Le sang qui bat à mes tempes, un bruit de moteur, une voix lointaine à laquelle j'essaie de me raccrocher. Une voix qui fluctue comme une vieille radio mal réglé. Comme ma conscience, qui va et vient mais jamais assez longtemps pour que j'émerge totalement. J'ai la sensation de flotter, d'être léger mais étrangement lourd à la fois tandis qu'un sifflement étrange résonne à mes oreilles.
— V... m'...dez ?
Un timbre grave et un ton insistant parviennent à passer la barrière des acouphènes et à tirer ma conscience vers le haut. Pourtant, je ne comprends pas ce que j'entends. Je veux oublier, je veux dormir, mon corps veut dormir, il en a besoin. Pourtant mon esprit continu d'essayer de me maintenir éveillé.
— Votre... a... maine ? ... hôpital ?
Le mot « hôpital » pulvérisa toutes mes défenses, me ramenant aussitôt aux commandes.
— Non... pas d'hôpital ! parvins-je à croasser en tentant de me redresser.
— Votre amie est comme vous ?
— N... non, balbutiai-je d'une voix pâteuse, tentant de focaliser mon regard sur quelque chose.
— Si elle est humaine, elle ne survivra pas sans l'aide d'un médecin. Nous ne sommes qu'à une dizaine de minutes de l'hôpital général...
— Non... il a raison, trop risqué, exhala soudain Liv dans un souffle heurté. Les contrôles...
L'homme au volant poussa un juron peu gracieux, avant de braquer brusquement et d'enfoncer la pédale d'accélérateur. Le reste du trajet se déroula dans un brouillard intermittent, rythmé par mes pertes de consciences et les gémissements de douleurs de Liv. Lorsque le moteur s'arrêta, j'entendis l'homme appeler quelqu'un tout en se précipitant à l'extérieur.
— Pa', qu'est-ce qui se passe ?
— Un accident ! Je les ai trouvé sur la route en rentrant de la ferme des Hunter, mentit l'homme avec un naturel désarmant.
— Mais, il faut appeler une ambulance...
— Pas le temps, elle est en train de se vider de son sang ! Je vais parer au plus pressé et ensuite j'appellerai les secours. Aide-moi à la transporter dans la cuisine.
— Et... lui ?
— Il peut rester là cinq minutes.
Avachi sur le siège passager, j'entendais mais ne trouvais pas l'énergie nécessaire pour tourner la tête et voir ce qu'il se passait. Pourtant, mon instinct me poussait à fuir. Je ne connaissais pas cet homme, je ne pouvais pas lui faire confiance. Je devais trouver un endroit sûr où me cacher, le temps que mon corps récupère, ce qui pouvait pendre plusieurs jours vu mon état. Je ne pouvais pas rester là. Lentement j'ouvris les yeux, puis actionnai le mécanisme d'ouverture de la portière. Un air frais et humide me cingla le visage tandis que je me laissais glisser du siège. La terre mouillée sous mes pieds nus donna le coup de fouet nécessaire à ma conscience pour reprendre définitivement le dessus et appréhender pour la première fois mon nouvel environnement.
Nous étions garés dans une cour en terre battu, devant un petit corps de ferme jouxté d'une grange et d'un poulailler. Un chemin serpentait sur le côté du bâtiment, longeant un étang avant de s'enfoncer dans un petit bois. L'aube pointait, rendant tout uniformément gris et morne. Mes deux premiers pas furent chancelant et je dus me retenir au capot pour ne pas tomber. J'en fis deux de plus, me sentant pousser des ailes lorsqu'une sirène retentit au loin.
— Attendez ! Où allez-vous comme ça ? me demanda une femme que je ne connaissais pas.
Sa voix était douce et dégageait plus de surprise et de compassion qu'autre chose mais cela ne m'arrêta pas, au contraire. Je ne parvenais plus à réfléchir. Je voulais juste fuir. Fuir et me cacher. Loin des humains, de la souffrance, des souvenirs, loin de tout. J'essayai de prendre mon envol mais ce stupide corps d'humain m'en empêchait. Je trébuchai à chaque pas, chancelant comme un nouveau-né.
— N'ayez pas peur, je ne vous veux pas de mal...
— Phoebe ne le touche pas !
Le cri intervint à l'instant où mon bras partait en direction de la femme dans un geste réflexe de défense. Elle se recula précipitamment dans un glapissement apeuré.
— Robert, il... il a des griffes !
La peur et l'incompréhension contenus dans la voix de la femme, me ramenèrent momentanément aux commandes, me faisant prendre conscience que je les avais perdu. Hébété, je contemplai mes mains aux serres démesurées sans parvenir à comprendre ce qu'il se passait. Je relevai la tête et croisai le regard de la femme, qui recula encore d'un pas, les mains pressées sur sa poitrine.
— Phoebe, recule ! Il n'est pas lui-même.
Désorienté, je ne parvenais plus à réfléchir. J'entendis le son d'un fusil que l'on arme à l'instant où je faisais involontairement un pas en avant. Le projectile me toucha en pleine poitrine et je m'écrasai à plat dos dans l'herbe humide. La douleur d'abord diffuse, se développa comme un soleil incandescent brulant tout sur son passage et c'est presque avec reconnaissance que j'accueillis le néant.
***
Un tambour dans le crâne, un gout de cendre dans la bouche, c'est groggy que je repris mes esprits. J'ouvris les yeux sur un plafond blanc qui aurait bien mérité un coup de peinture, surpris d'être toujours en vie. Je palpai ma poitrine à la recherche d'une blessure ou d'un bandage lorsqu'un rire résonna soudain dans la pièce.
— Pas de panique, ce n'était qu'une fléchette anesthésiante, me dit l'homme de la voiture. Vous avez de la chance que je sois un véto de campagne, plutôt qu'un de ceux qui ne s'occupe que des chats et des petits chiens à sa mémère ! La suite aurait pu être bien différente.
Essayant d'oblitérer le sentiment de vulnérabilité qui me prenait aux tripes, j'essayai de me redresser lentement. M'adosser à la tête de lit, me pompa presque toute mon énergie et c'est haletant de faiblesse, que le levai le regard vers mon hôte.
— Allez-y doucement. Il y avait une dose de cheval dans la seringue et ce n'est pas une métaphore !
— Je... je suis resté... inconscient combien de temps ?
— Environ vingt-quatre heures, j'ai bien cru que vous n'alliez pas vous réveiller. Vous m'avez fait peur.
Vingt-quatre heures ! Ce n'était pas une dose de cheval mais de dinosaure pour me mettre HS durant autant de temps !
— Ce n'est pas... de votre faute. Votre tranquillisant m'a assommé mais ce n'est pas lui qui m'a maintenu endormi, réfléchis-je à voix haute. J'avais simplement besoin de repos.
— Et vu vos cernes, vous n'avez toujours pas eu votre compte. Maintenant que je suis rassuré sur votre état, je vais vous apporter à manger et vous laisser vous reposer.
J'étais tellement à l'ouest, qu'il sorti avant que je n'aie pu dire un mot. Mon envie de fuir n'avait pas disparue mais la reconnaissance que j'éprouvais envers cet homme commençait à grignoter mon armure. Sans compter que j'étais toujours mal en point.
— J'espère que vous aimez le chili ? me demanda-t-il soudain quelques minutes plus tard, en passant la porte à reculons, un énorme plateau entre les mains. Ma femme venait d'en faire tout une marmite, ajouta-t-il en déposant son fardeau à mes côtés, sur le lit.
En plus de l'assiette fumante dégageant un fumet à se damner, le plateau comportait également, un bol de carotte râpées, du pain et du fromage, ainsi qu'une énorme part de tarte aux pommes accompagnée de crème fraîche. Devant un tel festin, mon estomac gronda et mes mains se mirent à trembler. Ne trouvant même plus mes mots, je contemplai la nourriture, les larmes aux yeux, incapable de prononcer le moindre mot. Comprenant sans doute ma détresse, l'homme sourit doucement et fit volte-face pour sortir de la pièce.
— Pas la peine de me remercier, dit-il la main sur la poignée alors que j'ouvrais la bouche.
— Comment va Liv... mon amie ? demandai-je comme j'en avais eu l'intention.
— Elle s'accroche. J'ai pu retirer la balle et hormis le sang perdu, aucun organe n'avait été touchés. Mais elle aurait besoin d'une transfusion et d'antibiotique que je ne peux pas lui fournir. Elle est humaine, elle devrait aller à l'hôpital.
— Mangez, ça va refroidir, ajouta-t-il quelques secondes plus tard dans un soupir résigné. Mais vous devriez essayer de la convaincre, moi elle ne m'écoute pas.
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Insurrection- Elémental Tome 2
ParanormalCe que tous redoutaient à eu lieu. La guerre entre humains et métamorphes est déclarée. L'instigateur de la grande attaque est mort mais ce sont les métamorphes qui en paye le prix fort. Traqués, arrêtés condamnés et parfois même exécutés, ils se ca...