Chapitre 29-1

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* Ferme de Georges et Phoebe.

Sans plus me préoccuper des autres, pour me concentrer sur ma tâche, je longeai le faitage. La chute ne me tuerait pas, mais je préférai autant éviter, cela nous ferait perdre du temps. L'ironie de ma pensée ne m'échappa pas, alors que j'approchai de la fenêtre mansardé. Vue l'état du bois, gondolé et bouffé par les insectes, elle ne devait pas être ouverte souvent ! Une raison de plus d'espérer qu'ils l'aient oublié. Calant mes pieds dans la gouttière et mes genoux sur les tuiles, j'approchai mes mains de l'huisserie. Au moment de poser mes paumes sur les carreaux, j'hésitai.

— Tenez-vous prêts à vous enfuir si ça foire, murmurai-je en passant à l'action.

Instinctivement je me raidie lorsque le verre rafraichit soudain ma peau échauffée, mais ce fut la seule sensation qui me parvint. Pas de fourmillements, pas de magie, rien qu'une vitre des plus ordinaire. Dans un soupir de soulagement, je relâchai le souffle que je n'avais pas souvenir d'avoir retenu et décalant mes mains sur le bois, poussait de toutes mes forces vers l'avant.

— C'est bon ! dis-je assez fort pour qu'ils m'entendent d'en bas, sans pour autant ameuter tous les bois alentour.

D'un bond, je sautai à l'intérieur et manquai m'étouffer lorsque l'air lourd et chargé de poussière s'insinua dans mes poumons. Mais mon inconfort fut de courte durée lorsque mon nez m'apprit une chose faisant bondir mon cœur... River ! River était passé ici, je percevais son odeur. Ténue et légère mais bien présente. Je suivis instinctivement la fragrance caractéristique du métamorphe qui m'amena vers l'extrémité du grenier en travaux, là où la cloison de bois défoncée de l'intérieur, béait sur le salon en contrebas, saturé de l'odeur de River. Ne m'embêtant pas à chercher un escalier, j'empruntai le même chemin que lui et me laissai tomber souplement sur le sol.

La pièce, impeccable à première vue, empestait le sang et la violence. Consciente que je n'avais pas le temps de m'appesantir sur la question pour le moment, je me précipitai vers la porte d'entrée, mais le bourdonnement caractéristique d'un sort me stoppa net. J'avais secrètement espéré qu'il ne fonctionne que dans un sens, mais je m'étais apparemment trompée, pestai-je en faisant rapidement le tour de toutes les ouvertures de la pièce pour parvenir au même constat alarmant. En désespoir de cause, j'empruntai le couloir desservant le fond de la maison, réfléchissant déjà à un moyen simple et efficace pour faire passer tout le monde par le grenier. L'odeur de River devenait de plus en plus prégnante à mesure que j'avançai, pour arriver à la dernière chambre du couloir.

Un lit, un chevet, une armoire et une chaise, rien que de plus banal mais ce fut la porte vitrée donnant sur l'extérieur qui retint toute mon attention. Je m'en approchai, fébrile et trop consciente du temps qui passait inexorablement scellant le sort de Thomas si nous ne faisions rien. Aucune vibration étrange lorsque je m'en approchai à pas prudent, aucun signe de magie lorsque ma main frôla la poignée. Ce pourrait-il qu'ils aient vraiment oublié cette porte ? Toute la pièce, malgré son apparence nickel, empestait la maladie et le sang, signe qu'ils y étaient venus et avaient fait le ménage après leur passage, alors pourquoi ne pas protéger cette issue, également ?! Cela paraissait trop gros ! Le mot « piège » ne cessait de popper dans mon cerveau comme une sirène d'alarme. C'était décidément beaucoup trop beau pour être vrai, réalisai-je et stoppant mon geste à quelques millimètres seulement de la poignée bon marché. Toujours aucune sensation de magie, pourtant je n'allais pas plus loin.

La magie réagissait aux êtres vivants ! réalisai-je soudain alors que mon cerveau turbinait à cent à l'heure pour trouver une solution. Ce sort, car j'étais certaine qu'il y en avait un, était plus subtile que ceux apposés sur les autres ouverture de la maison. Et s'ils avaient compté sur notre faculté à discerner la magie pour mieux nous piéger ?! Prise d'une inspiration soudaine je me précipitai vers le lit et d'un coup sec en arrachait le drap. Prudemment je passai ce dernier autour de la poignée, entortillait le reste et me reculai en appliquant une pression vers le bas. La poignée s'abaissa et la battant pivota lentement vers l'intérieur dans un grincement discret.

Insurrection- Elémental Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant