Nous étions censés être en train de dormir. Nous avions des couchettes minuscules qui nous permettaient à peine de nous étirer entièrement. Nous étions toujours chez les Vengefuls et je devais avouer que ce n'était pas très rassurant.Ils ne nous avaient pas spécialement bien accueilli.
Notre présence ne faisait que leur rappeler qu'ils n'étaient que des malfrats et des bons à rien coincés sans aucun moyen de s'en sortir. L'argent était le roi partout mais davantage chez eux. Celui ou celle qui en avait le plus était couronné d'avance.
Tous les moyens étaient bons pour passer premier. Le compte en banque devait obligatoirement rester rempli le plus possible. Les meurtres étaient courants. Ils étaient commis par les employés des riches.
Aucun sang noble ne devait être versé. Seul celui des impurs le pouvait.
C'était ce qui était inscrit sur un mur en ruine devant lequel nous nous étions arrêtés. Turner nous avait assuré qu'on ne risquait rien, que personne ne viendrait nous attaquer durant la nuit mais je n'étais pas convaincue.
Au contraire, nous étions même la cible la plus évidente pour les dissidents comme pour les autres habitants qui nous haïssaient.
Je n'avais jamais réalisé à quel point j'étais privilégiée. L'état des rues et l'expression meurtrière des Vengefuls m'avaient aidé à comprendre que j'étais loin d'être dans le besoin. Le reste d'Atropos devrait venir ici au moins une fois pour se rendre du malheur profond dans lequel vivaient les habitants.
Je n'arrivais pas à m'endormir alors je décidai de prendre l'air. Je descendis de ma couchette et frôlai celles des autres. Je marchai sur la pointe des pieds, mes chaussures dans mes mains. J'ouvris le plus délicatement possible la porte du camion et me glissai dehors.
Le froid qui m'accueillit me donna la chair de poule. J'avais oublié de me couvrir davantage. Je fis quelques pas timides dans la rue. La seule lumière était la lune qui éclairait chaque recoin. Elle était pleine et magnifique.
C'était la seule chose encore pure dans notre univers. Le soleil se jouait de nous parfois, mais jamais elle.
Des cris résonnaient encore dans les bars aux alentours. J'entendis du verre se briser, probablement parce que quelqu'un l'avait jeté sur le sol. C'était presque calme. Cependant, l'air était lourd, comme tendu.
Des passants marchèrent devant moi sans faire attention à la fille aux cheveux mal coupés et qui portaient seulement des chaussettes.
Je fis le tour de camion et trouvai l'échelle qui permettait de se rendre sur le toit. Je fis le moins de bruit possible en montant. J'avais l'impression d'être de retour chez moi, sur mon toit, durant la nuit alors que le couvre-feu l'interdisait.
Je m'allongeai en essayant d'ignorer la froideur du matériau. Il me fit presque du bien. Une brise légère qui s'accentuait doucement frôla mon nez et me détendit. J'étais beaucoup plus tranquille en haut que dans le camion.
Je fixai les étoiles dans le ciel, peu nombreuses et pourtant si lumineuses.
— La vue te plaît ?
Je me relevai d'un coup, en sursautant. Je ne l'avais ni entendu, ni vu arriver. Il avait été si silencieux que s'il n'avait pas parlé, je ne l'aurais pas remarqué.
— Parce que, personnellement, j'aime ce que je vois, ajouta Turner avec un sourire en coin.
Je me rallongeai en reprenant mon souffle. Il avait réussi à m'effrayer.
— Je devrais te dénoncer, dormir dehors est dangereux. Sans parler du couvre-feu.
— Tu oserais vraiment ? me moquai-je en replaçant une de mes mèches qui me gâchait la vue.
VOUS LISEZ
DEAD END | 1 & 2
RomanceDeux serpents, une rose et des ronces. Le symbole d'un pays où règne la terreur et où la surpopulation est le problème principal selon le gouvernement. La Dead End régule le nombre d'habitants d'Atropos et de ses six provinces. Elle fait s'affronte...