre deux baisers passionnés, alors qu'il était déjà en train de déboutonner mon chemisier.

— bien vu ! grogna-t-il en s'exécutant, avant de m'entraîner vers le lit.

Cet arrangement nocturne n'était profitable pour personne et le manque d'intimité commençait à nous peser lourdement, à nous autant qu'à Leah. Même si cette dernière était rassurée d'être près de nous à notre arrivée, maintenant qu'elle prenait ses marques et se sentait plus à l'aise, elle aurait apprécié un espace à elle. Malheureusement, le bunker n'était pas extensible et la place commençait à manquer.

— ça fait tellement longtemps, gémit Worth, sa main glissant le long de mon dos.

Je me laissai aller à ses caresses, bien trop d'accord avec lui pour ne pas savourer chaque petite étincelle de plaisir explosant au contact de ses doigts sur ma peau nue. Malgré l'urgence, nous prîmes le temps de nous redécouvrir et le plaisir d'être enfin seuls tous les deux... jusqu'à ce que quelqu'un se mette à tambouriner sur la porte.

— Ouvrez, je sais que vous êtes là ! retentit en même temps la voix de Leah, apparemment très remontée.

Le juron qui sortit de la bouche de Gabriel était tout à fait assortit aux pensées peu charitables qui traversèrent mon esprit à l'instant précis où il s'écarta de moi pour récupérer son pull tombé par terre.

— Pourquoi vous avez fermé à clef... commença-t-elle à l'instant où Worth ouvrit la porte.

Elle s'interrompit aussitôt, ses yeux passant du regard noir de Gabriel à moi en train de reboutonner mon chemisier. Aussitôt ses joues se parèrent d'une jolie teinte rosée qui ne parvint pas à me dérider malgré tout. A bientôt seize ans, elle devait bien se douter de la signification d'une porte de chambre verrouillée à cette heure de la journée.

— Je sais ce que vous préparez, attaqua-t-elle néanmoins en redressant la tête et en nous défiant du regard. Je veux venir.

— Combien de fois t'a-t-on dit de ne pas écouter aux portes ? grogna Worth.

— Vous n'aviez qu'à parler moins fort ! répondit-elle du tac au tac. Si vous pensez avoir retrouvé River, je veux venir !

— On va y réfléchir, sortit Worth à l'instant où je m'apprêtais à lui dire qu'il n'en était pas question.

Un immense sourire illumina le visage de la gamine tandis qu'elle repartait dans le couloir en sautillant.

— Tu es sérieux là ?!

— A la base, je voulais surtout qu'elle s'en aille mais... elle est coincée ici depuis des semaines. Elle a beau aller un peu mieux et commencer à se faire des amis, elle se sent quand même mise à l'écart.

Leah était une métamorphe et à quasiment seize ans, elle aurait déjà dû avoir son animal totem et avoir effectuer sa première métamorphose. Mais cet évènement, si important dans notre vie, tardait à arriver. D'après Waahana, il n'y avait pas d'inquiétude à se faire. Leah, orpheline suite à la mort de sa tante lors de la grande attaque, devait d'abord surmonter son traumatisme et s'habituer à sa nouvelle vie avant que son esprit et son corps ne soient prêts pour la grande transformation. Mais cela n'arrangeait pas son humeur déjà passablement déréglée par l'adolescence et ces derniers temps, rendait nos rapports tendus et conflictuels. Moi qui n'avais jamais voulu être mère, me retrouvait à devoir gérer une ado traumatisée, autant dire que Gabriel s'en sortait dix fois mieux que moi !

— Ce n'est pas toi qui disais, il y a une demi-heure à peine, que tu ne la sentais pas cette mission ?

— Bizarrement, je ne sens pas plus de la laisser ici, soupira-t-il en s'asseyant sur le lit. Mais tu as sans doute raison... je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, ajouta-t-il en m'ouvrant les bras.

Sans hésiter je me coulai contre lui et me laissai aller à son étreinte réconfortante.

— Je t'avoue que je ne sais pas quoi en penser. On pourra demander son avis à Jude tout à l'heure. Comme ça, s'il dit non, la faute lui retombera sur le dos !

— Oh mais tu es machiavélique, ma chère ! s'esclaffa Worth en nous faisant basculer sur le lit.

— Les ados colériques ont tendance à me faire cet effet !

— Et les élémentaires chaud bouillant, vous préférez ?

— Tu veux que je te montre à quel point ? lui susurrai-je en l'embrassant tandis que nous reprenions là où Leah nous avait interrompu.

***

Insurrection- Elémental Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant