Chapitre 1-1

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*Quelque part sous terre*

La vibration remonta le long de mon bras, ébranlant mon corps maigre et éprouvé. Pourtant je continuais ce mouvement répétitif et entêtant presque sans m'en rendre compte. Cela faisait déjà plusieurs semaines que la faim était passée au second plan, la fatigue et la douleur aussi. Ne restait que la rage. Chaude, vibrante et familière, elle était la dernière chose qui me permettait de tenir. Celle qui me maintenait encore en vie. La main qui attrapa mon bras me sortit de ma transe et c'est dans un cri bestial que je me retournai vers l'importun, pioche en l'air, prêt à frapper.

— River, arrête !

La voix fluette passait à peine au-dessus du vacarme des masses, des cris et des geignements qui saturaient cet endroit de malheur. Pourtant, elle arrêta mon bras plus efficacement que tout autre chose. Le brouillard de douleur et de chagrin qui saturait mes sens se dissipa brusquement, me révélant pour une énième fois, notre triste réalité. Une jeune femme me fixait, ses yeux las et larmoyants, m'implorant de l'écouter. Auréolés par la poussière, ses cheveux sales et emmêlés lui conféraient une allure presque irréelle. Pourtant notre sort ne l'était que bien trop réel, constatai-je amèrement en laissant enfin reposer la tête de ma pioche sur le sol.

— Tu ne peux pas continuer comme ça. Tu vas finir par te blesser... arrête.

Sans un mot, je finis par lâcher le manche et me dégageai sans douceur de sa prise anémique. Elle me lança un regard triste lorsque je la dépassai sans un regard, allant m'assoir lourdement sur l'une des paillasses de fortune disponible.

— Pourquoi tu fais ça ? revint-elle à la charge en se plantant devant moi.

— Faire quoi ?

— Te comporter comme un sale con !

Je serrai les poings et repoussai machinalement la mèche sale qui me balayai la joue. Je ne pouvais pas me laisser aller. Je devais tenir encore quelques jours...

— Je sais ce que tu prépares, continua-t-elle d'un ton bravache. Rends-toi à l'évidence, tu n'y arriveras jamais tout seul ! Il n'y a qu'en nous unissant que nous avons une chance. Pourquoi tu ne veux pas m'écouter ? Tu ne nous fais pas confiance ?

Son dernier mot réussit là où tout son laïus éculé avait échoué. La confiance... rien que le fait de penser à ce mot me donnait la nausée. J'avais fait confiance, il y avait de cela une éternité me semblait-il, tout ça pour me retrouver ici... dans cet enfer. Si je m'étais bien promis une chose depuis mon arrivée ici, c'était de ne plus me fier à personne. Je relevai la tête lentement et mon regard trouva le sien pour ne plus le lâcher.

— On ne se connait pas, lui martelai-je lentement.

— Nous sommes tous emprisonnés ici, à tort...

— Et c'est sensé faire de nous... quoi ?! Des frères d'armes, lui crachai-je avant de me relever.

Mes muscles épuisés protestèrent mais ce furent mes poumons qui me trahirent. Le souffle court et la vision envahie de mouchetures dorées, je me mis à tousser frénétiquement. Les quintes de toux me déchiraient la poitrine et sans l'étais de bois auquel je m'agrippai, je serais tombé. Ce n'était plus qu'une question de jours. Si je ne sortais pas d'ici très vite, j'étais foutu. C'était peut-être déjà le cas, d'ailleurs, me dis-je amèrement en avisant les mouchetures écarlates parsemant ma paume. Je jetai finalement un regard vers ma compagne d'infortune qui me fixait d'un regard angoissé, une main devant sa bouche.

Elle s'appelait Livia et son père Lance. Ils étaient arrivés quelques jours auparavant et avaient décidé de me coller aux basques, pire qu'une moule à un rocher. Pourquoi ? Je n'en avais aucune idée. Sans doute parce que j'étais le plus ancien encore en vie ? Ce qui ne durerait plus très à longtemps à ce rythme, me serina ma conscience alors qu'une nouvelle quinte de toux me déchirait la poitrine.

— Je croyais que vous ne pouviez pas tomber malade ?

Livia me regardait de ses grand yeux brun, fixant les nouvelles taches écarlates d'un regard incrédule. Je lui rendis son regard, presque aussi surpris qu'elle. Dans ce camps de travail, nous étions tous des métamorphes. Arrivés là par les vagues successives de rafles et de contrôles anti méta-humains, instaurés depuis la grande attaque.

— Si vous n'êtes pas des métamorphes, qu'est-ce que vous faites ici ? parvins-je à lui demander malgré le peu d'air parvenant à se frayer un chemin jusqu'à mes poumons. Ils n'envoient jamais d'humains ici.

— Collaboration, me répondit Lance dans un rire sinistre en rejoignant sa fille. Une amie de Fac de Livia était l'une des vôtres. Lorsqu'ils se sont mis à arrêter tous les métamorphes déclarés, elle a paniqué et comme elle n'avait nulle-part où aller, nous l'avons cachée chez nous.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demandai-je même s'il n'était pas très difficile de deviner la réponse.

— On nous a dénoncé, me répondit Livia dans un frisson. Certainement un autre étudiant, Mary et moi trainions toujours ensemble.

— Ils nous sont tombés dessus en pleine nuit, continua son père. Mary à réussi à s'enfuir mais... Vous devez nous aider, me supplia-t-il soudain. Nous ne tiendrons pas une semaine ici !

Insurrection- Elémental Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant