Chapitre 20-2

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Mon esprit, embrumé par la douleur, vit avec horreur les ombres changer de direction pour essayer d'intercepter le projectile. Elles le manquèrent et ce dernier alla finalement toucher sa cible avec un bruit mou. La sorcière écarquilla les yeux de surprise, esquissa une parole muette, puis glissa lentement sur le sol, comme au ralenti, où elle demeura inerte.

L'atmosphère s'allégea aussitôt, comme si un vent frais venait de balayer tous les miasmes, toute la corruption, ne laissant qu'un air sain et pur. Ma tête sembla s'alléger d'un coup et je me sentis partir en arrière. Je me rattrapai in extrémis de mon bras valide et penchai la tête en avant pour dissiper le malaise. Je ne pouvais pas rester là à me vider de mon sang. Je devais arrêter l'hémorragie et trouver un moyen de sortir d'ici avant que les sbires de Vanessa ne rappliquent.

Lentement, je me remis debout. M'y reprenant à deux fois pour ne pas m'écrouler de nouveau. Chancelant, je me rapprochai du corps de la sorcière et ne pus retenir le frémissement de surprise et de répulsion me traversant à sa vue. Sa peau, auparavant lisse, était ridée et flasque et ses mains déformées et couvertes de taches brunes, recroquevillées sur sa poitrine Elle semblait avoir vieillie de cinquante ans en moins d'une minute. Par acquis de conscience je posai mes doigts sur son cou parcheminé à la recherche d'un pouls et ne pus m'empêcher de pousser un soupir de soulagement lorsque je ne décelai rien.

Encore dans un état second j'eus quand même la présence d'esprit d'arracher le foulard du cou décharné de la sorcière et m'en servit pour me faire un garrot de fortune. Puis lentement, presque à contrecœur tellement j'avais peur de ce que je risquai d'y trouver, je m'approchai du miroir fracassé et jetai un coup d'œil dans la pièce voisine.

C'était... un carnage ! Les corps des deux femmes gisaient, inertes, là où elles étaient tombées et des traces de sang maculaient le sol et presque tous les murs. Je n'entendis le gémissement qu'une fois repassé de l'autre côté. Je m'accroupis d'abord aux côtés de Liv, la plus proche, qui ouvrit lentement les yeux à mon approche. Ses prunelles, déjà vitreuses, papillonnèrent essayant de me fixer sans me voir.

— River, c'est toi ? demanda-t-elle dans un râle inquiétant qui m'amena instantanément les larmes aux yeux.

— Oui. Je l'ai eu, Liv. On va s'en sortir, dis-je sans vraiment y croire.

— Toi, oui, sourit-elle entre deux quinte de toux. Pour moi, c'est trop tard.

Mes yeux humides dérivèrent vers sa cage thoracique où cinq estafilades sanglantes traversaient sa poitrine de part en part et un soupçon d'espoir m'envahit.

— River, hoqueta-t-elle en tâtonnant à la recherche de ma main qu'elle agrippa lorsque je la lui tendis. Je sais qu'elle m'a blessé, ne... ne me laisse pas devenir comme elle, acheva-t-elle dans un sanglot, ruinant toute ma faible espérance en quelques secondes.

— Tu n'en as pas vu le bon côté mais ça peut être chouette d'être un loup-garou, tentai-je de la convaincre sans réfléchir.

Trop de morts, trop de sang, il fallait que ça s'arrête. Je ne pouvais pas la perdre aussi.

— J'en connais un qui est médecin et...

— Non ! Promets-moi ! m'interrompît-elle dans un hoquet. Je préfère que tu me tue plutôt que de finir... comme ça...

Ses yeux se révulsèrent et sa tête tomba sur le côté, alors que ses doigts perdaient tout tonus laissant sa main retomber le long de son corps. Je la fixai, hébété, durant quelques secondes avant de voir sa poitrine se soulever. C'était à la limite du perceptible mais elle respirait encore.

Insurrection- Elémental Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant